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Akmazîr y parut au nom du souverain de Tunis, et Eïad-IbnSaid-Ibn-Otheimen au nom du seigneur de Bougie. Quand IbnAkmazîr prit son congé de départ, le sultan le fit accompagner jusqu'à Tunis par le savant légiste, Abou-'l-Hacen de Ténès, mufti de l'empire, et par Ali-Ibn-Yahya de Brechk. Ces envoyés eurent pour mission d'obtenir le concours de la flotte tunisienne. Ils terminèrent heureusement cette négociation avant la fin de l'année, et la nouvelle en fut rapportée au sultan par Abou-AbdAllah-el-Mezdouri, cheikh des Almohades. Vers la même époque eut lieu le retour de Hassoun-Ibn-Mohammed-Ibn-Hassoun-elMiknaci, client du sultan, qui avait accompagné Ibn-Otheimen à la cour d'Abou-l-Bacâ, seigneur de Bougie. Hassoun aussi, avait eu pour mission d'obtenir le secours d'une flotte, mais les ministres d'Abou-l-Bacâ l'avaient congédié en regrettant de ne pas pouvoir satisfaire à la demande du sultan. Ils le firent accompagner auprès de son maître par Abd-Allah-Ibn-Abd-el-Hack-IbnSoleiman. Le sultan accueillit très-bien tous ces envoyés, selon son habitude, et transmit au gouverneur d'Oran l'ordre de traiter honorablement les équipages des navires qui les avaient amenés.

Les ambassadeurs prirent enfin leur congé, enchantés de la réception qu'on leur avait faite, et le sultan se passa de la flotte hafside parce qu'il n'avait plus besoin de bloquer les ports du Maghreb [central]. En effet, il était parvenu à en soumettre tout le littoral pendant que les Almohades remettaient de jour en jour

l'envoi de leurs navires.

L'émir Abou-Zian, qui avaient été proclamé souverain à Tlemcen lors de la mort de son père, Othman-Ibn-Yaghmoracen, et qui était monté sur le trône vers la fin de l'an 703 (4304), pendant que le siége durait encore, fut très-mécontent d'apprendre que les Hafsides favorisaient son ennemi au point de lui promettre le concours de leur flotte; aussi, pour s'en venger, il ordonna la suppression du nom du khalife hafside dans la prière publique; abolissant de cette manière et pour toujours un usage qui avait subsisté depuis le temps de Yaghmoracen. Quelque temps après, eut lieu la mort du sultan mérinide.

LES SOUVERAINS DE L'ORIENT ET LES ÉMIRS TURCS DE L'ÉGYPTE ENVOIENT DES AMBASSADES AU SULTAN.

que

Après avoir conquis les états et les provinces du Maghreb central, le sultan reçut les félicitations des souverains qui régnaient dans les autres pays et des Arabes nomades qui fréquentaient les plaines du Tell et les profondeurs du Désert. Un grand nombre de Maghrebins, voyant la sûreté des communications si bien établie les caravanes se rendaient à leur destination sans être inquiétées sur la route, formèrent le projet d'accomplir le pèlerinage et sollicitèrent du sultan la permission de s'embarquer afin d'aller à la Mecque. Jusqu'alors, les chemins avaient été si dangereux pour les voyageurs et l'autorité des gouvernements africains si peu respectée, que l'occasion de remplir ce saint devoir ne s'était pas présentée depuis longtemps.

Cette demande éveilla dans le cœur du sultan le désir de visiter la ville sainte et le tombeau du Prophète [et, comme les circonstances s'y opposaient, il résolut d'envoyer un témoignage de sa profonde piété]. Par son ordre, un habile calligraphe nommé Ahmed-Ibn-Hacen, transcrivit un exemplaire du Coran en grand format. Ce volume fut ensuite relié avec un soin merveilleux et garni de plusieurs fermoirs en or sur lesquels brillaient des groupes de perles et de rubis. Au milieu se voyait uue pierre précieuse qui surpassait toutes les autres par la grandeur, la forme et la beauté. Ce livre fut enfermé dans plusieurs étuis et consacré, comme donation, au temple de la Mecque. La caravane chargée de porter ce volume à sa destination, se mit en route l'an 703 (1303). Pour garantir les pèlerins contre tout danger, le sultan leur fournit une escorte d'environ cinq cents cavaliers zenatiens, et il leur donna pour cadi, le savant et illustre docteur maghrebin, Mohammed-Ibn-Zeghbouch. 11 adressa en même temps une lettre au souverain de l'Égypte dans laquelle il lui recommanda les pèlerins du Maghreb, sujets de l'empire mérinide.

Par la même occasion, il lui expédia un présent composé de tout ce que le Maghreb pouvait fournir de plus beau en fait de meubles et d'autres objets. Il y avait aussi plusieurs chevaux arabes et quatre cents bêtes de somme très-vigoureuses. Je tiens ce chiffre d'une personne avec laquelle je me suis rencontré.

Cette caravane servit à frayer le chemin pour la grande caravane du Maghreb qui partit l'année suivante. Celle-ci quitta [la Mansoura de] Tlemcen dans le mois de Rebiâ premier 704 (octobre 1304), sous la conduite d'Abou-Zeid-el-Ghafaïri lequel tenait sa nomination du sultan. La caravane de l'année précédente transporta le volume sacré à la Mecque et, dans le mois de Rebià second (novembre 1304), elle rentra en Maghreb. Avec elle arriva le chérif Lebìda-Ibn-Abi-Nemi, qui venait de se soustraire à l'autorité des Tures [Mamloucks]. Il avait pris ce parti en voyant arrêter ses frères, Khamîça' et Remita, par l'ordre da sultan turc, en l'an 701, peu de temps après la mort de leur père, Abou-Nemi, seigneur de la Mecque.

Le sultan mérinide accueillit le réfugié avec de grands égards et l'envoya en Maghreb afin de visiter ce pays et de voir les palais et autres monuments de la puissance mérinide. Il fit même prévenir les commandants de ses provinces qu'ils auraient à traiter ce voyageur honorablement et à lui donner des cadeaux, chacun selon ses moyens. En 705, le chérif revint à la cour et, s'étant fait accorder son congé de départ, il se mit en route pour l'Orient, accompagné d'Abou-Abd-Allah-Fouzi, maghrebin trèsdistingué qui voulait accomplir le pèlerinage.

Dans le mois de Châban 705 (fév.-mars 1306), Abou-Zeid-elGhafaïri, conducteur de la dernière caravane, revint de la Mecque. Il apporta un document par lequel les chérifs de cette ville se reconnaissaient sujets du sultan mérinide. Ces chefs avaient ressenti un vif mécontentement à cause de l'arrestation de leurs frères par le souverain de l'Égypte et, pour s'en venger, ils s'é

Variante: Hamida.

taient conformés à leur usage ordinaire en pareille circonstance'. Nous avons raconté d'eux un trait semblable dans l'histoire d'ElMostancer le hafsides, Ils envoyèrent en même temps au sultan un vêtement fait avec un morceau du voile de la Câba. Ce fut avec un véritable plaisir que le sultan reçut cette offrande et, pour jouir de la bénédiction qui se rattache à un objet aussi saint, îl le porta entre ses autres habits, les vendredis et jours de fête.

Quand le souverain de l'Égypte, El-Melek-en-Nacer-Mohammed-Ibn-Calaoun-es-Salehi, vit le présent que le sultan du Maghreb lui envoya, il en éprouva une satisfaction extrême et, pour répondre à cette marque d'égard par une autre, il fit réunir un choix de tout ce que ses états pouvaient fournir en fait d'étoffes et d'animaux rares. Parmi les quadrupèdes, qui se distinguaient par leur forme et leur taille, on remarqua des individus du genre éléphant et du genre giraffe. L'émir Et-Telili, un des grands dignitaires de l'empire égyptien, fut chargé de veiller au transport de ce cadeau et de l'accompagner jusqu'à la cour du sultan. Il quitta le Caire vers la fin de l'an 705 (juin-juill. 1306); dans le mois de Rebiâ (sept.-oct), il arriva à Tunis et, dans le mois de Djomada second (déc.-janv. 1306-7), il parut en vue de la Mansoura de Ville-Neuve. Le sultan, rempli de joie, ordonna à tout son monde de monter à cheval et d'aller au-devant d'EtTelili et des émirs turcs qui l'accompagnaient, et, pour mettre le comble à ses prévenances, il leur assigna un beau logement avec une table bien fournie; puis, il les envoya en Maghreb, selon l'usage. Sa mort, qui cut lieu bientôt après, ne changea rien à l'égard de cette ambassade; son successeur, Abou-Thabet, en traita les membres avec autant d'honneur qu'auparavant et les congédia en les comblant de riches cadeaux.

Hls quittèrent le Maghreb dans le mois de Dou-'l-Hiddja 707 (mai-juin 1308), mais, en traversant le pays des Beni-Hacen, où

1 Lisez metta à la place de hatta dans le texte arabe.

Voy. 1. 1. p. 343.

ils arrivèrent en Rebià (sept-oct.), ils furent dévalisés par les. Arabes du Désert et ils entrèrent au Caire dans un état pitoyable. Depuis lors, le gouvernement égyptien n'a plus expédié de missions en Maghreb et ne fait plus aucune attention à ce royaume. De leur côté, les souverains mérinides sont tellement honteux de cet événement qu'ils n'envoient plus aucun de leurs grands officiers au Caire; ils y font seulement porter des cadeaux; ils en reçoivent d'autres en retour et, dans leurs lettres, il se bornent à énoncer l'envoi qu'ils viennent de faire, sans rien y ajouter de plus.

A l'époque même où cet attentat fut commis, l'opinion publique en désignait comme auteurs les Arabes nomades de la tribu des Hosein; on les soupçonnait même d'avoir agi à l'instigation d'Abou-Hammou, seigneur de Tlemcen, lequel aurait voulu gratifier de cette manière la haine de longue date que la famille de Yaghmoracen portait aux souverains du Maghreb. A ce sujet, mon ancien professeur, Mohammed-Ibn-Ibrahim-el-Abbeli, m'a raconté l'anecdote suivante : « Je me trouvais, dit-il, dans la pré>> sence du sultan [Abou-Hammou] quand plusieurs Tlemcenois,

qui revenaient de la Mecque, lui remirent une lettre de la part » d'El-Melek-en-Nacer. Dans cet écrit, le souverain égyptien se » plaignait de ce que la mésaventure arrivée à ses émirs » avait eu lieu sur le territoire de Tlemcen. Cette lettre fut ac» compagnée de deux flacons remplis de baume, produit particu>>lier aux états du sultan de l'Égypte, et de cinq mamlouks »tures, porteurs de cinq arcs ghozziens dont le bois, les cornes » et les cordes étaient d'un fort beau travail. Notre maître, trouvant un pareil présent bien mesquin en comparaison de celui >> que le sultan du Maghreb venait de recevoir, fit venir son se »crétaire, le cadi Mohammed-Ibn-Hidya, et lui parla en ces ter» mes : « Écris à El-Melek-en-Nacer ce que je vais te dicter et >> ne change rien à l'ordre de mes paroles qu'autant que la gram» maire l'exigera. Écris: Quant à vos reproches au sujet des » ambassadeurs et de ce qui leur survint en roule, je réponds » qu'à l'époque où ils se présentèrent chez moi, je leur con» seillai de marcher à grandes journées de peur qu'il ne leur

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