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rent une telle quantité de blé, de fruits et d'autres vivres laissés par l'ennemi, que les marchés de la ville en furent parfaitement approvisionnés pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que les lieux voisins purent y envoyer des convois.

L'émir Abou-Yacoub s'empressa de traverser le Détroit et contribuer par sa présence à l'effroi des infidèles; mais, avant d'envahir leur pays, il résolut de châtier Ibn-el-Ahmer. Pour effectuer son projet plus facilement, il offrit la paix au roi chrétien et lui proposa de réunir leurs forces et de mettre le siége devant Grenade. Le roi, intimidé par la puissance des Mérinides et très-courroucé contre Ibn-el-Ahmer d'avoir secouru la ville d'Algeciras, accepta la proposition et envoya une compagnie d'évêques au camp mérinide pour conclure le traité. L'émir Abou-Youçof fit conduire ces personnages auprès de son père le sultan, qui n'avait pas encore quitté le Maghreb ; mais ce monarque désapprouva complètement le projet d'alliance, disgracia son fils et congédia les envoyés. Abou-Yacoub revint en Afrique avec une députation composée d'habitants d'Algeciras et trouva son père le sultan dans la province de Sous, où il l'avait laissé.

Abou-Zian-Mendil, fils d'Abou-Youçof, ayant alors reçu de son père le commandement des troupes mérinides en Espagne, s'établit dans Algéeiras, conclut un traité de paix avec le roi chrétien, et entreprit le siége de Marbella', forteresse appartenant à Ibn-el-Ahmer. Après avoir bloqué cette place par terre et par mer, il dut renoncer à l'espoir de s'en emparer à cause de la résistance qu'elle lui opposa. Quand il fut rentré à Algeciras, les places fortes de la Gharbia s'empressèrent de reconnaître son autorité afin de se garantir contre le roi chrétien. L'arrivée des renforts expédiés du Maghreb lui permit alors de mettre le siége devant Ronda, et, pendant qu'il faisait tous ses efforts pour réduire cette place, le roi chrétien, soutenu par les Chékî+

Telle est la bonne leçon. Dans l'édition du texte arabe il faut supprimer la première partic de la note (1).

lola et par Ibn-ed-Delil, envahit le territoire musulman afin d'attaquer Ibn-el-Ahiner dans Grenade.

Le sultan andalousien comprit alors la nécessité de se réconcilier avec les Mérinides et invita l'émir Abou-Zian à une conférence. Nous parlerons, plus tard, de cette entrevue qui eut lieu dans le voisinage de Marbella.

Le sultan Abou-Youçof leva enfin le camp qu'il avait établi au pied du Mont Sekcîoua et alla faire quelques courses dans le Sous avant de rentrer à Maroc. Il attendit dans cette ville la fin de la guerre contre les Berbères, et partit ensuite pour Fez, d'où il envoya des proclamations dans toutes les parties de son empire afin d'appeler le peuple à la guerre sainte. Dans le mois de Redjeb 678 (nov.-déc. 1279), il fit son entrée dans Tanger et put alors juger de la mauvaise tournure que les affaires de l'Espagne avaient prise depuis son départ de ce pays. Il reconnut que le roi chrétien avait obtenu une grande supériorité sur Ibn-elAhmer et qu'il visait à la conquête de toute la péninsule.

En 679 [1280-4), le roi chrétien marcha contre Grenade sur la prière d'Abou-'l-Hacen-Ibn-Abi-Ishac- Ibn-Chékîlola, seigneur de Guadix, mais, après avoir assiégé cette ville pendant quinze jours, il abandonna l'entreprise. Pendant son expédition il avait eu pour alliés tous les princes de la famille Chékîlola, rivaux déclarés du souverain de Grenade. Dans sa retraite il eut à combattre les troupes zenatiennes au service d'Ibn-el-Ahmer. Ce corps de guerriers, voulant soutenir dignement son ancienne réputation, se mit en marche, sous les ordres de Talha-IbnYahya-Ibn-Mohalli et de Tachefîn-Ibn-Moti, chef des Tìrbîghîn'. Ils atteignirent l'ennemi auprès du château de Moclin et lui tuèrent sept cents cavaliers. Dans cette rencontre, où Dieu assura la victoire aux musulmans, Othman-Ibn-Mohammed-IbnAbd-el-Hack, prince de la famille des Beni-Mérin, remporta la couronne du martyre.

Variante: Tirighin. Voy. ci-devant, page 26.

* Moclin ; les historiens arabes écrivent El-Moth/in

En l'an 680 (4284-2) le roi chrétien mit le siége devant Grenade à la prière du rais Abou-Mohammed-Abd-Allah[-Ibn-Chékilola], seigneur de Guadix, et, bien qu'il y renonçât au bout de quelques jours, il n'en conserva pas moins une grande supériorité sur les musulmans espagnols. Le sultan Abou-Youçof fut pénétré de douleur à l'aspect de leurs malheurs, et, voulant délivrer Ibn-el-Ahmer des humiliations dont l'ennemi l'abreuvait, il lui fit proposer une suspension d'armes et un traité d'alliance. Cette offre fut repoussée parce que le sultan mérinide avait demandé avant tout, que la ville de Malaga lui fût rendue.

Abou-Youçof se remit alors à travailler afin d'applanir les obstaeles qui auraient empêché une nouvelle expédition contre les chrétiens. Un de ses plus graves embarras fut l'attitude peu rassurante de Yaghmoracen, dont il avait appris d'une manière certaine, les liaisons avec Ibn-el-Ahmer et le neveu d'Alphonse 1. Le chef abd-el-ouadite auquel il proposa un nouveau traité de paix, dévoila tout-à-fait ses intentions hostiles et déclara ouvertement qu'étant devenu l'ami des Espagnols, tant musulmans qu'infidèles, il était bien résolu à envahir le Maghreb. L'Émir des musulmans, se trouvant ainsi dans la nécessité de marcher contre lui, rentra à Fez, vers la fin de Choual (679 — février 1281), après avoir passé trois mois à Tanger. Voulant toutefois se ménager un prétexte pour commencer des hostilités, il envoya un ambassadeur à Tlemcen avec la commission de sommer Yaghmoracen à faire la paix avec les Beni-Toudjîn, alliés de l'empire mérinde, et à retirer ses troupes de leur pays. Cette demande excita au plus haut degré l'indignation du prince abd-el-ouadite et le confirma dans son égarement.

Vers la fin de l'an 679 (avril 1281), le sultan expédia de Fez une armée sous les ordres de son fils, Abou-Yacoub, et, peu de

Le texte arabe porte le fils du frère d'Alphonse. L'auteur aurait dû écrire le roi. Les historiens arabes rapportent souvent d'une manière très-inexacte les noms des rois chrétiens.

temps après, il alla la rejoindre à Téza. Parvenu au Molouïa, il s'arrêta pour laisser arriver toutes ses troupes et ensuite il se rendit à la Tafna en passant par Mama. Yaghmoracen vint lui offrir bataille à la tête des Zenata et de ses alliés arabes, lesquels traînaient après eux leurs tentes et leurs troupeaux. Les principaux chefs des deux armées se mesurèrent d'abord, les armes à la main; ensuite, les soldats montèrent à cheval et s'élancèrent au combat. La rencontre eut lieu à Kharzouza, dans le MelabTafna. L'Émir des musulmans avait placé la cavalerie de sa garde sur une des ailes de l'armée, et, sur l'autre, les escadrons commandés par son fils Abou-Yacoub. Le conflit se prolongea jusqu'au soir, mais, au moment où l'on allait se livrer au repos, les Beni-Abd-el-Ouad commencèrent leur retraite en abandonnant bagages, bêtes de somme, armes et tentes. Pendant toute cette nuit, les troupes d'Abou-Youçof restèrent à cheval et, au point du jour, elles se mirent à la poursuite des fuyards. Tous les troupeaux des Arabes nomades tombèrent au pouvoir des Mérinides. Le vainqueur pénétra dans le pays de Yaghmoracen, puis dans celui des Zenata, et rencontra Mohammed-IbnAbd-el-Caouï le toudjînide à El-Caçabat. Accompagné par ce chef, il porta le ravage dans le territoire abd-el-ouadite et, l'ayant ensuite congédié avec les tronpes toudjinides, il tint la ville de Tlemcen étroitement bloquée jusqu'à ce que ses alliés fussent rentrés dans le Ouancherich, région où la vengeance de Yaghmoracen n'était plus à craindre. Il décampa alors et revint à Fez dans le mois de Ramadan 680 (déc.-janv. 1281-2).

Au commencement de l'année suivante (avril 1282), il se rendit de Fez à Maroc d'où il envoya son fils, Abou-Yacoub, dans le Sous, afin d'y rétablir l'ordre. Il était encore à Maroc quand il reçut un mossage du roi chrétien qui, obligé maintenant à soutenir une lutte contre son propre fils (Don Sanche), implorait le secours des Mérinides. Heureux de pouvoir entretenir la discorde parmi les chrétiens et gratifier en même temps son amour pour la guerre sainte, il consentit volontiers à secourir son ancien ennemi et partit sur le champ afin d'entrer en Espagne le plus tôt possible.

DON SANCHE [Chandja] SE REVOLTE CONTRE SON PÈRE, LE ROI SUR LA PRIÈRE DE CELUI-CI, L'ÉMIR ABOU-YOUÇOR

CHRÉTIEN.

PASSE EN ESPAGNE POUR LA TROISIÈME FOIS.

Après son expédition contre Tlemcen, le sultan Abou-Youçof revint à Fez d'où il partit pour Maroc. Pendant son séjour dans cette dernière ville, une ambassade, composée de patrices, de grands et de comtes du peuple chrétien, vint lui exposer que Sanche, fils de leur souverain, s'était mis en révolte et, qu'ayant été soutenu par une partie de la nation, il avait vaincu son père. « Notre roi, ajoutèrent-ils, se voit donc forcé d'implorer le se>> cours de votre majesté; étant convaincu qu'avec l'aide de » l'Émir des musulmans, il doit recouvrer son royaume. »>

Le sultan s'empressa d'y donner son consentement, dans l'espoir de pouvoir faire tourner à son propre avantage la désunion qui régnait parmi les chrétiens2 et, s'étant rendu à Casr-el-Medjaz, il traversa le Détroit, après avoir invité ses sujets à le suivre et à prendre part aux mérites de la guerre sainte. Débarqué à Algéciras, dans le mois de Rebiâ second 681 (juillet-août 1282), il réunit les garnisons de ses forteresses espagnoles et alla se poster à Sakhra-t-Eïad 3. Le roi chrétien y vint le trouver, en s'humi

1 Dans le texte arabe il faut remplacer le mot

par

2 Dans une dépêche officielle adressée par le sultan Abou-Youçof à Philippe-le-Hardi, roi de France, dépêche qui se trouve encore dans les archives du royaume, le monarque africain declare qu'en prêtant son appui au roi Alphonse, il n'avait agi ni par aucune vue d'intérêt, ni pour agrandir ses états, mais uniquement pour soutenir ce prince infortuné. Voy. le mémoire composé sur ce sujet par M. de Sacy et inséré dans le recueil intitulé: Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome 1x.

3 Variante: Sakhra-t-Eibad. Cette forteresse était probablement située dans le voisinage de Séville.

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