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Abbacides aux Déilémites, puis aux Turcs seldjoukides, puis aux
Turcs mamlouks1 d'Égypte, puis aux Tartars dans l'Irac arabique et
l'Irac persan. Plus une dynastie est puissante, plus se développent
chez elle les usages de la vie sédentaire. En effet, ces usages nais-
sent du luxe; le luxe suit la possession des richesses et du bien-être;
ceux-ci s'acquièrent par la conquête d'un
royaume et sont (toujours)
en rapport avec l'étendue des pays soumis à l'autorité du gouverne-
ment. Le luxe est donc en rapport direct avec la grandeur de l'em-
pire. Examinez ce principe et comprenez-le bien; vous le trouverez
exact en ce qui regarde les empires et la civilisation. Dieu est l'héritier
de la terre et de tout ce qu'elle porte!

L'aisance du peuple ajoute d'abord à la force de l'empire.

Dans une tribu qui parvient à fonder un empire et à se procurer le bien-être, le nombre des naissances prend un grand accroissement, les liens de parenté se multiplient et le corps de ses guerriers devient plus considérable ainsi que le nombre des affranchis et des clients. La nouvelle génération, élevée au sein de l'opulence, contribue à grossir la force armée, vu qu'à cette époque le nombre des troupes s'accroît avec la population. Quand la première et la seconde génération viennent à s'éteindre, l'empire ressent les premières atteintes de la vieillesse; les clients et les affranchis sont incapables de le soutenir ou d'y maintenir l'ordre, parce qu'ils n'ont aucune part dans les affaires publiques. Au contraire, ils sont devenus une charge et un fardeau 2 pour la nation. D'ailleurs, quand la racine de l'arbre dépérit, les branches, ne pouvant plus se soutenir, tombent et se meurent. La puissance d'aucun empire ne reste invariable. Voyez, par exemple, ce qui est arrivé au premier empire fondé par les Arabes musulmans. Ce peuple, ainsi que nous l'avons dit, formait, du temps p. 314. de Mohammed et des (premiers) khalifes, une population d'environ

cent vingt mille hommes, les uns descendus de Moder et les autres

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de Cahtan. Lorsque la prospérité de l'empire eut atteint son plus haut degré, l'armée augmenta avec l'accroissement du bien-être général; elle se doubla même par l'adjonction des clients et des affranchis que les khalifes avaient à leur service. On dit qu'à la prise d'Ammouriya1 par El-Motacem, ce prince avait dans son camp neuf cent mille hommes. On n'est pas éloigné d'admettre l'exactitude de ce chiffre, quand on pense au grand nombre de troupes que le gouvernement employait alors pour la garde de ses frontières les plus rapprochées et les plus éloignées, qui s'étendaient depuis l'orient jusqu'à l'occident. Ajoutez à cela le corps des milices chargé de soutenir le trône, et celui des affranchis et des clients. « Sous le règne d'El-Mamoun, dit Masoudi, on fit le dénombrement des membres d'une seule famille, celle des Abbacides, afin de leur assigner des pensions, et l'on trouva qu'elle se composait de trente mille individus, tant hommes que femmes.» Voilà comment une famille augmente en moins de deux cents ans. Cela provient de la prospérité de l'empire et de l'aisance dont on a joui pendant plusieurs générations; car les Arabes, lors de leurs premières conquêtes, étaient loin d'être nombreux. Dieu, le créateur, sait tout!

Indication des phases par lesquelles tout empire doit passer, et des changements qu'elles produisent dans les habitudes contractées par le peuple pendant son séjour dans le désert 2.

Chaque empire passe par plusieurs phases et son état subit diverses altérations. Ces changements influent3 sur le caractère de ceux qui soutiennent l'empire et leur communiquent des sentiments qu'ils ne connaissaient pas auparavant. En effet, le caractère d'un peuple dépend naturellement de la nature de la position dans laquelle il se trouve. Les phases ou changements qui ont lieu dans l'état des emP. 315. pires peuvent ordinairement se réduire à cinq. Dans la première,

Amorium, en Galatie; cette ville fut

2

liser أحوال اهلها في البداوة Pour

احوالها وبداوة اهلها 223838 prise par les musulmans, l'an

de J. C.).

ويكتسب,Variante 3

la tribu a obtenu tout ce qu'elle souhaitait1, elle a résisté aux attaques, repoussé ses ennemis, conquis un royaume et enlevé le pouvoir à une dynastie qui l'exerçait avant elle. Pendant la durée de cette phase, le souverain partage l'autorité avec les membres de la tribu; il les associe à sa puissance et travaille avec eux pour faire rentrer les impôts et protéger le territoire de l'empire. Il ne s'attribue exclusivement aucun avantage, car l'esprit de corps, qui avait conduit le peuple à la victoire et qui se maintient encore, l'oblige à borner son ambition. Dans la seconde phase, le souverain usurpe toute l'autorité, il en prive le peuple et repousse les tentatives de ceux qui voudraient partager le pouvoir avec lui. Tant que dure cette phase, il s'occupe à gagner par des bienfaits l'appui des hommes influents, à se faire des créatures, à s'attacher des clients et des partisans en grand nombre, afin de pouvoir réprimer l'esprit d'insubordination qui anime sa tribu et ses parents. Bien que tous ces gens soient descendus du même ancêtre que lui et qu'ils aient eu leur part de pouvoir, il finit par les exclure de toute autorité et à les en repousser, afin de se la réserver en entier pour lui-même. La haute position qu'il s'est faite donne à sa famille une influence exceptionnelle; aussi se trouve-t-il dans la nécessité de contenir l'ambition de ses parents, même par l'emploi de la force. Cette tâche est souvent plus difficile que celle de ses prédécesseurs, dont les efforts se bornèrent à conquérir un empire. Ceux-ci n'avaient à combattre qu'un peuple étranger et ils s'étaient assuré l'aide de toute une population animée d'un même esprit de corps, tandis que maintenant le souverain doit combattre ses proches parents sans avoir d'autres auxiliaires qu'un petit nombre d'étrangers. Il a donc de grandes difficultés à vaincre pour réussir dans le dessein qu'il a formé. La troisième phase est une période de désœuvrement et de repos. Le souverain jouit maintenant des fruits de ses efforts; maître de l'empire, il peut se livrer à la passion qui entraîne les hommes vers la recherche des richesses, qui les porte à laisser des

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monuments durables de leur existence et à se faire une haute reP. 316. nommée. Il consacre ses efforts au soin de faire rentrer les impôts, de bien constater les revenus et les dépenses, de tenir compte de tous ses déboursés et d'employer son argent avec prévoyance. Il fait construire de vastes édifices, des bâtiments immenses, de grandes villes, des monuments énormes. Il comble de dons les chefs de tribu et les grands personnages étrangers qui viennent le complimenter, il enrichit ses parents et prodigue l'or et les honneurs à ses créatures et à ses serviteurs. Il a soin de faire la revue de ses troupes et de leur donner régulièrement, chaque mois lunaire, une solde convenable. Aussi voit-on, aux jours de fête, les bons résultats de cette conduite : l'habillement du soldat, son équipement et ses armes, tout est en excellent état. Par la beauté de ses troupes, il excite l'admiration des nations amies et impose à celles qui ont pour lui des sentiments hostiles. Pendant cette phase, le chef de l'état exerce une autorité absolue et agit d'après ses propres inspirations; jusqu'alors il n'avait travaillé que pour la gloire commune et pour tracer un chemin que ses successeurs devaient suivre. La quatrième phase est une période de contentement et de repos. Le souverain se montre satisfait de la gloire que ses prédécesseurs lui ont transmise 2; il vit en paix avec les princes capables de l'égaler ou de rivaliser avec lui en puissance; il imite avec une attention scrupuleuse la conduite de ses prédécesseurs, et, bien convaincu de la grande habileté qu'ils avaient déployée en travaillant pour la gloire de la nation, il croirait se perdre s'il cessait de suivre leur exemple. La cinquième phase amène le gaspillage et la prodigalité. Le souverain dépense en fêtes et en plaisirs les trésors amassés par ses prédécesseurs; il en distribue une partie à ses courtisans sous le titre d'honoraires, et il emploie le reste à maintenir l'éclat de ses réceptions et à s'entourer de faux amis et d'intrigants“, auxquels il

1

3

La leçon est préférable.
Littéral. «ce que ses prédécesseurs

ont bâti. »

3 Littéral. « comme un soulier corres

pond à un autre. » — L'expressions désigne l'herbage qui pousse sur du fumier; il a un bel aspect, mais il n'est bon à rien.

confie des charges qu'ils sont incapables de remplir et dans lesquelles P. 317. ils ne savent comment se conduire 1. Il froisse l'amour-propre des chefs de la nation; il offense les gens qui doivent leur fortune à la bonté de ses prédécesseurs, et en fait ainsi des ennemis qui n'attendent, pour le trahir, que le moment opportun. Il gâte l'esprit de l'armée en employant pour ses plaisirs l'argent qui devait servir à la solder; jamais il ne s'entretient avec ses soldats, jamais il ne les interroge sur leurs besoins. De cette manière, il détruit l'édifice fondé par ses prédécesseurs. Pendant cette phase, l'empire tombe en décadence et ressent les attaques d'une maladie qui doit l'emporter et qui n'admet aucun remède. Enfin la dynastie succombe d'une manière dont nous exposerons ailleurs les détails. Dieu est le meilleur des héritiers2.

La grandeur des monuments laissés par une dynastie est en rapport direct avec la puissance dont cette dynastie avait disposé lors de son établissement.

Les monuments laissés par une dynastie doivent leur origine à la puissance dont cette dynastie disposait à l'époque de son établissement. Plus cette puissance fut grande, plus les monuments, tels que les édifices et les temples, sont vastes. Nous disons qu'il y a un rapport intime entre la grandeur des monuments et la puissance de la dynastie naissante. En effet, il faut, pour les achever, le concours d'une multitude d'ouvriers; il faut réunir beaucoup de monde pour aider aux travaux et pour les exécuter. Si l'empire a une vaste étendue et renferme beaucoup de provinces ayant une nombreuse population, on peut tirer de toutes les parties du pays une foule immense d'ouvriers. Alors on parvient à élever des bâtiments énormes. Songez aux constructions laissées par les Adites et les Thémoudites, et souvenez-vous de ce que le Coran en raconte. On voit encore debout (à Ctesiphon) le palais de Chosroës (Eïwan Kisra), qui offre une preuve frappante de la puissance des Perses. On sait que le khalife (Haroun) ErRechîd forma la résolution de l'abattre, et qu'après quelque hési

2

'Littéral. « ce qu'ils doivent prendre ou faisser. » Pour, lisez

الوارثين

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