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moins inspirées de la flore ou de la géométrie et affectant généralement la disposition en croix. Ces motifs sont inscrits dans des carrés posés un angle en bas. Cette plantation du carré mérite qu'on s'y arrête.

On remarquera que les plaques de faïence disposées en damier qui ornent le mihrâb de Kairouan sont également posées sur l'angle. L'intérieur de la Grande Mosquée de Sousse donne de ce damier une traduction en sculpture 1. Il paraît raisonnable d'en chercher l'origine dans les combinaisons décoratives de l'appareil byzantin 2. Quant au décor de rosace inscrit dans un carré,

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Minbar de la Grande Mosquée. Décor géométrique sculpté dans le bois.

il se rencontre fréquemment dans les carreaux de revêtements chrétiens tels que le Musée du Bardo en conserve un grand nombre. On trouve même des figures de ce genre sculptées en pierre dans les basiliques africaines. Cette variété de décors, que les artisans berbères qui taillent le bois conservent jusqu'à nos jours, apparaît bien comme une tradition trouvée dans le pays par l'art musulman du xe siècle.

1 Photographie de la Mission Dufour, eu Musée de Mustapha-Alger.

2 Voir la survivance musulmane qu'en offre la coupole de la Grande Mosquée de Kairouan (fig. 17).

3 Le rapprochement m'a été suggéré par M. L. Poinssot.

4 Cf. notamment GAVAULT, Etude sur les ruines romaines de Tigzirt, Paris, 18.7, fig. 6. C'est M. S. Gsell qui m'a signalé ces curieux décors.

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Le décor géométrique. Un ou deux carrés de la porte de Kairouan sont meublés par des entrelacs rectilignes et appartiennent au décor purement géométrique. Celui-ci n'occupe pas une grande place dans le décor sculpté sur pierre. Quelques fragments de frises, où les carrés alternent avec les cercles, sont jusqu'ici les seuls exemples que nous en connaissions (fig. 44). C'est dans la sculpture sur bois qu'il faudrait surtout en étudier les ingé

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Fig. 44.

pierre.

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Kairouan.

Grande Mosquée.

Décor géométrique sculpté en

A gauche panneau figurant en frise, sur la façade de la salle de prières. A droite, motif du cadre de l'ancienne midhâ.

nieuses combinaisons (fig. 43); mais cette étude sortirait des limites du présent travail. Il nous suffira, pour éclairer les comparaisons que nous serons appelés à faire par la suite, d'indiquer que ces panneaux présentent des baguettes sillonnées comme les tiges par une rainure longitudinale, que les entrelacs sont d'une grande variété, mais dérivent presque invariablement du carré ou du cercle, enfin que ce décor géométrique est ajouré, comme toute la garniture latérale de la chaire.

IV. L'ART DE SEDRATA

Plans et construction. La décoration. Matière, disposition et caractère. Les éléments décoratifs.

L'art des Aghlabides nous est assez bien connu et l'on peut espérer que, sans trop tarder, il nous le sera davantage. Nous essaierons d'indiquer dans quelle mesure il survécut à la ruine

des émirs de Kairouan. Il serait intéressant de savoir aussi quelle était son extension en Berbérie; mais, nous l'avons vu, rien ne nous est resté des monuments élevés à la même époque en Maghreb central par les Rostemides. La Tâhert des imâms khârejites, l'actuelle Tagdemt, prise par les Fâtimides en 908,

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Fig. 45. Sedråta. Mur avec décor de plâtre sculpté.

semble n'avoir conservé aucun vestige de sa splendeur. Sur l'art de ces hérétiques nous possédons toutefois quelques renseignements grâce aux ruines de Sedrâta.

Sedrâta est située à 5 kilomètres et demi au Sud-Ouest d'Ouargla, qui est elle-même à 600 kilomètres au Sud-Est d'Alger. La ville saharienne d'Ouargla comptait déjà sans doute une importante population khârejite quand une troupe de gens de

Tâhert s'y transporta, « en se guidant sur les astres ». C'est là qu'ils essayèrent de faire revivre la splendeur de Tâhert, en attendant que leurs descendants allassent chercher un dernier asile dans le Mzâb, citadelle encore aujourd'hui vivante de la vieille hérésie berbère. Ce nouvel exode dut se produire vers 1077. Sedrâta ne fut prospère que pendant environ 170 ans. On peut supposer que ses ruines nous offrent un prolongement de l'art des Rostemides, mais ce n'est en somme là qu'une hypothèse. Il convient de noter que Sedrâta n'apparaît dans l'histoire qu'au moment où Tâhert a disparu. Elle appartient aux et non au IX siècle. Il faut aussi tenir compte de l'évolution possible du style, des influences qui ont pu le renouveler postérieurement à l'exode.

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Plans et construction. Quelques parties des ruines de Sedrâtal ont été exhumées des sables qui les recouvrent. Tarry et Paul Blanchet les ont successivement fouillées. Ils ont déblayé la partie supérieure d'une mosquée. Elle compte « trois rangées de quatre piliers chacune », soit 5 nefs et 4 travées. Ils ont surtout identifié des demeures privées, quelques-unes très richement décorées. L'une d'elles, découverte par Blanchet, était « un véritable palais, presque intact, dont les murs s'élèvent à 4 mètres et plus, et dont la partie déblayée comprend 34 pièces. Sur une cour centrale s'ouvrent deux portiques et trois chambres. Les murs, les colonnes et les chapiteaux sont d'un stuc très fin, refouillé en arabesques..., la plus grande et la plus richement ornée des pièces a la forme d'un T; un lit de repos sculpté se trouve à l'extrémité de chaque branche. >>

Les plans publiés par Tarry et quelques photographies précisent l'image de ces belles demeures que nous laisse la description de Blanchet. Les pièces longues sont fréquentes; elles flanquent la cour sur deux de ses faces. L'une a près de 12 m. de long sur 2 m. 34 de large. Suivant la disposition conservée dans les habitations modernes, cette pièce prend jour sur la cour par une porte percée au milieu d'un des grands côtés; souvent elle est divisée en trois par deux arcs délimitant, aux deux extrémités,

1 Elle joue un rôle dans l'histoire d'Aboû Yazid le Kharejite, qu'elle ravitaille alors qu'il est retranché dans le Djebel Kyâna (335/946). Ibn Hammåd, tr. Cherbonneau ap. Journal Asiatique, 1852, II, 489.

deux cabinets, deux alcôves. A une certaine hauteur au-dessus du sol, de petites niches sont ménagées dans le mur. De semblables armoires se trouvent déjà au ribât de Sousse; nous les trouverons constamment employées dans les demeures musulmanes. La pièce s'ouvre sur une galerie, une antisalle, limitée du côté de la cour par des pans de murs et par des arcs. Des pièces annexes contiennent des jarres et des réservoirs maçonnés pour emmagasiner les provisions, surtout les dattes. Les murs sont construits en blocage revêtu de plâtre (tim

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chemt). Les pièces semblent avoir été couvertes par des voûtes. L'amorce d'une de ces voûtes subsiste; Blanchet nous l'a décrite : un berceau se terminant par deux demi-coupoles portant sur quatre petites niches d'angle 1. Ces niches sont couvertes par des coquilles, et leur arc d'ouverture est découpé en lobes circulaires.

Les arcs limitant les alcôves sont en fer à cheval et reposent sur des colonnes dégagées. Ceux des galeries d'une des maisons exhumées par Tarry sont de même outrepassés et en plein cintre. Ils reposent, non sur des colonnes, mais, semble-t-il, sur des

1 Académie des Ins. et B. Lettres. Comptes rendus des séances. 4° série, t. XXXVI, 1898, p. 520.

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