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déjà d'une variété d'arcs spécifiquement musulmans, n'a-t-il pas possédé des formes de chapiteaux qui lui fussent propres ? On pouvait en douter jusqu'à ce qu'un hasard heureux eût permis l'étude des parties hautes de la coupole de la Grande Mosquée kairouanaise. Les nefs de ce temple nous offrent un musée de chapiteaux païens et chrétiens; mais, dans cet ensemble opulent et disparate, rien ou presque rien ne décèle la main-d'œuvre musulmane. Seuls peut-être deux chapiteaux, de part et d'autre de la niche du mihrâb, ont été sculptés pour la place qu'ils occupent. Leur abaque décoré d'une inscription coufique en relief se prolonge dans le mur et en est inséparable. Quelques chapiteaux semblables ont été remployés dans les portes de la ville 1. Or ces œuvres, que revêtent des feuilles de vigne et des grappes complètement détachées du fond, ont leurs pareilles à Saint-Marc de Venise. Ce sont, à n'en pas douter, des modèles byzantins, probablement sculptés au Ix siècle (fig. 28).

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La coupole qui précède le mihrab en compte aussi beaucoup de petit modèle que l'on ne peut considérer que comme remployées.

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On en remarque cependant un certain nombre, qui font corps avec le cadre des arcatures ou des niches et qui se différencient assez nettement des modèles classiques et chrétiens connus. Dérivés lointains du chapiteau corinthien, ils présentent, sur chaque face, deux feuilles larges et lisses généralement soudées par le bas et s'écartant l'une de l'autre en V. Une feuille simple, arrondie ou lancéolée, monte dans l'intervalle et parfois se détache en relief sur l'abaque. Il en est quelques-uns dont les côtés portent, à la partie inférieure, des feuilles dressées plus petites (fig. 29).

Des chapiteaux très analogues à ces œuvres musulmanes se

1 Bâb el-Jellâdîn; Bâb el-Khoûkha.

rencontrent, sculptés en bois, dans les monuments coptes que conserve le musée de Boulaq.

On peut affirmer que nos chapiteaux kairouanais, s'ils ne sont pas directement issus des modèles d'Egypte, procèdent d'une série analogue et se rattachent à l'art chrétien d'Afrique.

Le 1x siècle a-t-il connu d'autres types de chapiteaux proprement musulmans? On peut le supposer. Je signalerai, comme datant probablement de cette époque, ceux qu'on remarque à l'angle extérieur de quelques maisons du vieux quartier de Monastir où se trouve le ribât (fig. 30). D'épannelage en tronc de pyramide, comme les chapiteaux de Saint-Vital de Ravenne,

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L'Ifrîqya du 1x siècle nous a laissé quelques types de corbelets et de consoles. Certains jouent effectivement leur rôle de supports, d'autres n'ont qu'une utilité décorative de décrochements et ils ne soutiennent rien. Les galeries bordant la cour de la Grande Mosquée de Kairouan, le cadre du mihrâb et la coupole, l'auvent de la Mosquée des Trois portes en conservent des séries très intéressantes. Dans tous ces organes d'encorbellement, le sculpteur, qui en meublait les faces visibles de reliefs légers ou dégageait dans la masse des volutes superposées, a conservé l'épannelage en parallélépipède de la pierre émergeant du mur (fig. 32 et 33).

Gargouilles. Pour compléter cette revue des formes de grand relief, il convient de mentionner quelques gargouilles de silhouette simple et large gouttières aux bords verticaux taillés

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Composition des ensembles décoratifs. La façade des Trois portes. Avant d'aborder l'étude des éléments linéaires que traduisent les diverses techniques, j'indiquerai l'ordonnance des quelques ensembles décoratifs où entrent ces éléments.

Dans le nombre extrêmement réduit d'édifices que le IXe siècle nous a laissés, nous avons la chance de posséder une façade entièrement décorée.

C'est celle de la petite Mosquée des Trois portes. Elle a subi de sérieux remaniements au moment de la construction du minaret (fig. 18 et 35). La La partie haute a dû être remontée pierre par pierre après l'introduction d'une assise, dont une inscription datée de 844 de l'hégire (1440 J. C.) Occupe toute la longueur. Le placement de cette assise a dû entraîner l'amputation du haut des écoinçons flanquant les trois baies des portes tandis que le minaret repoussait tout le décor vers la gauche. Avant cette double mutilation, trois registres superposés régnaient d'un bout à l'autre entre les baies et la corniche, où s'alignent de puissantes consoles. Les registres supérieur et inférieur portaient deux longues inscriptions coufiques; le registre intermédiaire était garni d'un décor floral. Ce décor comprenait des frises, ou plutôt des tronçons de frises, dans la longueur des pierres; en sorte que l'artisan pouvait sculpter le fragment sur le chantier sans se préoccuper du raccord des motifs. Bien plus, la plupart de ces

Fig. 31. Kairouan.

Grande Mosquée.

Gargouille.

tronçons de frises sont divisés à leur tour en deux étages, deux bordures étroites indépendantes l'une de l'autre.

La niche et le cadre du mihrab de la Grande Mosquée (fig. 36). Ce sectionnement de la grande surface à décorer est à retenir.

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On retrouve un parti analogue dans la niche du mihrâb à la Mosquée de Sidi 'Oqba. L'artiste, ayant dû meubler une surface étendue de quelques mètres dans les deux sens, l'a décomposée en panneaux d'environ 60 cm. sur 45, séparés, comme les registres de la façade des Trois portes, par des motifs courants et par des inscriptions. Cet expédient lui permet d'esquiver les diffi

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B. Arca

Fig. 36. Kairouan. Grande Mosquée. Le mihrab. A. Grands arcs soutenant la coupole. Les écoinçons sont meublés par des niches (cf. fig. 38) et des oculi à fond plat ou défoncés de coupolettes verticales. tures et niches à claustra. C. Consoles (antiques ?) n'ayant qu'un rôle purement décoratif. D. Cadre du mihrab revêtu de faïences mésopotamiennes à reflets métalliques. E. Lambris de marbre avec décor gravé (x-x siècle?) - F. Colonnes de marbre rouge (cf. fig. 28). G. Minbar : chaire à prêcher (1x siècle). H. Maqçoûra: enceinte reservée au sultan (x1° siècle).

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