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grandes portes de Rabat et de Merrâkech. Mais si les silhouettes sont conservées, une interprétation nouvelle en modifie l'aspect. Ici, plus de digitations, ni d'œillets. Le limbe est lisse, ponctué de quelques vergetures, ou meublé (surtout dans le décor de pierre) de larges plans dont les courbes se recouvrent et se con

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Mosquée. Arcature sous la coupole en avant du mihråb. (Dessin de J. Hainaut).

trarient. Ainsi sont traités la palme à deux grands lobes inégaux et le fleuron symétrique à trois ou cinq lobes pointus et tordus vers l'extérieur (fig. 246 et 247).

Des modèles analogues se voient au mihrâb de Tozeur. On y trouve, concurremment avec le limbe à digitations et à œillets, le limbe lisse, enrichi de filets et de vergetures (fig. 243), ou bordé d'une sorte de chaînette (fig. 236), connue déjà du décor almoravide, où elle composait des tiges.

L'apparition de la palme lisse est un des traits essentiels de l'époque almohade. Sans doute, il ne serait pas impossible de

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rencontrer, à la fin de la période almoravide, quelques détails qui semblent l'annoncer (arcs lobés de la Grande Mosquée de Tlemcen); mais nous devons attendre les fondations des Moûminides pour la trouver exprimée clairement et systématiquement employée. Cette simplification des formes par élimination des détails, qui en rappelaient encore si peu soit-il le prototype végétal, nous apparaît en somme comme conforme à la tendance générale de l'art almohade. Elle participe de cet élargissement de la facture, que nous avons noté dans les décors extérieurs et intérieurs. Mais il semble également que l'on peut faire intervenir, ici encore, l'influence de l'Ifriqya. La flore

Fig. 217.

Fleurons almohades, sculptés en pierre. A, B, C Bâb Aguenâou, à Merrakech D, E: Porte de la Qaçba des Oudaia, à Rabat.

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çanhâjienne de Kairouan et de la Qal'a ne connaît ni digitation, ni œillet. La palme entièrement lisse à deux lobes inégaux, existe dans la sculpture hammâdite 1; et l'on peut de même constater la curieuse ressemblance de nos palmes et de nos fleurons almohades avec les éléments du décor végétal peint sur les plafonds çanhâjiens de Kairouan.

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L'élément géométrique. Nous avons rencontré, à l'époque du Khalifat, plusieurs genres de décors géométriques, dont un seul devait se maintenir dans le style. C'est celui qui, faisant intervenir les galons entrelacés, figure aux claustra de la Grande Mosquée de Cordoue. Décor de grilles, de dalles et de panneaux ajourés tel est, semble-t-il, le premier emploi de la géométrie proprement musulmane; c'est encore celui qui lui est attribué à la Grande Mosquée de Tlemcen. La claire-voie de la fenêtre qui surmonte le mihrab porte une combinaison d'étoiles à six et à huit pointes. Au reste, l'entrelacs circonscrivant des polygones étoilés est déjà sorti du cadre des fenêtres; il se répand sur les murs. A l'Aljaferia de Saragosse, nous l'avons vu associé à l'épigraphie (sup. fig. 235). Au minbar d'Alger, il compose d'ingénieux panneaux encore apparentés à la géométrie des basiliques. A la Grande Mosquée de Tlemcen, des étoiles à huit pointes marquent les angles d'un des bandeaux encadrant le mihrab; elles composent un autre bandeau et y alternent avec un polygone curviligne à six pointes 2. A la Mosquée de Tinmål, des polygones de même genre, étoiles à six et huit pointes, s'étalent alentour du mihrab et, en frise, au haut du tambour précédant la niche. Dans cette ornementation si sobre de Tinmål, l'entrelacs géométrique, constamment formé d'un double filet lui-même entrelacé, envahit la qibla presque entière. Il engendrera des épures plus savantes, mais son domaine ne sera jamais plus étendu. Nul doute qu'il ne joue également un rôle primordial, dans le décor de plâtre, à l'intérieur des autres mosquées almohades.

Cependant la géométrie va trouver un emploi en quelque sorte plus logique, plus normal, dans le décor céramique. La marque

1 Cf. supra, fig. 95 et de Beylié, la Kalaa, fig. 45, 49. La palme double de la Qal'a porte généralement une sorte de bourgeon, un petit lobe pointu à l'aisselle des deux grands lobes. Ce bourgeon axillaire se remarque aux peintures du minaret de la Kotoubiya.

2 Cf. supra, fig. 107, à gauche et en haut.

terie de terre émaillée, combinaison de figures taillées sur quelques gabarits et assemblées d'après un carton, s'accommodait à merveille de la polygonie. La frise qui règne sur les quatre faces du minaret de la Kotoubiya ne fait intervenir que deux formes très simples: un hexagone et un carré que circonscrivent des filets blancs. Au minaret de la Qaçba de Merrâkech, la frise précédant le crénelage de la tour combine également des formes en petit nombre. Pour le décor du lanternon, une seule forme suffit. Ajoutons que la géométrie a aussi sa place dans l'ornementation peinté du minaret de la Kotoubiya; les motifs y semblent inspirés par le décor céramique qui les avoisine (fig. 248).

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Merrakech.

Fig. 248. Minaret de la Qaçba. Décor en marqueterie de terre émaillée. Comparer à la marqueterie de droite le pavage hammadite de la fig. 70.

L'introduction de la géométrie dans l'art hispano-maghribin pose un problème analogue à ceux que nous avons déjà rencontrés. L'Andalousie la pratique dès le x siècle, et une tradition ininterrompue relie les entrelacs du mihrab de Tinmal aux claustra de Cordoue. On ne doit pas cependant négliger l'influence que purent exercer, sur le développement de cet élément décoratif, les recherches poursuivies en Egypte, de la Mosquée d'El-Hakim aux mihrabs de bois de Sitta Nefîssa et de Sitta Roqaïya (x siècle). Quant à la géométrie des décors céramiques, l'antériorité des pavages hammâdites nous paraît attester une importation directe de la Berbérie orientale en Maghreb. La technique nouvelle est venue étendre le domaine de l'élément géométrique et en varier les thèmes.

L'élément architectural. Il ne semble pas utile d'invoquer une influence ifrîqyenne pour expliquer l'introduction dans le décor de l'élément architectural. Cet élément, dont j'ai déjà montré l'importance dans l'ornementation des minarets (sup.

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p. 399), tire, à n'en pas douter, son origine des entrecroisements d'arcs de la Grande Mosquée de Cordoue. On se souvient de leur composition des arcs lobés formant la base sont surmontés d'une seconde ordonnance d'arcs portés par des piles et des colonnettes en encorbellement; d'autres arcs, posés au milieu de l'extrados des arcs inférieurs, s'entrecroisent avec ceux de la

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