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vers 1572. Le minaret devait être endommagé par un tremblement de terre en 1589 et démoli en 1593. « Cette tour, dit-il, est large et très haute, tenant plutôt du style romain que du style moresque comme on le voit à sa forme générale et à ses quatorze fenêtres, dont la moitié compte deux ouvertures et la moitié en compte trois. Ces fenêtres sont formées (ou flanquées) de colonnes de jaspe blanc et rouge, le tout suivant le style, la symétrie et la proportion des Romains. Dans le haut, audessus de toutes les fenêtres, règne tout autour un couronnement de petits arcs portés sur des colonnettes de même jaspe, ce qui, présente un admirable aspect. Les colonnes, tant des fenêtres que du couronnement, sont au nombre de cent. La tour, construite en pierres de taille, est carrée et mesure 60 pieds sur chaque face, mais les dimensions vont en diminuant diminuant légèrement vers le sommet. >> On retiendra, outre cette forme générale en tronc de pyramide, le rôle que jouent dans le décor les fenêtres groupées par deux et par trois et l'arcature supérieure. Dès ce premier grand minaret andalou,

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Minaret de

Fig. 224. Merrakech. la Kotoubiya. Face Sud.

qui, remplaçant celui du VIII° siècle, fut construit par 'Abd

1 Morales, Antiguedades de Espana, Cordoba, pp. 54-55; Girault de Prangey, Essai, p. 29, n. a donné une traduction de ce passage.

er-Rahman III (912-961), le type que reprendra l'architecte de la Kotoubiya près de deux cents ans plus tard est fixé dans ses traits essentiels.

A peu près contemporain du minaret de Cordoue, le minaret de la Qarawiyn paraît plus archaïque et, semble-t-il, plus près des prototypes syriens. Comme la partie inférieure du minaret de la Fiancée, à la Grande Mosquée de Damas, le vieux minaret de Fès est une tour carrée que n'agrémente qu'une fenêtre géminée per

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cée vers le sommet. Le thème de l'arcature reparaît au minaret très bas de Tinmål. La face postérieure présente trois défoncements en fer à cheval séparés entre eux et encadrés par une plate bande, une fenêtre audessus, et c'est tout. Fenêtres et arcatures vont prendre une singulière ampleur avec les trois grands minarets qu'une tradition un peu simpliste attribue en bloc à El-Mançoûr, réputé comme le grand bâtisseur almohade la Kotoubîya de

Merrakech, la Tour de Hassan à Rabat et la Giralda de Séville.

Toutes trois comptent parmi les créations les plus puissantes de l'art musulman. Elles sont très belles, mais en somme assez différentes pour que l'on ait quelque peine à les considérer comme conçues exactement dans le même temps et exécutées pour le même prince.

Le décor de la Kotoubiya 1. On peut admettre que la Kotou

1 Cf. l'étude annoncée par H. Basset et Terrasse, et que publiera Hesperis.

bîya était presque achevée avant les travaux d'El-Mançoûr, et son ordonnance semble bien attester cette antériorité. Le décor varie d'une face à l'autre ; les éléments diffèrent et plus encore leur distribution dans la hauteur; le décor, étant essentiellement composé de baies qui éclairent les rampes intérieures, est commandé par le niveau de ces rampes. De la base au sommet on rencontre deux ou trois grandes arcatures à lobes, à lambrequins ou à festons, qui enveloppent des ouvertures généralement groupées par deux. Des lucarnes trouent également certains écoinçons.

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Une simple assise légèrement saillante sépare cette partie inférieure de la tour de la partie supérieure ; elle comporte une galerie de quatre arcatures, qui se prolongent en s'entrecroisant, et une frise en marqueterie de terre émaillée. Un crénelage de merlons en dents de scie couronne la tour 1.

Si le principe de ce décor porte la marque d'un certain archaïsme, le détail en est déjà savant et, malgré sa sobriété, d'une réelle richesse. Le dessin

Fig. 226. Merråkech. - Minaret de la Kotoubiya. - Décor peint sur enduit (d'après une aquarelle de J. Hainaut).

des arcatures fait prévoir l'ampleur des portes de villes et l'ornementation peinte, que l'on vient de nous révéler, témoigne d'une recherche presque minutieuse de la parure (fig. 225, 226).

Le lanternon érigé au-dessus de la plate-forme présente, audessus de ses deux baies, un premier exemple de ces entrecroi

1 On connait cette forme asiatique comme déjà existante à Cordoue et à la Grande Mosquée de Kairouan. (Cf. fig. 61, 147 et p. 229).

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sements d'arcs, de ces réseaux losangés, décor désormais invariable des minarets occidentaux.

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Le décor de la tour de Hassân. L'importance que doit prendre le réseau losangé comme diagramme générateur d'ornements exige que nous l'examinions plus loin avec les éléments linéaires. Il me suffira d'indiquer ici qu'aux autres minarets almohades, il règne déjà en maître. La tour de Hassân nous le montre s'étalant sur chaque face, robuste et largement dessiné, dans un grand panneau dont la base est formée de trois arcatures lobées reposant sur des colonnettes. Plus bas sont de grandes arcatures à lobes, festons ou lambrequins enveloppant elles-mêmes des arcs aveugles.

On notera d'ailleurs que les fenêtres éclairant les rampes, qui, à la Kotoubiya, motivent en quelque sorte le décor extérieur, n'occupent pas toujours à Rabat la place que le décor semblait leur assurer. La répartition des panneaux est plus régulière qu'elle ne l'était à Merrakech et partant moins logique.

en

Le décor de la Giralda. Le parti adopté peut-être antérieurement pour la Giralda permettait mieux de satisfaire aux nécessités de l'éclairage. Le niveau variable des rampes détermine un décalage du décor extérieur. De plus, les baies fer à cheval plein-cintre ou lobées sont, sauf à la base, percées dans l'axe et se superposent en étages réguliers que flanquent, dans la moitié supérieure, de grands réseaux losangés. Ainsi le décor s'ordonne en trois registres verticaux le registre médian, avec ses baies encadrées d'arcatures, les registres latéraux meublés de deux panneaux superposés de fausses arcades géminées et de losanges. Ce parti décoratif n'est pas sans analogie avec celui que nous avons rencontré au minaret de la Qal'a des Benî Hammad. Là encore, l'influence de l'art d'Ifriqya apparaît comme probable.

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Le minaret

Le décor du minaret de la Qaçba à Merrâkech, de la Qaçba de Merrâkech, beaucoup plus simple, ne comporte plus qu'un réseau établi sur trois arcatures lobées. Au-dessus règne une frise céramique. Ce décor présente des variantes de détail d'une face à la face contigüe et se répète textuellement sur les deux faces opposées, en sorte que l'on ne peut embrasser

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