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de villes et les qaçba tiennent une place importante. Les murs de Fès furent alors réparés; l'enceinte de Merrakech fut peutêtre étendue; la qaçba fut bâtie avec Bàb Aguenâou. Mais la grande œuvre d'El-Mançoûr fut la ville de Rabat et sa citadelle à l'embouchure du Bou Regreg.

Je n'ai pas à retracer ici l'histoire de ce ribât de la Victoire et de la ville de Salé, qui lui fait face de l'autre côté du fleuve. Il suffira de rappeler que, dès le x siècle (le géographe Ibn Hawqal l'atteste 1), le site apparaît voué à la guerre sainte, d'abord contre les puissants hérétiques qui peuplaient la Chaouïa, ensuite contre les Chrétiens d'Espagne. Peut-être les Almoravides y eurent-ils un ribât. Ce qui est certain, c'est que 'Abd el-Moûmîn en avait fait un grand camp de combattants pour la Foi et l'avait alimenté en eau. Vers 1195, El-Mançoûr décida la construction de la forteresse, dont un passé religieux et guerrier semblait marquer l'emplacement. Cet emplacement au reste était fort mal choisi; ce point de la côte atlantique ne put servir que de lieu de concentration, jamais de port d'embarquement des troupes pour l'Espagne. On nous dit que le fondateur du ribât se repentit, à son heure dernière, d'avoir inutilement apauvri, pour le construire, le trésor public; mais l'enceinte de Rabat, avec Bâb er-Rouâh et l'admirable porte qui donnait accès dans la qaçba, sont des œuvres d'une qualité trop rare pour que nous chicanions sur leur utilité.

Le même prince faisait élever en Espagne la forteresse d'ElFerj sur le bord du Guadalquivir et, dit-on, la forteresse dite Alcala de Guadayra.

Les successeurs d'El-Mançoûr n'eurent pas son activité constructive. Cependant le règne d'En-Nâcir fut encore fécond. En 1204, on répara les remparts de Fès, notamment la porte EchCheri'a, que l'exécution d'un rebelle fit appeler Bâb el-Mahrouq (la Porte du Brûlé). L'année 1205 vit la construction ou le renforcement de plusieurs forteresses du Riff: El-Mezemma, Bâdis et Melilla; l'année 1907 fut marquée par la réfection l'enceinte d'Oujda. Enfin le règne d'El-Mostancir, successeur d'En-Nâcir, devait être témoin des dernières constructions militaires importantes qu'ait élevées la dynastie, construction de

de

1 Ibn Hawqal, tr. de Slane, ap. Journ. Asiat., 1842, I, 195-196, 209. Cf. L. Brunot, La mer dans les traditions et les industries indigènes à Rabat et Salé, pp. 141, ss., et ma Note sur les ribât, ap. Mélanges Basset, II.

murs à Séville et, dans la même cité, édification de la fameuse lour de l'Or.

De tous ces ouvrages, bien peu sont parvenus jusqu'à nous, bien peu surtout ont été étudiés. Quelque fragmentaires que soient nos renseignements, il ne semble pas impossible d'indiquer une évolution dans les procédés de construction militaire. Les premières forteresses almohades sont encore très conformes à la méthode almoravide. Telles sont Taza et Tinmâl, l'une et l'autre œuvres de 'Abd el-Moûmin.

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Enceinte de Taza. courtine A Taza (vers 1135), toute la Ouest est composée d'assises de gros moellons avec arases intercalaires de pierres plates. Ce premier appareil almohade est encore tout semblable à l'appareil almoravide d'Amargou. Le mur mesure en moyenue 1 m. go de large, le chemin de ronde I m. 30. Il est flanqué de saillants barlongs de 3 m. de saillie et de 5 m. de largeur environ. Toute cette partie de l'enceinte couronne le rebord d'un ravin profond. A l'angle Sud-Ouest s'érige une haute tour cylindrique ou légèrement tronconique. Vers le sommet, des trous régulièrement ménagés dans l'appareil marquent la place de poutres ayant servi à l'achèvement de la tour, peut-être aussi à l'établissement de hourds. Sur la face Sud, le mur change de nature: il est en pisé ; un fossé creusé dans le roc en longe le pied. On est porté à croire qu'il est postérieur au mur de pierre, peut-être d'époque merînite; mais cela n'est pas évident.

Sur bien des points on relève un avant-mur; il est parfois rapproché de la courtine principale et beaucoup moins haut, parfois éloigné et de même hauteur.

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Enceinte de Tinmal. A Tinmål, dont l'enceinte peut dater du Mahdi Ibn Toûmert mais fut étendue par 'Abd el-Moûmin, vers 1153, le pisé et la pierre s'associent. La courtine est en pisé appuyé sur une base de moellons. Une des portes subsistait il y a quelques années encore; elle présentait un fer à cheval plein cintre en briques, appareillé comme ceux d'Amargou ou de Tolède, accosté de deux saillants étroits en moellons 1.

1 Cf. Doulté, En tribu, pl. XII: H. Bassel et Terrasse, Tinmal, ap. Hes peris, 1924, pp. 45-49.

Enceinte de Tlemcen. Il convient d'attribuer la plus grande partie des remparts de Tlemcen aux Benî 'Abd el-Wâd (après 1235). Cependant nous savons que 'Abd el-Moûmin, après les avoir démolis, les fit reconstruire; plusieurs portions de ces murailles peuvent dater de ces réfections. A l'Est du quartier d'Agadir, la Porte de la Montée (Bâb el-'Aqba), qui était encore debout au début de l'occupation française, présentait les caractères de l'architecture du xn° siècle, voire d'un temps plus reculé.

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Enceinte de Tlemcen. Ruines de Bâb el-Qarmâdîn.

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C'était un arc en fer à cheval brisé de briques reposant sur un soubassement en pierres de grand appareil. A l'autre bout de la ville, Bâb el-Qarmâdîn, probablement fort remaniée dans le cours des siècles comporte, en avant, un pan de mur percé d'une ouverture étroite et basse et flanqué de deux grosses tours carrées, en arrière, deux tours rondes et pleines. Tours et courtines sont formées d'un soubassement de moellons surmonté de pisé (fig. 190).

L'emploi des tours rondes peut être considéré comme une survivance de l'époque almoravide, le pisé comme une importation ou une réimportation de l'Andalousie en Berbérie occidentale.

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Enceinte et forteresse de Tenès. Je ne sais quel âge il faut assigner aux remparts du Vieux Tenès, et s'il ne convient pas de voir, dans la forteresse qui en occupe le point culminant, celle dont parle El-Bekrî (x1° siècle). Ce castellum, flanqué de tours carrées ou barlongues, a des murs de pisé sur base de moellons. Il faut se souvenir d'ailleurs que Tenès était peuplée en partie d'Andalous.

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Enceinte de Fès el-Bali. La plus grande partie des murs de Fès el-Balî, démolie par 'Abd el-Moûmin, fut rebâtie par les Almohades El-Mançoûr et en-Nâcir et date de la fin du XII° siècle 2. Les murs de pisé, couronnés de merlons à pyramidions, sont flanqués de saillants barlongs qui parfois ont à leur base un large empattement en glacis.

Enceinte de Rabat.. Bâb er-Rouâh. Porte des Oudâïa. Le pisé continuera désormais à tenir la plus large place dans les enceintes de villes. L'énorme mur de Rabat est également en pisé. Ce rempart de Ya'qoûb el-Mançoûr (1195), qui s'étend sur une longueur de 5 km. et demi en formant un grand angle de la mer au palais du sultan et de là à la rive du Boû Regreg, est flanqué de tours barlongues. Le pisé est d'excellente qualité, plus résistant que celui qu'on fabriquera par la suite; dans certaines parties on y a incorporé de la brique pilée, et partout il y entre une forté proportion de

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chaux 3.

La mieux conservée des portes et

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Plan

Fig. 191. Rabat.
de Bâb er-Rouâh. D: pre-
mier vestibule (coupole à
cannelures sur trompes)
C: 2 vestibule (coupole hé-
misphérique); B: 3° vesti-
bule (à ciel ouvert); A: 4
vestibule (coupole hémi-
sphérique). Voir la façade
extérieure, fig. 219.

la plus remarquable de l'enceinte, tant au point de vue du plan que du décor, est Bâb er-Rouâh.

1 Bekrî, 61, tr. 128.

2 Zahrat el-ds, tr. Bel, 78-79.

3 Lévi-Provençal et Basset, Chella, p. 47.

Bâtie en pierre de moyen appareil très régulier, elle constitue un organe défensif assez perfectionné elle est flanquée de deux saillants carrés et ne permet l'entrée dans la ville que par un passage à double coude. De l'extérieur, on pénètre dans un premier vestibule carré couvert d'une coupole à cannelures rayonnantes sur trompes en demi-voûte d'arête (nous avons déjà rencontré cette association de formes dans les chambres des minarets); un mur en constitue le fond, autour duquel il faut tourner en traversant un second vestibule carré avec coupole hémisphérique, puis un troisième, à ciel ouvert, où l'assiégeant était exposé aux projectiles jetés des terrasses, enfin un quatrième à voûte hémisphérique, d'où l'on débouche dans la ville.

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Fig. 192.

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Rabat.

la Porte des Oudâĩa. - A 1er vestibule (coupole sur trompes); B: 2 vestibule (coupole sur pendentifs); D salle couverte en ber

Datant également de l'époque almohade, mais beaucoup plus simple, Bâb el-Hâd est accostée de deux saillants à pans coupés.

Sur la pointe qui s'avance entre l'Oued Boû Regreg et la mer, le ribât primitif, devenu qaçba des Oudâïa, offre un bel ensemble de constructions militaires, d'ailleurs fort remanié depuis sa Plan de fondation. Bien peu de chose subsiste des dispositions primitives: des souterrains et une enceinte de moellons d'un appareil assez grossier; mais quelques tours flanquantes et la porte d'entrée de la citadelle, un des plus beaux monuments que nous ait laissés l'époque almohade, sont en pierre pierre rose soigneusement taillée. Du côté extérieur (donnant sur le boulevard El-Alou), la porte, où l'on accède par quelques marches, est accostée de deux petits saillants massifs. L'ouverture est un arc en fer à cheval brisé. Cette baie franchie, on trouve une enfilade de trois salles carrées. Une première salle est voûtée en coupole sur trompes. Ces trompes sont formées de petits arcs qui enjambent l'angle et s'accolent à un plan vertical en encorbellement sur le tam

ceau. Voir les façades, fig. 220 et 221.

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