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de large, 73 de haut). L'architecte du minaret de la Qaçba de Merrâkech paraît aussi avoir voulu s'y tenir. Ces proportions. déterminent une masse robuste, mais un peu lourde. Le minaret de la Kotoubîya s'en écarte assez sensiblement la largeur est contenue plus de cinq fois dans la hauteur et ce rapport confère à l'édifice une élégance souveraine. Le faîte s'érige à 67 m. 50 et il mesure 12 m. 50 de côté. Il est construit en pierre d'un appareil assez grossier que dissimulait sans doute l'enduit. Des motifs peints sur cet enduit enrichissaient le décor des arcatures, qui encadraient les fenêtres. Comme les tours contemporaines de Séville et de Rabat, celle-ci n'a pas d'escalier, mais une rampe qui tourne en spirale autour d'un noyau. Ce noyau compte six étages de salles superposées qui, par la variété de leurs voûtages, suffiraient à montrer l'ingéniosité remarquable des architectes du x siècle et les ressources qu'offrait à ce moment l'art de bâtir. Je dois à M. H. Terrasse les détails précis qui vont suivre.

La salle du rez-de-chaussée a une coupole conique sur trompes en cul de four appareillées par lits horizontaux. Celle qui vient au-dessus porte une coupole à côtes, dont le tambour est décoré de rubans entrelacés. On en voit une semblable à Bâb er-Rouâh de Rabat, mais celle de la Kotoubîya est plus belle.

La troisième salle est couverte d'une voûte d'arête engendréc par la pénétration de deux berceaux légèrement outrepassés. Les retombées portent sur des colonnes à chapiteaux ornés de feuillages.

Une couverture analogue a servi pour la quatrième salle, mais la voûte est remaniée et les chapiteaux empâtés et détruits.

La cinquième présente une pyramide octogonale couronnée par une coupolette à côtes. Le passage de l'octogone au carré de la salle se fait au moyen de trompes en demi-voûte d'arête.

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La sixième salle la plus riche montre une coupole sur nervures minces, dont les retombées outrepassées portent sur un tambour octogonal décoré d'une frise à entrelacs. Des trompes à stalactites rétablissent le plan carré. Les nervures de la coupole limitent, au sommet, une coupolette également formée de stalactites.

Au septième étage, la rampe s'interrompt. Un escalier droit monte à la plate-forme. Deux chambres longues, voûtées et herceau, règnent de part et d'autre de l'escalier.

M. Gallotti a donné une étude très consciencieuse et très utile du lanternon 1 qui termine le minaret et que surmonte l'épi de faîtage (jâmour) formé de trois boules de cuivre doré enfilées dans une tige de fer. Ce lanternon, dont le parapet crénelé de la plate-forme dissimule la base, est lui-même une petite tour carrée d'environ 6 m. 8o de côté. Il est couvert par une coupole à côtes (menoûna), dont l'architecture ifrîqyenne du 1x siècle nous a montré l'application à des dômes plus importants. Les murs sont de moellons avec quelques arases de briques et consolidés par des longrines de bois. Une petite pièce couverte d'une voûte à stalactites, s'ouvrant au niveau de la plate-forme, peut servir d'abri au mueddin. Un escalier droit monte de ce niveau à une salle carrée éclairée par huit baies et que couvre une coupole octogonale sur trompes en demi-voûte d'arête. La coupole à côtes est établie au-dessus; elle se présente à l'intérieur comme une coupole à huit pans; elle est consolidée par un système de madriers et par le pilier central où s'implante le jâmoûr.

Le minaret de Hassân.

Fig. 185.
Hassan.

Rabat.

Le minaret de la Mosquée de Hassân,

Mosquée de
Appareil du minaret.

qui nous est parvenu inachevé, s'arrête à 44 mètres de haut et/ en cût sans doute mesuré plus de 60. Il est construit en belles pierres roses bien appareillées. Des longrines de cèdre relient la base aux murs de la mosquée qui s'y appuient; d'autres liaisonnent les murs mêmes de la tour.

Les plus rapprochées des angles entament deux assises entaillées à cet effet et forment tenons. Toutes ont servi à poser l'échafaudage.

Une rampe de deux mètres faisant le tour d'un noyau central formé de salles superposées permet d'accéder au sommet. On compte six étages de salles. Ces salles présentent, comme celles de la Kotoubiya, une variété remarquable de voûtages. La salle du rez-de-chaussée, dont la porte s'ouvre en face de celle de la tour même donnant à l'intérieur de la Mosquée, est couverte

1 J. Gallotti, Le lanternon du minaret de la Kotoubya ap. Hesperis, 1923, p. 37, ss.

par une coupole à cannelures rayonnantes sur trompes en demivoûtes d'arête; le premier étage a une voûte en arc de cloitre, le deuxième présente une coupole hémisphérique sur pendentifs, ces pendentifs étant déterminés par la pénétration de la calotte par les murs de la salle ; une voûte analogue figure aux quatrième et cinquième étages; la salle du troisième a une coupole à stalactites sur plan octogonal; le passage de l'octogone au carré de base se fait au moyen d'un plan horizontal de poutres jointives.

La Giralda de Séville. Le minaret de la Grande Mosquée de Séville, cette tour fameuse à laquelle une statue de la Foi, servant de girouette, a fait donner le nom de Giralda, mesure 14 m. 85 de côté et elle est presque entièrement construite en briques. On notera cette diversité de l'appareil des trois minarets almohades. Les rampes faisant le tour de la pile de maçonnerie qui constitue le noyau central sont assez larges pour permettre à deux hommes à cheval d'accéder à la plate-forme. A partir de cette plate-forme, la tour cesse d'être musulmane; au-dessus du minaret découronné, l'architecte Fernand Ruiz éleva, en 1568, la galerie des cloches et le lanternon qui la surmonte1. Une particularité notable de la structure est la suivante tandis que le noyau central reste de largeur constante de la base au faîte, les quatre murs deviennent de plus en plus épais, à mesure qu'on s'élève et rétrécissent l'espace intérieur 2. Cette structure concourt à la solidité du monument. La nécessité d'éclairer les rampes des quatre faces a fait varier, d'une face à l'autre, la hauteur des fenêtres et partant les panneaux qui en complètent le décor. J'étudierai ce décor en même temps que celui des autres tours.

La Mosquée de la Qaçba de Merrakech. La Mosquée de la Qaçba de Merrâkech, qui aurait été terminée durant la féconde année 1196, a été fort remaniée à l'époque des Chérifs, et il ne nous est pas possible de savoir ce qui y subsiste des dispositions primitives. Une anecdote rapportée par le Qirtâs nous apprend qu'elle a huit portes, y compris la petite entrée de l'imam. Elle est beaucoup plus modeste que la Kotoubiya et son

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1 Cean Bermudez, Noticias de los Arquitectos, I, 27.

2 Le fait a été signalé par Girault de Prangey (Essai p. 105-106) qui avait fait un relevé complet de la Giralda.

minaret n'a pas la fière allure ni les grandes proportions de ses contemporains. La base, construite en moellons avec angles de briques, est surmontée d'un appareil entièrement en briques. Un beau revêtement céramique posé sur des parements de bois formait la frise et habillait les faces du lanternon. Je reviendrai sur ce décor, intéressant par l'évolution qu'il atteste et les imitations qu'il a pu provoquer.

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B. L'architecture civile.

Les bains publics. Le bain des Teinturiers à Tlemcen.

Les palais. Si des monuments assez nombreux et assez exactement datés nous permettent de connaître l'architecture religieuse des x1° et XIIe siècles, nous ne disposons, pour l'architecture civile du même temps, d'aucun document certain. Les palais construits par les Reyes de taïfas ont disparu, ou, s'ils nous sont parvenus, ils ont trop servi de demeure aux chrétiens pour ne pas porter surtout la marque de leurs derniers hôtes. La transformation en caserne de l'Aljaferia de Saragosse lui a enlevé presque toute sa valeur archéologique. Que peut-on espérer tirer de l'Alcazar de Séville, où on lisait, prétend-on, une inscription mentionnant l'architecte « Jaloubi » de Tolède, travaillant pour l'Almohade En-Nâcir? Ce palais fut trop profondément modifié par Pierre le Cruel pour qu'on le considère comme un édifice musulman. Si le plan des deux cours intérieures entourées de salles qui y prennent jour a conservé quelque chose des dispositions initiales, si la salle carrée dite Salon des Ambassadeurs, avec ses quatre ouvertures, à trois baies ses arcs en plein cintre outrepassé portant sur des colonnes à chapiteaux composites, rappellent l'art du xr voire du x 2 siècle les inscriptions à la gloire de Don Pedro, la composition de la façade principale et de la grande cour, dite Patio de las doncellas,

1 Cette inscription rapportée par Cean Bermudez (Noticias, I, 67, 238) et qui se serait terminée, d'après la traduction espagnole, par: « Yo el Rey Nazar por la gracia de Dios » est naturellement très suspecte. Cf. Amador de los Rios, Insc. de Séville, p. 46, n.

2 Cf. supra, p. 247.

nous avertissent que des remaniements considérables sont venus en altérer le caractère. Un tel monument doit prendre place parmi les œuvres d'art mudejar, et je me bornerai à signaler, en étudiant les œuvres de cette période, les éléments anciens, le résidu des formes primitives, que les rebâtisseurs de l'Alcazar ont su adroitement accommoder au goût de la Renaissance espagnole.

Les demeures des Almoravides ont, semble-t-il, disparu. On ne peut que mentionner, à l'aide des textes, le palais que le premier Almoravide, Yousof ben Tâchfin, construisit à Merrâkech, et qui existait encore à la fin du XIe siècle. Un des manuscrits de l'Istibçâr1 nous permet de lire que le palais s'appelait « Dâr el-Omma », « Maison de la Nation ». 'Ali, le fils de Yousof, bâtit dans la même ville un nouveau palais dit « Dâr el-hajar ». «la Maison de pierres » à l'aide de matériaux tirés de la colline du Gueliz 2. Il fut détruit par l'Almohade 'Abd el-Moûmin pour faire place à la deuxième Kotoubîya. Nous savons d'autre part qu'un palais almoravide, « le Château Vieux », s'élevait à Tagrart, la Tlemcen des Almoravides, qu'il préexistait à la Grande Mosquée de 1135 et avait vraisemblablement imposé une déformation au plan du sanctuaire bâti à ses côtés.

De même, c'est par les textes seuls que nous connaissons les palais construits à Merrâkech sous les Almohades et en particulier sous le bâtisseur le plus actif de la dynastie, Ya'qoùb el-Mançoûr. Ils s'élevaient au Sud de la ville, dans l'enceinte de la Qaçba. Il semble qu'il n'en subsiste rien. Quant aux textes qui mentionnent ces palais, aucun détail précis ne peut en être tiré.

D'une manière générale, on notera combien, au regard des fondations religieuses des deux grandes dynasties maghrebines, leurs fondations civiles, surtout celles où pouvaient se révéler des goûts somptuaires, tiennent peu de place. On est tenté d'y voir l'indice de l'austérité qu'elles affectent et de la piété dont elles font profession. Dans la liste des œuvres de Ya'qoûb el-Mançoûr dressée par Ibn Abî Zar', l'historiographe des rois de Fès, les palais eux-mêmes sont passés sous silence et l'on ne

1 Istibçar, tr. Fagnan, p. 179.

2 Edrisi, p. 67, tr. 77: El-Holal el-mauchiya, p. 108; H. Basset et Terrasse, ap. Hesperis, 1924, p. 200.

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