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hades. 'Abd el-Moûmin, y étant venu en pèlerinage en 1153, « y distribua, nous dit le Qirtas, d'abondantes aumônes, puis ordonna de construire la mosquée et d'agrandir la ville1».

Placée à une des extrémités de l'enceinte et à la partie la plus étroite, la mosquée, qui était crénelée 2, semble avoir pu jouer un rôle dans l'appareil défensif. Le mur d'enceinte est bâti en

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pisé et en moellons, que régularisent des arases de briques et que consolident des longrines de cèdre. La brique constitue l'encadrement des ouvertures portes et fenêtres les piliers, les parties hautes des murs et les angles du minaret.

1 Qirtás, éd Tornberg, p. 126, tr. 170.

2 On notera que la Grande Mosquée de Cordoue l'était également, bien qu'elle n'ait eu aucune importance stratégique.

Le plan, très régulier, apparaît conforme au type almohade, que la Kotoubîya de Merrâkech nous a déjà fait connaître ; il nous en fournit toutefois une variété plus simple, appliquée à un édifice de moindre ampleur. L'ensemble couvre un rectangle de

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48 m. sur 43 m. 60, ce qui lui donne des dimensions sensiblement équivalentes à celles de la Grande Mosquée d'Alger. La cour, qui mesure un peu plus des deux tiers de la salle de prières, était, sur ses deux faces latérales, bordée de deux galeries. II n'y a pas ici de galerie antérieure. La salle de prières, qui s'ouvre sur la cour, comptait 9 nefs parallèles au grand axe soutenues

par 5 rangs de piliers. La nef médiane est plus large que les autres; une nef transversale suit le mur de la qibla; elle se rapproche, comme largeur, de la nef médiane, et cette largeur se retrouve dans les nefs qui bordent les murs latéraux. Cette disposition a permis l'établissement sur plan carré d'une coupole précédant le mihrab et de deux coupoles aux extrémités du transept. Comme à la Kotoubîya, des groupes de trois nefs s'interposent entre les nefs principales.

Trois portes s'ouvrent sur les faces latérales, une petite porte est placée au milieu du mur opposé à la qibla.. Deux ouvertures étroites, l'une, porte d'entrée de l'imâm, l'autre, remise de la chaire, sont percées dans le mur du fond, de part et d'autre du mihrab, sous la douelle des arcs qui portent la coupole. Une disposition semblable se remarque à la Qarawîyn et aux deux Kotoubiya.

Une des particularités les plus notables est la position et le plan du minaret. C'est une tour rectangulaire (9 m.50 × 5 m. 50) maintenant découronnée, mais sans doute originellement de faible hauteur, qui fait saillie extérieurement au-dessus du mihrâb. Henri Basset et Terrasse ont signalé à Salé un minaret maintenant isolé et qui paraît bien almohade, de plan rectangulaire et percé de même d'un mihrâb à sa base.

Les piles de la salle de prières offrent une riche variété de plans. Le massif carré qui les forme est cantonné de demicolonnes sculptées dans le plâtre. Des colonnettes semblables enrichissent le cadre du mihrâb, en avant et sous la douelle de l'are. Le mihrab de la Grande Mosquée de Tlemcen en fournirait un premier exemple.

J'étudierai par la suite le tracé des arcs almohades. Ils sont ici d'une diversité remarquable et leur répartition semble déterminée par une rigoureuse hiérarchie.

Les petites portes de la qibla et les fenêtres sont en plein cintre. L'arc du mihrab est un fer à cheval brisé. Un tracé de même nature, mais à brisure plus aiguë, figurait aux arcs longeant la cour et dans ceux qui divisent les nefs parallèlement au grand axe. Les arcs qui bordent la nef transversale du fond présentent deux variétés de festons. Ceux qui forment les tambours des trois coupoles offrent des découpures à pendentifs recti-curvilignes. Dans plusieurs de ces ares, l'intrados très large se compose de deux parements découpés et en saillie encadrant une partie

intérieure en retrait. Les parements en saillie reposent sur des demi-colonnes.

La mosquée comporte quatre coupoles, en comptant celle du mihrab. Elles sont entièrement formées de stalactites.

Les mosquées de Ya'qoûb el-Mançoûr. L'auteur du Qirtâs, récapitulant les grands faits de l'histoire des Almohades, et après avoir mentionné la victoire d'Alarcos, remportée par Aboû Yoùsof Ya'qoûb El-Mançoûr en 1195, écrit : « En l'année 593/1196-97, Ribât el-Fath fut fondé, son rempart fut achevé et muni de portes; on construisit la Grande Mosquée de Hassân (sic) et son minaret, mais on ne le (ou les) finit pas ; on bâtit le minaret de la Grande Mosquée de Séville, le minaret de la Mosquée des Libraires (la Kotoubîya) à Merrâkech (nous savons d'autre part qu'il était commencé depuis quelque quarante ans); on termina la Qaçba de Merrâkech et sa Grande Mosquée 1. » Si l'on s'en rapporte à ce texte et en tenant compte des corrections qu'y apportent des textes plus anciens comme l'Istibçâr, il faut attribuer à l'Almohade El-Mançoûr et placer vers l'année 1196 le début des travaux à la Mosquée de Hassân, la construction et l'achèvement de la Mosquée de la Qaçba de Merrâkech, la construction, ou plutôt, semble-t-il, l'achèvement de la Giralda de Séville et la fin des travaux du minaret de la Kotoubîya commencée par 'Abd el-Moûmin.

2

Postérieure de quarante

La Mosquée de Hassan à Rabat. deux ans à la Mosquée de Tinmâl, entreprise (si nous adoptons la date donnée par le Qirtâs) au lendemain du triomphe d'Alarcos, quand la dynastie moûminide avait atteint son apogée, la Mosquée à laquelle on donne le nom assez énigmatique de Hassan devrait constituer pour nous un document d'art de premier ordre. Malheureusement l'étude en paraît bien difficile. Les fouilles qu'y ont effectuées M. et Mme Dieulafoy en 1914-1915 3

1 Qirtás, éd. Tornberg, p. 179, in fine. L'année 593 commence le 25 novembre 1196. Sur cette chronologie, cf. Henri Basset et Terrasse, Le minaret de la Kotoubiya, ap. Hesperis, 1925.

2 La Mosquée même de Séville n'existe plus; à peine la belle cour des Orangers et quelques pans de murs incorporés dans la cathédrale en évoquentils le souvenir.

3 Lt-Colonel Dieulafoy, La Mosquée d'Hassán, ap. Mémoires de l'Académie des insc. et b. lettres, XLII, pp. 167-315.

n'ont permis de la connaître qu'assez imparfaitement. Ce n'est que par conjecture que l'on peut en reconstituer l'élévation; le plan même présente plus d'un point obscur.

Cette mosquée était énorme. Construite en dehors de l'agglomération de Rabat, elle put librement se développer et suivant une ordonnance d'une symétrie rigoureuse. Ses murs de pisé enferment un rectangle de 183 m. 10 de long sur 139 m. 40 de large. Douze portes, percées dans les grands côtés, quatre autres sur la face antérieure, y donnaient accès. Le goût de Ya'qoûb el-Mançoûr pour les édifices grandioses, joint aux besoins des contingents almohades réunis à Rabat en vue de la guerre sainte, c'est-à-dire, au sens propre du mot, d'une armée de fidèles, peuvent expliquer de telles dimensions. Au reste, il est bon de rappeler que la construction, interrompue à la mort d'El-Mançoûr, c'est-à-dire deux ans après, ne fut reprise par aucun de ses successeurs 1.

D'après le plan relevé par J. Hainaut 2, qui ne concorde pas absolument avec celui de Dieulafoy, la cour, plus de moitié moins profonde que large, est bordée sur chacune de ses faces latérales par cinq nefs prolongeant la salle de prières. A l'encontre des mosquées almohades précédemment étudiées et conformément plutôt au type almoravide, une double galerie bordait la cour le long du mur de façade. Le minaret s'élève au milieu de cette façade. Comme celui de Cordoue, il est à cheval sur le mur, faisant également saillie à l'extérieur et à l'intérieur.

Le sous-sol de la cour est entièrement occupé par une citerne. Des murs perpendiculaires aux grands côtés devaient faciliter l'établissement de voûtes en berceaux. La plupart des grandes mosquées construites jusqu'alors, la première Kotoubiya notamment, ont de même des réservoirs aménagés sous le pavage de leur çahn.

C'est aussi à la Kotoubiya que la Mosquée de Hassân ferait penser si l'on n'envisageait que la moitié antérieure de l'édifice. Vingt et une nefs divisées en sept travées couvrant l'espace au Sud de la cour et des galeries qui la bordent constitueraient une salle de prières de proportions assez normales. Mais une seconde partie, de profondeur égale, s'étend au delà, et le plan qu'elle

1 Cf. Merråkechi, texte Dozy, p. 192-193, tr. Fagnan, p. 230.

2 Cf. de la Nézière, Les Monuments mauresques du Maroc, p. 9, fig. 25.

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