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en 1151 le dernier Hammâdide, s'enorgueillissait encore de ses palais; Mahdiya, que le grand Khalife arracha en 1160 aux Normands de Sicile, devait conserver plus d'un bel édifice datant des Fâtimides et des Çanhâjiens; Tunis enfin, la Tunis des Benî Khorâssân, apparaissait déjà comme la nouvelle capitale de 'Ifriqya. Par ces centres, les Maghrebins devaient entrer en contact avec un monde nouveau, tout imprégné d'influence égyptienne et mésopotamienne.

Au reste, on ne saurait prétendre, ici encore, que la conquête almohade mît en présence deux mondes qui s'ignoraient jusque là. Nous avons vu que, du temps des Omeiyades, les emprunts étaient probables de Kairouan à Cordoue. De même, entre les deux parties de la Berbérie il ne pouvait exister de cloison étanche; la conquête almoravide avait tracé des avenues du Maghreb vers l'Est. Les Moûminides cependant poussèrent ces avenues jusqu'au cœur de l'Ifrîqya. En réalisant pour la première fois l'unité politique de l'Islâm, des frontières de la Castille à la Tripolitaine, ils contribuèrent à l'élaboration d'une sorte de syncrétisme de l'art musulman occidental.

II. L'ART Du Maghreb ET DE L'ESPAGNE AUX XI ET XII SIÈCLES

A. L'architecture religieuse.

La Grande Mosquée d'Alger.
La Grande Mosquée de Tlemcen.
Charpentes et coupoles.

et arcs.

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La Mosquée Qarawiyn de Fès
Construction, contreforts, supports
Chronologie des premières mos-
La Mosquée de
La Mosquée de

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quées almohades. La Kotoubiya de Merrâkech. Tinmal. Les mosquées de Ya'qoûb el-Mançoûr. Hassan à Rabat. Les minarets hispano-maghribins. de Hassân. La Giralda de Séville.

Merrâkech.

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Le minaret La Mosquée de la Qaçba de

Sans doute les Reyes de taïfas, qui se partagèrent en Espagne les dépouilles du Khalifat de Cordoue, firent-ils peu de place dans leurs fondations à l'architecture religieuse '. Il nous faut arriver à l'époque des Almoravides pour trouver des documents utili

1 Le petit oratoire du palais de l'Aljaferia à Saragosse, avec sa salle à coupole, ses niches d'angles et son décor, que j'examinerai par la suite, est insuffisant pour nous renseigner sur les édifices religieux de cette époque.

sables. Encore la Grande Mosquée de Tlemcen, qui seule peut nous fournir des données certaines, appartient-elle à la fin des Almoravides.

Des nombreux sanctuaires qu'Ibn Tâchfîn avait créés, presque rien ne nous est resté, rien de la mosquée de Merrâkech, à laquelle il travailla de ses mains, rien (à ma connaissance) de tous les oratoires qu'il fit élever dans Fès. Un panneau de cèdre provient de la chaire qu'il donna à la Grande Mosquée de Nédroma (département d'Oran). Peut-être cette mosquée date-t-elle de lui. Enfin une tradition très recevable veut que la Grande Mosquée d'Alger soit son œuvre 1.

La Grande Mosquée d'Alger. Visiblement cette mosquée a été fort remaniée. Au xIve siècle elle fut pourvue d'un minaret : de nombreuses retouches en modifièrent l'aspect à l'époque turque. L'ordonnance primitive semble cependant avoir été conservée. L'analogie frappante que présente la salle de prières avec celle de la Grande Mosquée almoravide de Tlemcen autorise à le supposer. Toutefois la cour, qui paraît avoir conservé ses dimensions primitives, diffère de celle de Tlemcen en ce qu'elle a une profondeur moindre de moitié que celle de la salle de prières. Elle est flanquée, du côté Nord-Ouest, par une seule galerie, sur chacune des faces latérales, par trois nefs prolongeant celles de la salle de prières.

Cette salle est formée de onze nefs parallèles allant du NordOuest au Sud-Est, bordées par des piliers maçonnés, de plan rectangulaire ou cruciforme, et couvertes de charpentes apparentes et de toits de tuiles à quatre versants. Quatre rangées de piliers parallèles au mur de la qibla divisent la salle de prières en cinq travées. La nef médiane est sensiblement plus large que les autres. La travée qui longe le mur du fond est de même largeur que cette nef médiane. Nous avons déjà rencontré, à la Grande Mosquée de Kairouan, cette disposition dont on a montré l'origine chrétienne probable. La niche du mihrâb est à fond. plat et à pans coupés. La cour communique directement avec la

1 Elle est vraisemblablement contemporaine de la chaire à prêcher qui est de 590/1096. Il faut ainsi rectifier la date que j'ai donnée ap. Hesperis, 192, p. 359.

2 Cf. Devoulx, Les édifices religieux de l'ancien Alger, ap. Revue africaine, 1866, p. 221; Id., Alger-Icosium, même Revue, 1875, p. 522.

salle et les galeries par des baies que ne ferme aucune porte 1. L'arc qui termine la nef médiane fait légèrement saillie sur la

cour.

Chaque pilier porte quatre arcs. Les arcs qui relient les piliers parallèlement au grand axe et limitent les nefs sont des fers à cheval déformés. Les arcs bandés en travers des nefs sont découpés en lobes circulaires ou affectent un tracé mi-rectiligne mi-curvi

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ligne. Je reviendrai sur ces formes. Qu'il suffise d'indiquer qu'elles se retrouvent à la Grande Mosquée de Tlemcen dans les mêmes emplois. Il y a là plus qu'une coïncidence. Une telle similitude atteste le caractère almoravide de la Grande Mosquée d'Alger.

La Mosquée Qarawiyn de Fès 2. Il semble légitime de placer ici l'étude de la Mosquée Qarawîyn de Fès, car ce grand sanc

1 Des murettes bâties entre les piliers ne sont évidemment pas primitives. 2 Ibn Abi Zar', Roudh el-Qirtás, éd. Tornberg, p. 29, ss., tr. p. 42, ss.; El-Jaznáï, Zahrat el-ás, éd. et tr. A. Bel, texte, p. 34, ss. tr. 84, ss.

tuaire, illustre surtout par la vieille université musulmane, qui en fait une sorte d'El-Azhar maghrebin, a pris, à l'époque des Almoravides, l'ampleur et les dispositions générales qu'elle conserve jusqu'à nos jours. Son histoire, quoique fortement mélan

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gée d'éléments légendaires, nous est assez bien connue. On y distingue trois étapes: la première mosquée, bâtie en 859, aurait été agrandie en 956, puis en 1135. Il paraît établi que l'accroissement se fit par cristallisation autour du noyau initial, circonstance importante, car elle peut expliquer une particularité fort remarquable de l'édifice actuel.

A l'encontre de presque toutes les mosquées de la Berbérie, celle-ci présente des nefs, non perpendiculaires au mur de la qibla, mais parallèles à ce mur, des nefs transversales, dirigées approximativement Est-Ouest. On connaît quelques plans de ce genre en Orient en Egypte, la mosquée d'Ibn Toûloûn, qui n'a pu servir de modèle, puisqu'elle est postérieure à la première Qarawiyn; en Syrie, la mosquée de Baalbek et surtout la mosquée de Damas, où l'ordonnance à trois nefs transversales fut imposée par celle d'une basilique préexistante. Toutefois il ne semble pas qu'il faille considérer le grand temple syrien comme ayant directement inspiré la première Qarawiyn. Celle-ci, ainsi que sa contemporaine, la première Mosquée des Andalous, qui complait pareillement, d'après El-Bekrî 2, six nefs « dirigées de l'Est à l'Ouest », devait sans doute procéder de la Mosquée des Chorfa bâtie à Fès par le fondateur de la ville, Idrîs ben Idrîs, entre 806 et 814. Ce sanctuaire local vénéré entre tous avait « trois nefs s'allongeant de l'Est à l'Ouest 3». Il est permis de supposer que cette mosquée des Chorfâ s'inspirait d'un modèle oriental et que ce modèle était la Grande Mosquée de Damas comptant. le même nombre de nefs semblablement disposées *.

La première Mosquée Qarawiyn aurait été la fondation d'une pieuse femme, Fatima, fille de Mohammed el-Fihri, venue de Kairouan avec les siens. Commencé en 245/859, l'édifice était construit en pierre calcaire (kiddân) et en pisé. La tradition veut que tous les matériaux en aient été tirés du sol même, ce qui assurait à l'œuvre un caractère de pureté absolue. Elle ne mesurait que 150 empans en profondeur, soit environ 30 m., et comptait quatre nefs transversales. D'après la Zahrat el-âs, le mihrab était placé en avant du grand lustre actuel; une petite cour s'étendait en arrière de la salle de prières et, en arrière de cette cour, s'élevait le minaret, où se trouve aujourd'hui la « 'anaza 5 ».

1 Cf. Dussaud, Le temple de Jupiter Damascenien et ses transformations aur époques chrétienne et musulmane, ap. Syria, 1922, III, p. 219, ss.

2 Bekri, éd. de Slane, p. 118, tr. 227-228. Bekri, ibid.

4 La petite mosquée du Vieux Tenès mentionnée supra, p. 200, présente des dispositions analogues. Sur ce plan et les hypothèses qu'il nous a suggérées, cf. A. Dessus-Lamare et G. Marçais, La Mosquée du Vieux Tenès, ap. Revue Africaine, 1924, p. 530, ss.

5 Cf. infra, p. 313

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