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ordonnance analogue et peuvent nous aider à en préciser les traits.

Cette architecture militaire d'Andalousie apparaît comme directement inspirée des principes de la fortification byzantine. On sait que cette fortification, « transition entre les méthodes antiques et celles du moyen âge », comporte l'emploi d'une double enceinte la courtine principale (os), surmontée d'un chemin de ronde extérieurement protégé par un crénelage, est flanquée de tours carrées ou barlongues. Un avant-mur (çotelyoux) le précède. Il est souvent flanqué lui-même de tours ou de redans

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Fig. 136. - Cordoue. Remparts: mur et avant-mur.

correspondant aux murs de la courtine. Au pied de l'avant-mur est creusé le fossé bordé lui-même d'un parapet.

Quelques parties de l'enceinte de Cordoue et de celle de Séville reproduisent ces dispositions. Nous y retrouvons la courtine et l'avant-mur n'ayant guère qu'un tiers de la hauteur de la courtine et séparée d'elle, à Cordoue, par une largeur d'environ 5 mètres. L'avant-mur est couronné d'un chemin de ronde et d'un crénelage, comme le mur principal. La base des murs de Cordoue présente parfois une inclinaison, un fruit, peu sensible. Les tours carrées ont un faible commandement sur la courtine. Les merlons sont couronnés de pyramidions. Certains sont percés d'archères.

Un texte nous renseigne sur la composition des premiers murs

musulmans de Cordoue. Quand les vainqueurs prirent possession de la ville, ses murs étaient en pierre ; mais, comme le pont de

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Cordoue.

Remparts.

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Fig. 137. On voit nettement l'appareil de pisé avec les trous des boulins ayant servi à maintenir les panneaux de bois pendant le pilonnage.

Cordoue était en ruine, le Khalife 'Omar ben 'Abd el-'Azîz, prévenu, ordonna qu'on se servît des pierres de l'enceinte pour

en construire un plus beau, et que l'on réédifiât les murailles avec des briques de terre séchées au soleil. Y a-t-il de la part du chroniqueur une erreur d'information ou une impropriété de terme Faut-il supposer plutôt que ces murs de briques séchées durent être reconstruits avec des matériaux plus résistants? Ce qui est certain, c'est que les vieux murs de Cordoue, comme ceux de Séville, sont non en briques crues, mais en pisé, la base étant souvent renforcée de moellons. Le pisé, que nous avons déjà rencontré en Ifriqya dans les constructions aghlabites, est, comme on sait, formé d'un mélange de chaux et de terre plus ou moins sableuse, pilonné par assises entre deux panneaux de planches maintenus parallèles au moyen de madriers. Les blocs de pisé, dont la suture reste visible, ont, à Cordoue, o m. 77 de haut. Un enduit couvrait les parois de cette construction 2.

D. Les travaux d'utilité publique.

Le pont de Cordoue.

Aqueducs.

Le pont de Cordoue. De tous les travaux d'utilité publique que l'Espagne dut à ses maîtres musulmans, le plus célèbre fut le pont de Cordoue, dont le nom est revenu plusieurs fois déjà au cours du présent chapitre. Nous l'avons vu, ce pont était comme la raison d'être initiale de la ville, lieu de passage sur le grand fleuve d'Andalousie. Construit par les Romains, écroulé sous les Wisigoths, il fut rebâti sur l'ordre de l'Omeiyade 'Omar par son gouverneur Es-Samh, qui se servit des pierres de taille

1 Bayân, II, 25, tr. II, 35. Le mot employé par Ibn 'Adhari est labin. 2 Outre ces restes de murailles, qu'il paraît admissible de faire remonter au temps des Khalifes, Cordoue offre un ouvrage militaire sans doute fort ancien. C'est la tour de Carrahola ou Calahorra, qui défend l'entrée du pont du côté de la campagne. Le plan en est assez étrange. Il est formé d'un rectangle large flanqué, sur la face opposée au pont, par un saillant rectangulaire relié au corps principal par deux quarts de tours cylindriques. Cette bastille est encadrée par un avant-mur, qui reproduit en partie son tracé, avec cette différence toutefois que les tours cylindriques font ici saillie au lieu de remplir les angles rentrants. La Carrahola paraît avoir un rez-de-chaussée et deux étages surmontés d'une plate-forme. Elle est couronnée de créneaux à pyramidions. La construction est en pierres de taille posées sur une semelle de pisé.

empruntées aux anciennes murailles. Ce remploi de matériaux n'a rien qui puisse nous surprendre. Ce pont devait être, sous les Omeiyades, l'objet de plusieurs réfections partielles. Une soixantaine d'années après, une crue du fleuve en ébranla les arches et en détruisit une partie. Cet accident survint en 777, sous 'Abd er-Rahmân Ir. Ce fut son fils Hichâm, monté sur le trône en 788, qui le répara. Il y dépensa des sommes considérables; il veillait en personne à l'exécution des travaux et faisait payer les ouvriers sous ses yeux. Une anecdote relative aux travaux de Hicham mérite d'être rapportée, car elle éclaire la conception musulmane des œuvres d'utilité publique. Pendant que Hichâm, faisait exécuter les travaux du pont, un propos malveillant se répandit dans le peuple. On disait qu'il ne faisait cela que pour se rendre aisément à ses parties de chasse et de plaisir. Ces bruits parvinrent aux oreilles du prince, et, pour désarmer les critiques, il fit serment de n'y passer jamais que pour partir en guerre ou vaquer à des œuvres utiles. Pour ce Khalife, qu'on nous représente comme un modèle de vertu, la réfection du pont, à laquelle il collabore personnellement, est une œuvre pie. On ne saurait le soupçonner d'en tirer un avantage mondain.

Le Guadalquivir, comme tous les fleuves d'Espagne, est sujet à des crues énormes. Malgré le soin et le prix qu'y avait consacrés Hichâm, le pont dut être réparé plusieurs fois encore. Il ne semble pas avoir été profondément modifié. Ce qui est certain c'est qu'il a survécu jusqu'à nos jours à peu près tel qu'il nous est décrit avec précision par Edrîsî (x11° siècle) '. Construit en belle pierre rose de moyen appareil, il compte 17 arches en plein cintre entre lesquelles sont établies 16 piles renforcées d'éperons arrondis. Edrîsî note que la largeur des arches est égale à celle des piles. Il donne aux deux parapets la hauteur d'un homme.

Le géographe fait suivre sa description du renseignement que voici : « En aval du pont et au travers de la rivière est une digue construite en pierre de l'espèce de celles dites « égyptiennes >>, et portant sur de gros piliers de marbre. Au-dessus de cette digue sont trois édifices contenant chacun quatre moulins ». Plusieurs moulins existent encore en aval du pont. Il serait intéressant de rechercher ce qui y subsiste de leurs dispositions primitives.

1 Edrisî, 212, tr. 262-263. Voir aussi El-'Omari, Mesalik el-Abçår, tr. Fagnan (Extraits inédits), p. 107; Bayân, II, 25, 58, 68, 70, 144, tr. II, 35, 88, 105-106, 109, 231; Maqqari, Analectes, 1, 313, ss.

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Aqueducs. Les recherches à Medînat ez-Zahrâ ont attiré l'attention des archéologues sur les restes d'un aqueduc qui amenait les eaux de la Sierra à la ville princière. Le conduit, couvert par une voûte en berceau percée de distance en distance de puits d'aération, franchissait un ravin sur trois arches - une petite entre deux grandes - toutes trois en plein cintre outrepassé, bien appareillées en pierre et d'une remarquable élégance. La distribution des eaux se faisait au moyen de conduits maçonnés et de tuyaux de plomb (fig. 138).

De ce travail, soigneusement étudié par Velazquez Bosco, il convient de rapprocher le système similaire dont parle Maqqârî, et que Morales dit avoir vu encore intact 2. Cet aqueduc fut construit par 'Abd er-Rahmân en-Nâcir pour l'alimentation de son

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palais d'En-Na'oùra, à l'Ouest de Cordoue. L'eau, amenée par des tuyaux établis sur une longue arcade, se déversait dans un bassin. La fontaine où aboutissait cette conduite était sculptée en forme de lion. Ce lion, plaqué d'or, aux yeux incrustés de pierres précieuses, faisait l'admiration des contemporains. Après avoir arrosé les jardins, l'eau était rejetée au Guadalquivir.

Nous savons que l'activité architecturale ne se ralentit pas sous El-Mançoûr. En 988, il construisait un nouveau pont sur le Guadalquivir. Il en construisit un autre sur le Xenil, qui passe à Grenade. Au témoignage d'Ibn 'Adharî, l'amélioration des routes fut une de ses œuvres les plus méritoires. Et cette importance accordée aux travaux d'utilité publique suffirait à placer ce par

1 Velasquez Bosco, Medina Azzahra, 85, ss.

2 Gayangos, Mohammedan dynasties, I, 241-242, 504.

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