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d'un centre unique; elles se rejoignent deux à deux pour former des V emboités les uns dans les autres et de plus en plus ouverts. On peut observer le point de départ mésopotamien de ce motif à la porte Sud-Ouest de Raqqa. Cette porte était flanquée de niches à trois lobes curieusement appareillées. La concavité de deux de ces niches est meublée par quatre nervures en V reliant les angles rentrants formés par les lobes. C'est là une de ces multiples fantaisies auxquelles les artistes mésopotamiens ont fait servir la brique. Le motif de la Qal'a qui en dérive est modelé dans le stuc. On en trouverait au Caire un autre, de même famille, sculpté dans la pierre. C'est celui qu'offrent les niches de la petite mosquée d'El-Aqmar, mosquée d'époque fâtimite, mais postérieure d'une soixantaine d'années au minaret hammâdite. Au point de vue purement chronologique, l'ornement de la Qal'a marque une étape intermédiaire entre celui de Raqqa et celui d'Egypte.

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Fig. 74.

Raqqa.

Niche décorative.

Avant de poursuivre l'étude des niches, il convient de signaler le rôle remarquable que les artistes hammâdites en particulier ont attribué aux défoncements en coquille. Ils en ont composé de véritables semis en creux garnissant les murs, et ils ont fait avec des coupolettes de même découpure des sortes de trompes angulaires sous les voûtes des salles (Fig. 75, 76).

On a vu que des niches cylindriques circonscrites par une voussure prennent, dans les palais de la Qal'a et spécialement au Manâr, un remarquable développement. Il ne semble pas difficile de trouver à ce décor des ancêtres asiatiques. Saladin a signalé les niches rectangulaires de l'observatoire de Khorsabad 1. On pourrait également citer la représentation d'un château fort qui décore un plat d'argent sassanite du musée de l'Hermitage (Fig. 61).

Ces longues niches des palais de la Qal'a étaient surmontées de

1 Bulletin archéologique, 1905, p. 190, fig. 2.

coupoles monolithes. Un de ces blocs a été retrouvé sur le flanc de la pente que couronne le Manâr (fig. 77); il est creusé de trois rangs d'alvéoles contiguës les unes aux autres et rayonnant du milieu de l'arc de tête. L'origine mésopotamienne de ce «< nid d'abeille » n'est pas douteuse. Celui qui, sauf erreur, se rapproche le plus des demi-coupoles hammâdites se trouve à Raqqa: il constitue la trompe de l'iwân Sud du palais 'abbâssite (Fig. 78).

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Entre le « nid d'abeille », dont nous avons ici un premier exemple occidental, et l'encorbellement à stalactites existe une évidente parenté. La stalactite, formule considérée comme d'origine persane, ne devait pas tarder à faire son apparition en Berbérie. L'époque qui nous occupe l'a-t-elle connue ? Il semble légitime de l'admettre. J'ai mentionné précédemment ces parallélépipèdes de terre cuite que les fouilles du général de Beylié avaient mis au jour à la Qal'a des Benî Hammâd. Ces pièces céramiques, qui mesurent environ 160 m/m de long et 47 m/m de côté, sont creusées, sur trois ou quatre de leurs longues faces, de cannelures prismatiques et défoncées d'une cupule à l'une de leurs extrémités. Un vernis recouvre une partie de leur surface.

Placées de distance en distance sous les plafonds, elles pouvaient

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engendrer de véritables stalactites et jouer le rôle de corniches le long des murs près desquels on les trouva (fig. 79). Des combinai

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Fig. 77.

Qal'a des Beni Hammåd. Donjon du Manår. Couronnement des niches défonçant les façades. (Cf. supra, fig. 59).

sons de formes analogues se remarquent à l'église de Halabiya 1, sur les bords de l'Euphrate; d'autres sont sculptées dans des chapiteaux à la Grande Mosquée d'Ispahan 2.

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Fig. 78. Raqqa.

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Iwan Sud du palais. Trompe en ruche d'abeille. D'après Sarre et Herzfeld, Archäologische Reise, t. III, pl. LXX.

Les arcs. Le style que nous étudions voit un enrichissement notable du répertoire des arcs. L'arc en plein cintre non outre

1 Sarre et Herzfeld, Archäologische Reise, t. II, p. 371, fig. 254.

2 Saladin, Manuel, p. 333, fig. 255.

passé, le fer à cheval plein cintre, brisé ou déformé, figurent comme au 1x siècle. L'arc à lobes a, comme précédemment, un rôle surtout décoratif ; mais celui-ci affecte des formes variées que nous ne connaissions pas encore. J'ai déjà signalé le rebord des niches, où les lobes circulaires alternent avec des groupes de lobes en arc brisé, silhouette engendrée par l'entrelacs des festons circonscrits (Fig. 72). Souvent à Sfax comme à la Qal'a un angle droit s'interpose entre les lobes arrondis. Des arcs recti-curvilignes analogues sont courants dans l'art fâtimite

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d'Egypte. Il faut aussi signaler, au départ du feston inférieur, un amortissement convexe, que remplit un enroulement. Nous retrouverons, dans l'art du Maghreb, le « motif serpentiforme »>, qui paraît en être dérivé (v. infra, fig. 199).

Enfin le x siècle semble bien avoir connu l'arc brisé non outrepassé, cet arc que la Sicile normande transmit peut-être à l'Europe chrétienne.

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1 Cet arc était-il connu au Ixe siècle en Ifriqya? Une grande plaque de marbre gravé à gauche du mihrab de Kairouan présente un arc semblable avec des inscriptions qui semblent bien d'époque aghlabite (fig. 36 E).

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