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à attribuer la plupart d'entre eux aux Romains; mais ils ont été utilisés et réparés par les Musulmans. Il en est même qui doivent être en grande partie des œuvres musulmanes et dater

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de la ville, tout près du Dâr el-Bahr, montre encore l'amorce d'une de ses voûtes (fig. 67). La double rangée des claveaux indique un tracé nettement persan. Le petit segment de cercle de la naissance se prolonge par une droite oblique. On reconnaît là la silhouette si familière aux constructeurs irâniens. Elle est exceptionnelle en Occident.

III. LA DÉCORATION DES MONUMENTS.

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Les techniques et les matières du décor. Leur emploi. La pierre et e marbre. Le plâtre. Le bois. La polychromie. La céramique. - La peinture. Les grandes formes décoratives: les niches. Les arcs. Les colonnes. Les chapiteaux. - Les consoles. - Les ensembles décoratifs. La façade de la Grande Mosquée de Monastir. - Le minaret de la Qal'a des Benî Hammâd. - Le minaret de la Grande Mosquée de Sfax. Les éléments linéaires du décor: l'élément épigraphique. L'élément floral. La tige. Le fleuron et la palme. La faune. Le décor humain. - L'élément géométrique.

Comparé au décor des monuments aghlabites ou à celui des ruines de Sedrâta, le décor des fondations fâtimites et çanhajiennes nous apparaît comme plus complexe. Il nous le semble

rait beaucoup plus encore, sans doute, si nous le connaissions mieux. Au reste, il n'est guère surprenant qu'il ait moins d'unité. La période que nous envisageons étant plus longue, le style pouvait s'y renouveler complètement, soit par une évolution spontanée, soit par des influences successives. Le jeu des événements politiques suffirait à expliquer ces variations. A plus d'un siècle de distance, l'art des Fâtimides et des premiers Zirîdes diffère naturellement de celui des Hammâdides de Bougie. La variété des techniques contribue également à enrichir le répertoire des formes; or cette époque voit des techniques jusqu'alors peu ou point employées concourir à la décoration des édifices.

Les techniques et les matières du décor. Leur emploi. La pierre et le marbre. Le décor sculpté sur pierre ou sur marbre ne nous est parvenu que par fragments rarement en place. Nous n'avons pas à étudier d'ensembles aussi étendus que la façade de la Mosquée des Trois portes ou le mihrâb de la Grande Mosquée de Kairouan. Nous doutons qu'il en ait existé. Par la place même assignée au bas-relief décoratif, par le rôle qu'il joue dans l'édifice s'affirme une conception nouvelle, très différente de la conception « romane » du Ix siècle.

Au-dessus de la porte du minaret de la Qal'a est un beau panneau sculpté dans la pierre rose1; bien que rongé par le temps et malaisément déchiffrable, il peut, faute de mieux, nous aider à préciser notre connaissance du décor fâtimite et canhâjien. Il se compose d'un entrelacs à répétition étalé dans le sens de la largeur et encadré par un chapelet de pastilles perforées et par un rinceau. L'enduit qui devait recouvrir les faces du minaret est tombé. Nous devons le rétablir par la pensée, et imaginer le panneau isolé au milieu d'une surface unie, sans contact avec aucun décor du même genre, comme un carré de broderie tendu sur un mur blanc. De loin il compte dans l'ensemble comme une tache grise, de proportions heureuses et bien à sa place; de près il nous séduit par la finesse de ses reliefs, que fait valoir la nudité des surfaces environnantes. Cet exemple me semble assez caractéristique du rôle attribué au décor de pierre à l'époque qui nous occupe. Des panneaux analogues, d'ailleurs plus beaux,

1 Voir fig. 90 et fig. 94 E, où j'en ai reproduit un fragment.

et mieux conservés se voient au Caire, à la mosquée fâtimite de Hâkim 1.

Au regard de la façade des Trois portes ou du mihrâb de la Grande Mosquée de Kairouan, une telle ornementation apparaît beaucoup moins fournie, moins riche, moins vigoureuse et peutêtre moins bien adaptée à la parure d'un extérieur, mais plus discrète, d'une élégance plus sobre et d'un goût plus raffiné.

Le marbre, comme la pierre, est traité avec une finesse que les sculpteurs du 1x siècle ne semblent pas avoir connue. Nous possédons d'assez nombreux fragments taillés dans le marbre blanc, bandeaux, fûts de colonnes et stèles funéraires. Le décor très dense laisse une place réduite au fond; parfois même nous trouvons ici quelque chose d'analogue à ce décor « à défoncements linéaires », qu'avaient pratiqué les artistes de Samarra et qui, de Mésopotamie, était passé à l'Egypte des Toûloûnides 2.

A la Qal'a des Benî Hammâd, le marbre blanc est rare. Plus fréquent est le marbre gris, en dalles découpées, dont des galons assez lourds circonscrivent les bords. L'art de la Qal'a s'affirme, dans ces décors sculptés peut-être plus qu'ailleurs, moins délicat moins riche, et, pour tout dire, marqué d'un caractère provincial qui le distingue de l'art ifrîqyen.

Le plâtre. Une place importante doit être réservée à la sculpture sur plâtre, technique vraisemblablement importée de Mésopotamie, dont j'ai signalé l'apparition au 1x siècle à Kairouan et le triomphe à Sedrâta, dans le courant du x° siècle. Le mihrab de la Saïyda de Monastir est décoré de reliefs de plâtre. Les ruines de Cabra et de la Qal'a nous ont livré un grand nombre de fragments de plâtre sculpté, souvent rehaussés de peinture. Ce sont des revêtements, dont l'épaisseur est variable et peut dépasser 10 centimètres dans les reliefs vigoureux. On y taille non seulement des panneaux d'arabesques mais des fûts de colonnes d'angle, des chapiteaux et des coupolettes côtelées. On y découpe aussi des claustra, où s'enchassent de petits verres colorés.

Le bois. La Grande Mosquée de Kairouan conserve encore

1 Voir notamment Flury, Die Ornamente der Hakim- und Ashar Moschee, Heidelberg, 1912, pl. XIX.

2 On peut considérer comme se rattachant à ce genre les motifs reproduits fig. 4 A et H et la sculpture du chapiteau fig. 82.

une collection de consoles de bois sculptées et peintes soutenant les entraits du plafond et qui datent du x1° siècle. Elles sont d'une facture large et elles présentent des silhouettes bien adaptées à la matière comme à la place qu'elles occupent. On ne peut douter d'ailleurs que cette époque n'ait traité le bois avec une remarquable maîtrise, quand on étudie, dans la même mosquée, la maqcoûra du Zîrîde El-Mo'izz et la porte de la petite salle où se trouve la bibliothèque. Bien que ces œuvres appar

Fig. CS.

Kairouan. Grande Mosquée. Console de bois.

tiennent plutôt à l'art mobilier, on ne peut se dispenser de les mentionner ici. Le décor en est d'une exubérance excessive, d'une densité qui rappelle parfois les bois toûloûnites. Les reliefs vigoureux se détachent sur des fonds plus amenuisés formant arrière-plan. Des lignes simples et bien ordonnées en circonscrivent les surfaces nettement différenciées par leur valeur. Le rapprochement fortuit, dans le même édifice, du beau minbar aghlabite et de la maqçoûra çanhâjienne fait sentir la dissemblance des deux styles. Ces deux meubles procèdent l'un et l'autre de la sculpture-broderie; mais, tant dans le détail que dans l'ensemble, ils diffèrent profondément, et il est de touteévidence que le second style ne dérive pas du premier (Cf. fig. 36, G, H).

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La polychromie. La polychromie, obtenue par le concours de diverses techniques, ajoutait au charme de cette ornementation. Les décorateurs du x et du x1° siècle ont employé les marbres colorés; ils les ont évidés pour y inscruster des motifs découpés dans des marbres de couleurs différentes ou des plaques de terre émaillée. Ces marqueteries figuraient déjà à la Grande Mosquée de Kairouan, dans le pavage de la cour ou à la porte de la vieille mîdhâ du Nord-Ouest; mais elles se sont singulièrement généralisées et les procédés employés sont très divers.

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Une technique surtout est venue enrichir la polychromie: c'est la céramique, dont les produits sont visiblement fabriqués dans le pays même. Çabra-Mançoûriya comme la Qal'a et Bougie eurent leurs fours de potiers, d'où sortaient non seulement des

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Qal'a des Beni HamMotifs émaillés incrustés dans les arcatures du minaret.

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vases décorés, mais des pièces d'architecture.

Des motifs émaillés, régulièrement disposés, émergent de l'enduit au minaret de la Qal'a suivant un procédé analogue à celui qu'à connu l'ancienne Chaldée (ruines de Ouarka) et qui reparaît au 1x siècle dans la ville 'abbâssite de Raqqa. D'autres motifs, découpés sui

vant des silhouettes géométriques et reliés entre eux par des goujons de métal, formaient des claustra. Semblables grilles céramiques se remarquent dans les vieux édifices musulmans de tradition byzantine, comme la Qoubbat eç-Çakhra de Jérusalem. Les fouilles de la Qal'a ont amené la découverte de parallélépipèdes de terre cuite partiellement émaillés de blanc, dont j'indiquerai l'emploi en m'occupant des formes décoratives.

A Cabra-Mançoûrîya, des carreaux découpés suivant diverses formes garnissaient, en se juxtaposant, le sol des salles et des cours. C'est l'apparition de la « marqueterie de terre émaillée »>, dont le rôle sera si remarquable dans les monuments maghri

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