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type de tour à deux étages rappelle les minarets maghribins et le phare d'Alexandrie. El-Bekrî nous indique comment on fermait le port au moyen d'une chaîne tendue entre les deux tours: « Quand on veut laisser entrer un navire, nous dit-il, les gardes de tours lâchent un bout de la chaîne, ensuite ils la rétablissent dans son état ordinaire. Par cette précaution, on se garantit contre les tentatives hostiles des Roûm (Chrétiens

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Fig. 65. Mahdiya. L'entrée du port.

On voit, dans le chenal, un fragment de la voûte effondrée, et, en face, sur l'autre bord, la rangée de colonnes émergeant de la maçonnerie.

d'Europe) ». Enfin il n'est pas impossible de reconnaître, dans une excavation de la côte située un peu plus loin vers la pointe de la presqu'île, le Dâr eç-cînâ'a 2, l'arsenal maritime, qui était aussi protégé par l'enceinte de la ville « en sorte qu'une galère chargée de ses combattants pouvait y pénétrer sans que de terre on pût l'en empêcher ».

3

1 Bekri, tr. de Slane, p. 67.

2 Cette identification m'a été suggérée par M. Hassen Abd el-Wahab.

3 Merråkechi, Hist. des Almohades, tr. Fagnan, p. 196.

Fortifications des villes çanhâjiennes. Les villes çanhâjiennes que nous connaissons furent des villes fortifiées : Achîr, la Qal'a des Beni Hammâd, Bougie, toutes présentent des caractères communs. La situation de toutes trois est de même genre. Placées sur un terrain incliné, un plateau en pente bordé par des ravins, dont elles couronnent exactement le rebord, elles sont adossées à une hauteur très considérable sur laquelle elles envoient un prolongement, afin d'être reliées à un poste d'observation dominant le pays d'alentour. Le rempart, suivant les corniches et les crêtes, n'est pas précédé d'avant-mur; il est flanqué de rares bastions. A Bougie cependant, on voit, sur la face orientale, des saillants barlongs de 2 m. 50 de saillie sur 4 m. de large distants l'un de l'autre d'environ 25 mètres. En plusieurs endroits de la même enceinte, on reconnaît l'existence d'un chemin de ronde.

Le mur est de dimensions variables d'une ville à l'autre et d'un point à l'autre de la même ville. A Achîr il est d'environ 2 m., à la Qal'a il varie de 1 m. 20 à 1 m. 60, à Bougie on relève des dimensions allant de 1 m. 70 à 2 m. 5o. La courtine est constamment faite de lits de moellons régularisés par des matériaux plus petits. A Bougie on a fait aussi usage d'arases de briques.

En somme il n'est pas impossible de dégager de l'examen de ces enceintes une formule çanhâjienne, qui, au moins pour l'appareil, se rapproche de la formule de Mahdiya. Elle est assez différente de la formule aghlabite de Sousse et de Sfax et s'éloigne de la tradition byzantine. On ne voit pas que se marque en aucune manière la personnalité de l'esclave chrétien Bouniache, qui, au dire du chroniqueur Ibn Hammâd, avait bâti et fortifié la Qal'a 1.

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Bab el-Bahr (Porte Sarrazine) de Bougie. Aucun plan de porte ne peut être relevé à Achîr. La Qal'a possède les vestiges d'une porte coudée, Bâb el-Aqouâs (la porte des Arcs). A Bougie Bâb el-Bahr, qui donnait entrée aux bateaux dans le port, a encore grand air.

A l'extérieur, du côté de la mer, elle se présente comme une grande arcade brisée reposant sur deux pieds droits assez courts,

1 J. As., 1852, II, 491.

parce que en partie enterrés par les atterrissements. L'arc est en briques et appareillé par lits horizontaux jusqu'à une certaine hauteur, par lits rayonnants au-dessus. Cet arc repose en encorbellement sur les pieds droits par l'intermédiaire de deux pierres

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moulurées de taille antique. Deux saillants rectangulaires flanquent cette ouverture. A l'intérieur un berceau brisé également en brique s'accole au mur de la façade bien au-dessus du cintre de la porte. Le chemin de ronde, s'élevant de la courtine, passait au-dessus de l'extrados de la voûte.

Malgré l'emploi de la brique, qui ne paraît pas habituel aux

constructeurs de la Qal'a, il semble qu'on doive attribuer cette porte à l'époque brillante où les Hammâdides étaient maîtres de Bougie et où ils pourvurent la ville de fortifications très importantes. L'appareil de moellons qui s'intercale entre les briques et l'emploi de l'arc brisé non outrepassé, que nous trouvons à Mahdîya comme à la Qal'a et que nous retrouverons en Sicile, autorisent cette datation.

Une tour flanquante du même front, où les murs sont pareillement construits en moellons, les arcs et les voûtes en briques, est vraisemblablement de même époque 1.

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Travaux d'adduction et de distribution des eaux, Pont à la Qal'a des Benî Hammâd.

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Nous

Travaux d'adduction et de distribution des eaux. avons pu constater qu'à part Mançoûriya, les villes construites du x au milieu du x1° siècle sont des places fortes. Il importait avant tout d'amener l'eau dans l'intérieur des murs pour assurer le ravitaillement de la garnison et des habitants pendant les sièges. Ç'avait été une des préoccupations du Mahdî fâtimide fondateur de Mahdîya. « Mahdîya, dit El-Bekrî, renferme 360 grandes citernes. » Il se peut que certaines d'entre elles fussent de création phénicienne ou carthaginoise; mais El-Bekri attribue formellement au Mahdi l'adduction d'eau captée à une certaine distance. Outre les citernes que remplissaient sans doute les pluies, des eaux arrivaient par des conduits et étaient distribuées dans la ville. « Ce fut [le Mahdî] 'Obaïd Allah qui les fit venir d'un village des environs nommé Miyânech. Elles coulent dans des tuyaux et vont remplir une citerne auprès de la Grande Mosquée, d'où on les fait remonter jusqu'au palais par le moyen de roues à chapelets. Dans le voisinage de

1 J'ai décrit le donjon du Manár de la Qal'a. Malgré sa destination évidem ment défensive, malgré sa rampe interrompue en un point pour arrêter l'assiégeant, malgré la chambre de tir qui commande le ravin, il semble qu'il soit plus intéressant comme palais que comme ouvrage militaire; et je me contenterai de le mentionner ici pour mémoire.

Miyanech, on élève l'eau de la même manière jusqu'à un réservoir, d'où elle s'écoule par les tuyaux dont nous avons parlé 1. »

La situation choisie pour les villes çanhâjiennes, Achîr, la Qal'a, Bougie, rendait facile cette adduction des eaux. Les hauteurs auxquelles elles s'adossaient et qu'englobait en partie leur enceinte servaient de réservoir naturel alimentant des sources dans la ville ou déversant leurs eaux dans des conduits artificiels. Le premier cas était plutôt celui d'Achîr (on y compte encore plusieurs sources); le second celui de la Qal'a et de Bougie,

Plusieurs canaux amenaient l'eau des hauteurs voisines aux réservoirs de la Qal'a. Certains de ces canaux sont en partie creusés dans le roc et à ciel ouvert. Quant aux réservoirs, ils sont répartis sur plusieurs points de la ville. Outre le grand miroir d'eau du Dàr el-Bahr, nous avons trouvé des bassins de décantation et des réservoirs de puisage dans l'enceinte du palais, une citerne voûtée en arc de cloître dans la cour de la mosquée. Pourvoir la mosquée d'eau est une œuvre pie qui s'impose aux musulmans bâtisseurs; s'il est méritoire d'abreuver les passants et les habitants d'une ville, il ne l'est pas moins de permettre aux fidèles de faire leurs ablutions. Un troisième réservoir est encore connu à la Qal'a sous le nom de Fontaine du Sultan 2. C'est un rectangle de 9 m. sur 6 entouré d'épais murs de blocage et épaulé sur sa face aval par quatre contreforts demi-cylindriques. La forme de ces contreforts n'est pas sans nous rappeler les réservoirs aghlabites de la campagne kairouanaise. Rien de surprenant si les traditions locales ont survécu dans les travaux hydrauliques, alors que partout ailleurs elles faisaient place à des formules étrangères. De ce bassin, l'eau s'écoulait par un conduit dans une vasque en marbre dont les bords sont découpés en huit lobes circulaires. Une vasque analogue mais à six lobes se voit au musée de Bougie'.

La dernière capitale des émirs çanhâjiens eut aussi un grand nombre de réservoirs remplis par les eaux venant du Gouraya ou de la région de Toudja. Elle en compte encore plusieurs, surtout dans la partie Nord-Ouest de son enceinte. On s'accorde

1 Bekri, 30, tr. p. 67. Il faut corriger Menânech par Miyânech.

2 Cf. de Beylié, La Kalaa des Bent Hammad, p. 36, voir aussi ibid. pp. 109 et 110.

3 On en rapprochera certaines cuves baptismales chrétiennes.

4 Delamare, Exploration scientif de l'Algérie Archeologie, pl. IV, à droite. Gsell, Atlas archéol., feuille 7, n° 12, 15; de Beylié, La Kalaa, ch. IV, pl. VI.

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