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enceinte rectangulaire large de cinq nefs et de quatre travées enveloppe le mihrâb. Elle devait porter la clôture de bois d'une maqçoûra. Les deux nefs qui bordent cette enceinte et la nef médiane sont plus larges que les autres. Un mur séparait la salle de la cour. Cette cour, assez étroite, était bordée sur les quatre faces par des portiques sur colonnes. Une vaste citerne voûtée existait sous son sol. A l'angle Nord-Ouest se trouvent deux réduits communiquant entre eux; on peut y reconnaître une mîdhâ, placée comme celle de la Grande Mosquée de Kairouan. Comme à Kairouan, le minaret est adossé intérieurement au mur d'enceinte opposé à la qibla et dans l'axe du monument. J'ai dit que ce minaret avait encore 25 m. de haut, bien que le crénelage de sa plate-forme et l'édicule terminal aient disparu. L'escalier est couvert de berceaux rampants. Seule la face Sud, donnant sur la cour, est décorée. Je m'occuperai plus loin de ce décor, qui porte la marque d'une influence mésopotamienne évidente.

Les travaux à la Grande Mosquée de Kairouan. Les mosquées que les Fâtimides et les Canhâjiens durent élever à ÇabraMançoûriya ne nous sont pas parvenues. Il est certain pourtant que les Zîrîdes dotèrent leur résidence d'édifices religieux ; mais ce n'est pas, sauf imprévu, dans les tumuli de Çabra qu'on en trouvera les traces; c'est plutôt à Kairouan et dans la Grande Mosquée elle-même. On y remarque un certain nombre de colonnes et de chapiteaux qui sont de fabrication çanhàjienne, et dont l'âge et la destination piense sont attestés par des inscriptions. Il paraît d'ailleurs douteux qu'elles aient été incorporées à la mosquée au x1° siècle. Je crois plutôt qu'elles y ont été apportées de Cabra ruinée et déserte, au cours des travaux qui y furent exécutés au XIII ou au XIV siècle.

Si les princes Zîrîdes ne retouchèrent pas les supports des nefs et des galeries, ils travaillèrent cependant à l'embellissement du vieux temple. El-Mo'izz (1016-1062) le dota des admirables. boiseries de la maqçoûra et de la petite salle qui s'ouvre dans le mur de la qibla. Ce n'est pas tout à l'époque çanhâjienne, on travailla aux portes et aux tympans qui ferment la salle de prières et l'on renouvela la majeure partie, sinon la totalité des plafonds de la Grande Mosquée. J'examinerai par la suite ces beaux spécimens de peinture décorative musulmane.

Rien, sauf erreur, ne subLa Grande Mosquée de Bougie. siste de la Grande Mosquée dont les Benî Hammâd dotèrent Bougie, leur seconde capitale. Un manuscrit anonyme et sans date, dont le général de Beylié a eu communication, nous en fournit une description assez copieuse. Elle aurait été fondée par l'émir El-Mançoùr, qui posa en 494 (1100 J. C.) la première pierre du mihrab et y fit transporter deux précieuses colonnes rouges enlevées aux ruines d'une église. D'après l'auteur, la salle de prières comptait 14 nefs que bordaient des colonnes. Le nombre pair est difficilement admissible. La nef médiane portait, à son extrémité Nord, une coupole dite Qoubbat Bâb el-Bahoù, tout comme les mosquées aghlabites de Kairouan et de Tunis. Cette coupole était ornée de 32 colonnes de marbre, qu'on avait envoyées de Gênes avec onze artisans experts demandés par El-Mançoûr pour l'achèvement de son œuvre. Trente-deux : c'est tout juste le nombre des colonnes qu'El-Bekrî attribue à la coupole de Bâb el-Bahoû de Kairouan.

Le monument entier aurait couvert une aire de 150 coudées de large sur 222 coudées de long. Ce sont, sans y rien changer, les dimensions données à la mosquée de Sidi 'Oqba par El-Bekrî; et ce parallélisme ne laisse pas de nous paraître suspect. Sous le pavé de la cour s'étendait une énorme citerne, comme à Kairouan; et, comme à Kairouan encore, un puits était creusé non loin du minaret. Ce minaret, qui aurait eu exactement la mais l'aurait largeur du minaret de Kairouan 25 coudées dépassé juste de 10 coudées en hauteur, était muni de deux portes; l'une au Sud, l'autre à l'Est. Ces portes en étaient exactement, comme celles du minaret de Kairouan, pourvues de montants et de linteaux sculptés. Le mihrâb aussi était sculpté dans le marbre blanc et un bandeau à inscription régnait à mi-hauteur ; ce qui nous rappellerait plutôt le mihrâb de Monastir.

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Douze portes permettaient d'accéder à la mosquée. Une petite entrée s'ouvrant près de la chaire, comme à Kairouan, donnait passage à l'imâm. A la mosquée était accolés une bibliothèque et un oratoire pour la prière des femmes.

Si le chroniqueur est véridique, s'il n'a pas voulu nous donner une idée trop avantageuse de la mosquée des Hammâdides, en démarquant ingénuement une description de la plus grande

1 De Beylié, La Kalaa, pp. 102-104. Cf. El-'Abderi, J. As, 1854, II, p. 158.

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vons que considérer le sanctuaire de Bougie comme une réplique attardée de la fondation aghlabite.

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Les palais fâtimites de Mahdîya. Les palais de Cabra-Mançoûriya. Les palais de la Qal'a des Benî Hammâd. – Le palais du Fanal (Qaçr el-Manâr). — Le Dâr el-Bahr. — Les formes constructives: les avant-corps. Les niches. Les coupoles. Les trompes et les autres encorbellements. - Palais de Bougie et autres palais du même temps.

Les palais fâtimites de Mahdiya. Quand le Mahdî fâtimide prit possession de l'Ifrîqya, il s'installa dans le palais de Raqqada, que le dernier des Aghlabides avait quitté quelques mois. auparavant. Six ans après (303/915), il commençait à construire Mahdiya. Mahdîya fut surtout un retranchement, et nous rechercherons ce que l'on peut savoir de ses ouvrages militaires ; mais elle fut aussi pourvue des organes nécessaires à la vie d'une grande ville, centre administratif, résidence de souverain. Bien que la plupart des soùqs ne se trouvassent pas dans Mahdiya même, mais dans le faubourg de Zawila, qui s'étendait hors de la presqu'île, la ville avait aussi ses marchés « construits en pierre de taille1». Auprès de la mosquée, sur le terrain remblayé, s'élevait la Cour des Comptes « Dâr el-mohâsabât», dont on peut encore déterminer l'emplacement avec quelque vraisemblance. Enfin le Mahdi et son fils Aboû 'l-Qasim y avaient construit deux palais, dont on nous vante la magnificence 2.

Le palais du Mahdi « orné de fenêtres d'or » (faut-il comprendre que les fenêtres en étaient pourvues de grilles dorées?) s'ouvrait vers l'Ouest. Vis-à-vis de cette façade, de l'autre côté d'une place, se dressait, d'après El-Bekrî, le palais d'Aboù 'l-Qâsim, dont la porte était tournée vers l'Est. On notera, au moins comme une curieuse coïncidence, que deux palais devaient de même voisiner dans la future ville du Caire. Quand le des

1 Istibçar, tr. p. 14.

2 Tijani, ap. J. As. 1853, I, p. 362; Bekri, p. 30, tr. pp. 67-68; Ibn el-Athir, Kamil fit-tarikh, éd. Tornberg, t. VIII, p. 70, tr. Fagnan (Annales du Maghreb et de l'Espagne), pp. 314-315.

cendant du Mahdî, le Khalife El-Mo'izz y arriva, il s'installa dans la belle demeure que son général Jawhar lui avait préparée, non loin de la Mosquée El-Azhar. On devait lui donner le nom de Palais de l'Est. Le successeur d'El-Mo'izz, El-'Azîz, devait construire, en face, le Palais de l'Ouest, qu'une place dite Baïn el-Qaçraïn sépara du premier.

Il n'est pas impossible de reconnaître le site de ces deux constructions fâtimites de Mahdîya. On doit les placer vers le centre de la presqu'île. Une surélévation sensible du sol y porte le fort turc dit Bordj er-Râs, qui sert actuellement de gendarmerie et de prison. C'est vraisemblablement là que s'élevait le palais du Mahdi. Qu'en reste-t-il maintenant ? Bien peu de chose sans doute. Cependant une entrée voûtée de belle allure donne accès dans une cour entourée de constructions; et cette ordonnance n'est pas sans rappeler celle des ribâts du IX° siècle. Sous la voûte, des demi-coupoles en coquilles, taillées dans des blocs de pierre, semblent appartenir au décor du x° siècle.

La façade est tournée vers l'Ouest, conformément à la description d'El-Bekrî. En avant de cet édifice, au delà d'un sol déprimé, s'étend un terre-plein sans construction moderne mais où des lignes de murs affleurent. On se croit autorisé à y reconnaître le palais d'Aboû 'l-Qâsim, dont la porte faisait face à celle du palais de son père. Il serait très désirable qu'on entreprît quelques fouilles sur l'emplacement de cet édifice musulman du Xe siècle.

Mahdiya, résidence des deux premiers Fâtimides, devait être l'asile des derniers Zîrîdes, de 1057 jusqu'à 1148, époque où elle devint cité normande. Les textes ne mentionnent la construction d'aucun palais par le Ziride El-Mo'izz ou ses malheureux successeurs. Dans l'intervalle entre les deux séjours des maîtres de l'Ifrîqya dans la presqu'île, Fâtimides et Zîrîdes avaient occupé Çabra-Mançoûrîya.

Les palais de Cabra-Mançoûrîya. - Des palais somptueux y furent édifiés par El-Mançoûr d'abord, le fondateur de la ville, puis par ses successeurs, mais surtout, semble-t-il, par le dernier de la lignée qui résida en Berbérie. L'historien Ibn Hammâd lui attribue, outre des établissements de bienfaisance, les palais suivants: El-îwân, le Salon du Camphre, la Pierre du Diadème, le Salon du Myrte, la Pierre d'Argent, le Palais du Khalife et

le Khawernaq'. Nous ignorons si les Salons du Myrte et du Camphre doivent être considérés comme des palais entiers ou des parties de palais. Cette énumération est peu explicite. Toutefois deux noms au moins semblent à retenir et, faute de mieux, apportent un indice sur les modèles possibles de ces édifices. Celui de Khawernaq, célèbre dans les traditions musulmanes, fut porté par un palais construit au v° siècle pour les princes Sassanides, 150 kilomètres au Sud de Baghdâd. En souvenir de cet édifice, « une des trente merveilles du monde », le nom de Khawernaq devait être donné à une partie d'El-îwân el-kabîr, palais fâtimite du Caire. Quant au nom d'El-îwân, que nous rencontrons au Caire après l'avoir trouvé à CabraMançoûrîya, on sait qu'il est aussi d'origine persane et qu'il désigne généralement, dans les monuments mésopotamiens ou dans ceux qui en sont inspirés, une salle voûtée s'ouvrant par un grand arc sur l'extérieur.

Certes on ne doit rien conclure d'absolu de telles indications; toutefois, l'emploi de noms persans en Ifrîqya, et le fait que ces noms réapparaîtront en Egypte, peut laisser supposer, dès cette première période, l'ébauche d'une sorte de tradition fâtimite, qui déjà porte la marque de la civilisation mésopotamienne.

Les Zirides travaillèrent eux aussi à Mançoûriya. Le Zîrîde Mançoûr y eut son palais. On nous nomme le secrétaire qui conduisit les travaux et l'on nous dit qu'en 376/986 les dépenses s'élevaient à 100.000 dinars et la construction n'était pas achevée. Le total devait atteindre 800.000 dinars. Des arbres entouraient de tous côtés cette somptueuse demeure 2. Enfin le prince ElMo'izz, de la même famille, celui dont nous avons vu la magnificence, y édifia plusieurs palais « comparables à ceux qu'éleva en Iraq En No'mån ben Mondir ».

Dans quelle mesure ces palais fâtimites et çanhâjiens imitaientils les palais orientaux dont ils évoquaient le souvenir chez les contemporains? Il semble douteux que nous le sachions jamais.

Le site de Çabra-Mançoûriya est parfaitement connu. A 1.500 mètres au Sud de Kairouan, des tumuli très considérables émergent de la plaine. Ils sont malheureusement fréquentés depuis

1 Ibn Hammåd, tr. Cherbonneau ap. Journal asiatique, 1852, II, p. 480. Manuscrit d'Alger, p. 39, r° et v°.

2 Ibn Abi Dinår (El-Qairwânî), p. 132.

3 Cf. ma nole, ap. Bulletin archéologique, 1922, p. xXIV-XXV.

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