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des libérateurs. Obligés de cultiver les plaines de l'Afrique pour le compte de quelques grandes familles romaines, ils avaient à satisfaire aux exigences de leurs maîtres et à l'avidité du fisc impérial, quand la présence des envahisseurs les délivra d'une servitude devenue intolérable. Mais, avec ce changement, ils durent accepter les obligations qu'impose l'islamisme, et, fatigués bientôt d'une religion qui leur prescrivait de fréquentes prières et leur enlevait près de la moitié de leurs récoltes à titre d'impôts, ils s'allièrent encore aux Romains, écrasèrent les armées arabes (en l'an 683), et fondèrent, à Cairouan même, le premier empire berbère. Pendant cinq ans, leur chef Koceila gouverna l'Afrique avec une justice qui mérita l'approbation des Arabes qu'il avait vaincus. En 688-9, Zoheir-Ibn-Caïs, émir chargé par le khalife de venger la mort d'Ocba, renversa le trône de Koceila; puis, en 691, Hassan-Ibn-en-Noman prit la ville de Carthage et subjugua les Berbères que la Kahena, reine du Mont Auras, avait rassemblés pour le combattre. Mouça-IbnNoceir soumit les Berbères de l'Auras, conquit la Tingitane et remporta, en 711, sur les bords de la Guadalète, la célèbre victoire qui livra l'Espagne à l'islamisme et mit fin à l'empire des Visigoths. Depuis lors, les émirs qui gouvernaient l'Afrique eurent la double tâche de combattre les Berbères, race toujours impatiente du joug étranger, et de résister aux tentatives ambitieuses des chefs arabes qui commandaient sous leurs ordres. Pour accroître les difficultés de leur position, le Kharedjisme, doctrine d'une nouvelle secte, se propagea chez les indigènes.

Après la mort de Mahomet, son gendre et cousin, Ali, espéra obtenir le commandement temporel et spirituel des Musulmans. Deux fois, il se vit frustré dans son attente, et la troisième fois il eut à combattre un rival qui finit par le remplacer : Moaouïa, chef de la famille des Oméïades et de la haute bourgeoisie de la Mecque, corps qui s'était longtemps opposé aux entreprises de Mahomet, resta seul khalife en employant tour à tour l'intrigue et les armes. La plus grande partie de la nation arabe se laissa entraîner dans cette querelle qui, heureusement pour l'Europe, brisa à jamais l'unité de l'empire; mais un certain nombre de

croyants, puritains de l'islamisme, se tinrent à l'écart en déclarant que le droit de choisir le chef de l'état et de la religion appartenait au corps entier des fidèles. Ils prirent bientôt les armes pour faire valoir ce principe; puis, à la suite de plusieurs défaites, ils eurent recours à d'autres moyens pour combattre leurs adversaires. Ces dissidents ou kharedjites, comme on les nomma, enseignaient que tout musulman, hormis ceux de leur secte, était infidèle et méritait la mort; que ses femmes et ses enfants pourraient être légalement réduits en servitude. Ils dénoncèrent aussi la peine de mort contre les croyants qui ne répondraient pas à l'appel pour la guerre sainte, c'est-à-dire, contre les individus de leur propre parti auxquels il manquait, soit le courage, soit le fanatisme. Vaincue en Syrie, en Arabie et en Irac, cette faction se brisa, mais les débris se répandirent jusque dans les provinces les plus éloignées du siége de l'empire. Quelques-uns de ces fuyards passèrent en Afrique où ils trouvèrent les Berbères bien. disposés à embrasser leurs doctrines. Ce peuple ne cherchait que des prétextes pour résister à la domination arabe; et si, dans les premiers temps, il ne savait entreprendre une révolte sans se jeter dans l'apostasie, il apprit alors à s'insurger sans cesser d'être musulman. Profitant enfin des guerres qui embrâsèrent toutes les provinces de l'islamisme lors de la lutte des Oméïades et des Abbacides, ils parvinrent encore à vaincre les Arabes et à devenir maîtres chez eux.

Pendant quatorze mois les Kharedjites sofrites dominèrent dans Cairouan; les Eibadites, qui formaient une autre nuance de la même secte, y règnèrent ensuite pendant deux ans, et, pour que l'autorité du khalifat fût rétablie en Afrique, il fallut que les cadavres de quarante mille de ces hérétiques restassent sur un seul champ de bataille.

Comme la famille d'El-Abbas avait maintenant arraché l'empire aux descendants d'Oméïa qui, eux-mêmes l'avaient enlevé à la postérité de Mahomet, et que ces changements de dynastie eurent pour résultat le démembrement et la ruine de l'autorité arabe, il sera nécessaire d'indiquer ici la filiation de ces trois branches de la tribu de Coreich:

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De la branche d'El-Abbas, oncle de Mahomet, sortirent les Abbacides; de celle d'Oméïa, fils d'Abd-Chems, provinrent les deux branches des Oméïades; d'El-Hacen et d'El-Hocein sortirent les Alides ou Fatemides, princes dont les partisans furent ordinairement désignés par le nom injurieux de Chiites, c'est-à-dire sectaires. Si la succession au khalifat devait se régler selon les maximes du droit d'hérédité, on voit par l'inspection de ce tableau que les Alides seuls pouvaient y prétendre, et que les Omeïades y avaient encore moins de titres que les Abbacides.

Pendant un siècle et demi les émirs de l'Afrique avaient été nommés par les khalifes de l'Orient, mais ensuite l'autorité devint l'héritage des Aghlebides, famille dont l'aïeul, El-Aghleb, avait rendu de grands services aux Abbacides, d'abord en Khoraçan, et plus tard en Afrique. Son fils Ibrahîm reçut de Harouner-Rechîd le gouvernement de cette province et transmit l'autorité à ses enfants.

Onze princes aghlebides régnèrent successivement à Cairouan, pendant plus d'un siècle. Ils avaient dompté les Berbères, courbé l'audace des généraux arabes, toujours disposés à repousser leur autorité; ils avaient même conquis la Sicile, quand leur dynastie fut renversée par un ennemi dont ils avaient à peine soupçonné l'existence. Les Berbères de la tribu de Ketama reconnurent pour khalife un prince fatemide, expulsèrent de l'Afrique Zîadet-Allah, l'aghlebide, et enlevèrent ce pays à l'autorité des khalifes de l'Orient. Voici la liste des émirs arabes et des aghlebides:

J.-C. A.H.

800

812

817

838

844

856

863

864

875

902

903

ÉMIRS AGHLEBIDES.

184 Ibrahim-Ibn-el-Aghleb.

196 Abou-'l-Abbas-Abd-Allah, fils d'Ibrahim.
201 Abou-Mohammed-Ziadet-Allah I, fils d'Ibrahim.
223 Abou-Eical-el-Aghleb, fils d'Ibrahîm.
226 Mohammed, fils d'Abou-Eical.

242 Ahmed, fils de Mohammed.

249 Ziadet-Allah II, fils de Mohammed.

250 Abou-'l-Gharanic-Mohammed, fils d'Ahmed.
264 Ibrahim, fils d'Ahmed.

289 Abd-Allah, fils d'Ibrahîm.

290 Ziadet-Allah III, fils d'Abd-Allah.

909 296 Il abdique.

Pour l'histoire des événements qui se passèrent sous l'administration de ces émirs, on consultera, dans cet ouvrage, les chapitres suivants :

Tome I, Les appendices, nos 1 et 1,

Les Berbères sous la domination arabe,

Les Aureba, les Hoouara.

Tome III, Les Djeraoua,

Les Beni-Ifren.

Pour les origines berbères, on lira :

Tome I, Chapitre sur les origines berbères,
Chapitre sur leur pays,

Chapitre sur leur caractère national.

Tome III, Origines zenatiennes.

En l'an 755, après la chute des Oméïades, un membre de cette famille, descendant du khalife Merouan-Ibn-el-Hakem, échappa au massacre qui enveloppa la plupart de ses parents et gagna l'Andalousie où il fit revivre, avec plus d'éclat que précédemment, la dynastie fondée par ses aïeux. Ce fut de lui que sortirent les khalifes oméïades ou merouanides de l'Espagne.

Trente-trois ans plus tard, un arrière petit-fils d'El-Hacen, fils d'Ali et de Fatema, se réfugia en Afrique pour éviter la mort que lui destinait le khalife abbacide, El-Mehdi. Accueilli avec em

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