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eu en nous des amis dévoués, comme si vous n'aviez jamais recherché notre alliance! mais cela, vous ne saurez l'oublier 1.

A la lecture de ces vers, Hicham entra en courroux et prononça la disposition d'Obeida. Celui-ci, en quittant l'Ifrikïa, y laissa, pour lieutenant-gouverneur, Ocba-Ibn-Codama, et pour cadi, Abd-Allah-Ibn-el-Mogheira-Ibn-Berda de la tribu de Coreich, ceci se passa dans le mois de Choual de l'an 114 (novembre-décembre 732) 3.

§ XIX. GOUVERNEMENT D'OBEID-ALLAH-IBN-EL-HABHAB.

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Obeid-Allah, fils d'El-Habhâb et client de la tribu de Makhzoum, occupait une place élevée dans l'administration de l'empire; il s'exprimait avec élégance et savait par cœur la poésie des Arabes du Désert, ainsi que l'histoire de leurs combats. Ce fut lui qui bâtit la grande mosquée de Tunis et l'arsenal de la marine. Sa nomination au gouvernement de l'lfrîkïa eut lieu dans le mois de Rebiâ premier, de l'an 116 (avril-mai,734). Il confia le commandement de Tanger et de la province qui en dépend à Omar-IbnAbd-Allah-el-Moradi; mais ce fonctionnaire, oubliant les principes de la justice, commit de nombreuses illégalités dans la perception de la dîme aumônière et dans la répartition du butin. Il voulait prélever le quint sur les Berbères, sous prétexte que ce peuple étaient un butin acquis aux musulmans, chose qu'aucun amel avant lui n'avait osé faire; ce fut seulement sur les populations qui refusèrent d'embrasser l'islamisme que les gouverneurs imposèrent ce tribut. Aussi les Berbères de Tanger se

1 En-Noweiri a rapporté ces vers d'une manière peu exacte.— Voyez le Baïan, texte arabe, pag. 37.

* Selon Ibn-Abd-el-Hakem, Obeida revint en Orient l'an 115.

3 Obeida envoya une flotte contre la Sicile, mais elle se perdit dans une tempête. El-Mostatîr-Ibn-el-Hareth-el-Harsi, le commandant de cette expédition, échappa au naufrage et fut emprisonné par Obeida. • De Rebiâ second, selon le Baïan.

5 Voyez ci-devant, pag. 216, et ci-après, pag. 367. La comparaison de ces passages fait voir que le quint dont il s'agit ici était celui de la population d'ailleurs, un impôt sur les biens, quelqu'exorbitant qu'il fût, n'aurait jamais excité un soulèvement général.

soulevèrent contre lui, en l'an 122 (740). Ce fut la première fois que, dans l'Ifrîkïa, des troubles éclatèrent au sein de l'islamisme. Meicera-el-Madghari se mit en révolte et tua Omar-elMoradi.

Alors parurent en Ifrîkïa des gens qui professaient les doctrines des kharedjites et dont le nombre ainsi que la puissance prit de grands accroissements.

L'hisiorien dit plus loin: Obeid-Allah choisit des troupes parmi les Arabes et les envoya contre Meicera. Il en confia le commandement à Khaled-Ibn-Abi-Habîb-el-Fihri, auquel il donna pour lieutenant Habib-Ibn-Abi-Obeida. Khaled vint livrer bataille à Meicera sous les murs de Tanger. Le combat fut soutenu avec un acharnement inouï; mais, à la fin, Meicera rentra dans la ville. Plus tard les Berbères éclatèrent en plaintes contre leur chef, et ceux même qui l'avaient proclamé khalife et qui lui avaient prêté serment de fidélité, secouèrent le joug de son autorité et le mirent à mort. Alors ils décernèrent le pouvoir suprême à Khaled-Ibn-Hamîd de la tribu de Zenata. Ibn-Abi-Habib, vint [une seconde fois] leur livrer bataille, mais, au plus fort de la mêlée, il fut attaqué par Khaled-Ibn-Hamîd, à la tête d'un [autre] corps d'armée. Les arabes furent mis en déroute; mais Ibn-Abi-Obeida et quelques-uns de ses compagnons, trop fiers pour prendre la fuite, se précipitèrent dans les rangs ennemis et y trouvèrent la mort : pas un seul n'échappa. Les Arabes les plus braves et leurs cavaliers les plus intrépides succombèrent dans cette rencontre qui fut nommée la bataille des nobles (Ouaçât-el-Achraf).

Par suite de ce revers, la révolte se propagea dans tout le pays, et le désordre devint tellement grave que le peuple se réunit et déposa son gouverneur Obeid-Allah. En apprenant ce nouveau malheur, [le khalife] Hicham-Ibn-Abd-el-Mélek s'écria: « Quoi donc ? ces chefs arabes qui vinrent m'offrir leurs services; sont-ils morts?— « Oui », répondirent ses serviteurs. — « Par Allah! reprit-il, je me fâcherai contre ces rebelles de la colère

Voyez ci-devant, page 203, note 5.

d'un Arabe ! Je leur enverrai une armée telle qu'ils n'en virent jamais dans leur pays; la tête de la colonne sera chez eux pendant que la queue en sera encore chez moi. Je ne laisserai point de château berbère sans établir à côté un camp de guerriers de la tribu de Caïs ou de la tribu de Temîm. » Il envoya alors à ObeidAllah une lettre de rappel. Ce chef quitta l'Ifrikïa dans le mois de Djomada premier de l'an 123 (avril, 744) 1.

Lors de son arrivée en ce pays, dit l'historien, Obeid-Allah avait remplacé Anbeça, gouverneur de l'Espagne, par Ocba-Ibnel-Haddjadj; mais, sur la nouvelle de la révolte des Berbères, les [musulmans,] habitants de ce pays, déposèrent Ocba et choipour chef Abd-el-Mélek-Ibn-Catan-el-Fihri.

sirent

L'historien ajoute que Hicham-Ibn-Abd-el-Mélek nomma alors Kolthoum, fils d'Eïad, de la tribu de Cocheir, gouverneur de l'Ifrîkïa.

§ XX.

- GOUVERNEMENT DE KOLTHOUM-IBN-EÏAD-EL-COCHEIRI 2.

Au mois de Ramadan 123 (juillet-août 741), Kolthoum, fils d'Eïad, arriva en Ifrîkïa. Il venait de recevoir le commandement de douze mille hommes de cavalerie, fournis par les établissements militaires de la Syrie 3, et il avait écrit de tout côté pour qu'on vint prendre part à son expédition. Avec lui se trouvèrent les gouverneurs de l'Egypte, de Barca et de Tripoli. Aussitôt entré dans la province d'Ifrîkïa, il marcha directement sur Ceuta sans entrer à Cairouan, mais il confia le gouvernement de cette

1 Ibn-Abd-el-Hakem dit qu'Obeid-Allah envoya Habîb-Ibn-Abi-Obeidael-Fihri contre les pays de Sous et de Soudan, et que ce général er rapporta un butin énorme. Ibn-Khaldoun, qui rapporte le même fait, ajoute qu'en l'an 122, Obeid-Allah fit partir Habîb pour la Sicile. Arrivé à Syracuse, la ville la plus considérable de cette île, Habîb en soumit les habitants à la capitation et ravagea le reste du pays.

El-Cocheiri signifie membre de la tribu de Cocheir. Ibn-Abd-el-Hakem dit qu'il appartenait à la tribu de Caïs.

3 Voyez ci-devant, page 224, note 1.

A la place de Ceuta, il faut probablement lire Sebiba. Ibn-Abd-elHakem dit: «Kolthoum passa auprès de Cairouan et entra à Sebîba, ville à une journée de Cairouan, où il resta pendant le mois de Choual.>>

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ville à Abd-er-Rahman-Ibn-Ocba-el-Ghaffari qui était alors grand cadi de l'Ifrîkïa. Ayant appris que Habib-Ibn-Abi-Obeida résistait toujours aux Berbères, il alla à leur rencontre et les trouva, au nombre de trente mille, sur le bord de la rivière de Tanger où Khaled-Ibn-Hamîd vint les rejoindre. Les deux armées se livrèrent alors une bataille terrible; Kolthoum y périt ainsi qu'Ibn-Abi-Obeida, Soleiman-Ibn-Abi-Mohadjer et les principaux chefs des Arabes. Le reste prit la fuite; les troupes syriennes passèrent en Espagne, pendant que celles de l'Egypte et de la province d'Afrique se réfugièrent en Ifrîkïa. Quand on sut à Cairouan que Kolthoum avait perdu la vie, le peuple de cette ville se révolta; et, en même temps, Okacha-Ibn-Aïoub-elFezari souleva les habitants de Cabes. Okacha était sofrite. Il avait commandé l'avant-garde des Syriens lors de leur entrée en Ifrîkïa avec Obeid-Allah-Ibn-Habhâb. Attaqué maintenant et défait par Abd-er-Rahman-Ibn-Ocba, qui s'était aussitôt mis en marche contre lui, il prit la fuite, laissant un grand nombre de ses partisans sur le champ de bataille. Quand Hicham-Ibn-Abdel-Mélek apprit l'état dans lequel se trouvait la province, il y envoya Handala, fils de Safouan, de la tribu de Kelb.

§ XXI.

GOUVERNEMENT DE HANDALA-IBN-SAFOUAN-EL-KELBI.

En l'an 119 (737), Handala fut nommé gouverneur de l'Égypte par Hicham, et il continua à remplir cette charge jusqu'au temps où ce khalife l'envoya en Ifrikïa. Il y arriva au mois de Rebia second de l'an 124 (février-mars 742); mais à peine se fut-il installé à Cairouan, qu'Okacha le sofrite marcha contre lui avec une telle multitude de Berbères, que jamais pareil rassemblement ne s'était vu en Ifrîkïa. Ce fut après sa défaite qu'Okacha était parvenu à rassembler cette nombreuse armée dans laquelle [presque] toutes les tribus berbères se trouvèrent réunies. En même temps, un autre corps très-considérable s'avança sous les

1 Il s'agit du Sebou, la rivière qui coule près de Fez.

2 Cette bataille eut lieu en l'an 123, ou l'année suivante. Abd-el-Hakem.)

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ordres d'Abd-el-Ouahed-Ibn-Yezid, de la tribu de Hoouara, pour attaquer Handala. Ces chefs rebelles partirent tous deux à la fois. de la province du Zab; Okacha, en prenant la route de Meddjana, pour se rendre à El-Carn; et Abd-el-Ouahed, en suivant le chemin des montagnes, pour se porter à Tabînas. L'avant-garde de celui-ci était commandée par Abou-Aura-el-Atéki 2. Handala sentit la nécessité d'attaquer Okacha avant que les autres troupes eussent pu le rejoindre, et il marcha contre lui avec un corps composé du peuple de Cairouan. Les deux partis en vinrent aux mains à El-Carn; le combat fut très-opiniâtre et le carnage immense. Enfin, Okacha et les siens prirent la fuite et les Berbères furent taillés en pièces. Handala revint alors à Cairouan, craignant qu'en son absence, Abd-el-Ouahed ne vînt occuper cette ville.

On raconte qu'à l'arrivée de ce dernier à Bédja, Handala envoya contre lui quarante mille cavaliers sous le commandement d'un homme de la tribu de Lakhm. Ce corps ne cessa, pendant un mois, d'attaquer Abd-el-Ouahed dans les ravines et les terrains inégaux qui entourent la ville, mais il finit par être repoussé jusqu'à Cairouan après avoir perdu vingt mille hommes. Abdel-Ouahed à la tête de trois cent mille combattants, vint alors prendre position à El-Asnam, lieu [du canton] de Djeraoua, à trois milles de Cairouan 5. Handala, de son côté, tira des magasins de l'état toutes les armes qui s'y trouvaient, et ayant fait un appel au peuple, il donna à chaque individu une cotte-de-mailles et cinquante dinars. Ce moyen lui attira tant de volontaires qu'il diminua ensuite le don jusqu'à quarante dinars, puis jusqu'à trente, et il ne choisit plus que des hommes jeunes et robustes. Il passa tout la nuit à la lueur des flambeaux, occupé de l'arme

1 Variantes: Tabibas, Tabeniach.

Dans l'ouvrage d'Ibn-Abd-el-Hakem on lit: Abou-Corra-el-Ocaïli. 3 L'on sait que d'après la religion musulmane, tout croyant est soldat.

Abd-el-Ouahed s'empara de Tunis et s'y fit proclamer khalife; ensuite il marcha sur Cairouan. - (Ibn-Abd-el-Hakem.)

5 A une journée de Cairouan, selon Ibn-Abd-el-Hakem.

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