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plus conformes à la vérité, puisque tout le monde s'accorde à désigner ce chérif comme fils de Hachem, afin de le distinguer de tous les autres chérifs; et une telle dénomination n'aurait pas été exacte à moins qu'il ne se trouvât un Hachem ou un Abou-Hachem au nombre de ses ancêtres, et plus rapproché de lui qu'ElHacen et Hocein [les deux aïeux de tous les chérifs]. Quant à Hachem, le plus ancien de tous [et l'arrière-grand père de Mahomet], il ne peut être question de lui dans ce cas, puisque tous les chérifs sont également ses descendants, et que le nom de fils de Hachem ne pourrait alors servir à les distinguer les uns des autres.

Un membre de la tribu de Hilal, homme dont la parole me paraît digne de foi, m'a informé qu'il visita le pays habité autrefois par le chérif Chokr: « C'est, dit-il, le plateau du Nedjd qui >> avoisine l'Euphrate, et les descendants de cet émir s'y trou>> vent encore de nos jours.

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Les membres de cette tribu prétendent qu'El-Djazia, après avoir été séparée du chérif, épousa, en Ifrîkïa, un de leur chefs nommé Madi-Ibn-Mocreb, de la tribu de Doreid.

Quand El-Mostancer envoya les Hilal en Ifrîkïa, il investit leurs chefs du commandement des villes et des forteresses de ce pays, ainsi que de l'administration des provinces qu'ils allaient conquérir. Ce fut alors qu'il nomma Mounès-Ibn-Yahya-el-Mirdaci, gouverneur de Cairouan et de Bedja; Hacen-Ibn-Serhan, gouverneur de Constantine, et rendit la tribu de Zoghba maîtresse de Tripoli et de Cabes.

Ces Arabes ayant enlevé au peuple sanhadjien toutes ses villes, établirent leur autorité sur les lieux que le khalife leur avait assignés, et firent subir, sans relâche, à leurs nouveaux sujets, toute espèce de vexations et de tyrannie. En effet, cette race arabe n'a jamais eu un chef capable de la diriger et de la contenir.

Expulsés bientôt après des grandes villes, dont ils avaient poussé à bout les habitants par leur insolence et leur injustice, ces bandits allèrent s'emparer des campagnes; et là, ils ont continué, jusqu'à nos jours, à opprimer les populations, à piller les voyageurs et à tourmenter le pays par leur esprit de rapine et de brigandage.

Quand la tribu de Hilal eut vaincu les Sanhadja, une nation voisine, les Zenata, s'apprêta à lui faire une vigoureuse résistance. Ce peuple, que ses habitudes nomades avaient rendu trèsbelliqueux, se mit en marche de l'Ifrîkïa et du Maghreb central pour repousser les Arabes; et le prince de la famille Khazer qui régnait à Tlemcen, fit partir son général Abou-Soda-el-Ifreni, chargé d'une mission semblable. Abou-Soda leur livra plusieurs batailles, mais il perdit enfin la vie dans la province du Zab.

La tribu de Hilal se rendit alors maîtresse de tout le pays ouvert; les Zenata ne purent plus leur résister, ni dans l'Ifrîkïa, ni dans le Zab, et dorénavant, le Mont-Rached [le Djebel-Amour] et le pays du Mozab, dans le Maghreb central, formèrent la ligne de séparation entre les deux peuples.

Restée victorieuse, la tribu de Hilal cessa de se livrer à la guerre; et les Sanhadja purent conclure la paix avec elle, mais sous la dure condition de lui céder les campagnes [et de ne garder pour eux que les villes]. Dès-lors ils se mirent à fomenter des dissentions entre ces Arabes, et ils aidèrent les Athbedj contre les Rîah et les Zoghba.

En-Nacer-Ibn-Alennas, prince de la Calà des Beni-Hammad, réunit des troupes pour soutenir les Athbedj, et El-Moëzz-IbnZîri de la tribu de Maghraoua et souverain de Fez, vint se joindre à lui avec les Zenata. Ils prirent position à Laribus, et ensuite, ils eurent une rencontre avec les Riah et les Zoghba à Sebiba. Dans ce combat, El-Moëzz-Ibn-Ziri abandonna son allié ; cédant, à ce qu'on prétend, aux inspirations de Temim-Ibn-el-MoëzzIbn-Badîs, prince de Cairouan. Cette trahison entraîna la défaite d'Ibn-Alennas qui dut abandonner aux Arabes et aux Zenata ses trésors et son camp, après avoir perdu son frère El-Cacem dans la mêlée. Il se réfugia à Constantine, vivement poursuivi par la tribu de Hilal, et, plus tard, il atteignit la Calà des Beni-Hammad, où il se vit bientôt bloqué par l'ennemi. Les assiégeants, après avoir dévasté les jardins et coupé tous les bois qui entouraient la place, allèrent insulter les autres villes de la province. Ayant mis en ruine celles de Tobna et d'El-Mecîla, dont ils avaient chassé les habitants, ils se jetèrent sur les caravansérails,

les villages, les fermes et les villes; abattant tout à ras de terre et changeant ces lieux en une vaste solitude, après en avoir comblé les puits et coupé les arbres.

De cette manière, ils répandirent la désolation partout, et ayant forcé les Sanhadja, princes de l'Ifrikïa et du Maghreb, ainsi que leurs administrateurs dans les provinces, à s'enfermer dans les grandes villes, ils leur enlevèrent peu à peu les territoires qui leur restaient. Toujours guettant les moments favorables pour les surprendre, ils leur firent acheter par un tribut, la permission de se servir de leurs propres terres.

Fidèles à leurs habitudes destructives, les Arabes ne cessèrent de se livrer à toute espèce de brigandage, au point qu'ils forcèrent En-Nacer d'abandonner la Calà et de se transporter, avec ses trésors, à Bougie, ville qu'il avait bâtie sur le bord de la mer pour y établir sa résidence.

El-Mansour, son fils et successeur, fit aussi sa demeure à Bougie afin de se soustraire à l'oppression et aux brigandages que la race arabe exerçait dans les plaines : les montagnes de Bougie étant d'un accès fort difficile, et les chemins étant presqu'impraticables pour des chameaux, mettaient son territoire à l'abri de toute insulte.

Tant que la dynastie des Sanhadja conserva le pouvoir, elle reconnut aux Athbedj le droit d'exercer le commandement sur les autres Arabes; mais, quand elle cessa de régner, la tribu qu'elle avait ainsi favorisée perdit toute son autorité et se désorganisa.

En l'an 544 (4146-7), les Almohades subjuguèrent les royaumes de l'Afrique septentrionale, et plus tard, leur cheikh, Abdel-Moumen, entreprit une expédition en Ifrikïa. Arrivé à Alger, il reçut la visite de deux chefs de ces Arabes nomades: l'un était Abou-'l-Khalil-Ibn-Keslan, émir de la tribu d'Athbedj, et l'autre, Habbas-Ibn-Mocheifer, personnage notable de la tribu de Djochem. Il leur fit un excellent accueil, et les ayant nommés au commandement de leurs tribus respectives, il reprit sa marche et s'empara de Bougie, en l'an 559 1.

Telle est la date donnée par tous les manuscrits; elle est cependant fausse; Bougie ayant été prise par Abd-el-Moumen en 547 (1152-3).

Plus tard, les Hilaliens se révoltèrent [contre les Almohades] et embrassèrent le parti des Sanhadja. S'étant placés sous les ordres de l'émir des Riah, Mahrez-Ibn-Ziad, membre de la famille Fadegh, [branche de la tribu des Beni-Ali, fraction des Riah], ils rencontrèrent à Setif les troupes almohades qui s'avançaient contre eux sous la conduite d'Abd-Allah, [un des] fils d'Abd-el-Moumen. [Décidés à vaincre ou à mourir], ils coupèrent les jarrets de leurs montures [pour s'ôter leur seul moyen de fuite], et pendant trois jours ils se tinrent de pied ferme au milieu d'un champ de carnage. Le quatrième jour, ils reculèrent en désordre, après avoir essuyé des pertes énorLeurs troupeaux, leurs femmes et leurs chefs les plus distingués tombèrent au pouvoir des vainqueurs. Une fuite précipitée put seule soustraire les débris de l'armée arabe à une poursuite qui ne s'arrêta qu'à la plaine de Tebessa.

mes.

Cette rude leçon leur inspira des sentiments plus sages, et ils s'empressèrent de reconnaître l'autorité des Almohades et d'adopter la cause de ce peuple en partisans dévoués.

Abd-el-Moumen leur rendit alors les prisonniers qu'on leur avait faits, et depuis lors, les Arabes continuèrent à servir fidèlement la dynastie almohade. Ils lui fournirent même des troupes pour l'aider à faire la guerre sainte en Espagne. Les appels qu'Abd-el-Moumen leur adressait pour les exciter à cet acte de religion étaient quelquefois rédigés en vers.

Ils combattirent en Espagne sous Abd-el-Moumen et sous sonfils Youçof, comme on le verra dans l'histoire de la dynastie almohade, et jusqu'à l'an 584 (1485-6) ils demeurèrent fidèles à cette famille.

Yacoub-el-Mansour [fils de Youçof] venait de monter sur le trône quand les fils de Ghania, émirs de Maïorque et membres de la tribu [almoravide] des Messoufa, traversèrent la mer avec une flotte et surprirent la ville de Bougie. Levant alors le masque, ils se déclarèrent les adversaires des Almohades, et ayant fait un appel au peuple arabe, ils l'entraînèrent dans ses anciennes habitudes de révolte. Parmi les tribus hilaliennes, on vit celles de Djochem et de Riah, ainsi que tous les Athbedj, répondre à

cette invitation; mais la tribu de Zoghba se joignit aux troupes que le gouvernement almohade envoya en Ifrikia pour étouffer

l'insurrection.

Les fils de Ghanîa se rendirent à Cabes avec toute la tribu de Djochem et toute celle de Riah. Arrivés là, ils rallièrent autour d'eux les débris de leur peuple; les Messoufa, ainsi que leurs frères de la tribu de Lemtouna, accoururent de l'extrêmité du pays et proclamèrent la suprématie des Abbacides, principe que les émirs de la famille de Tachefin avaient toujours soutenu dans le Maghreb et propagé chez tous les peuples et dans tous les royaumes qui reconnaissaient leur autorité. Installés à Cabes, les fils de Ghania firent demander au khalife El-Mostancer 1, le renouvellement de l'acte qui assurait à leurs aïeux le droit de régner sur le Maghreb. Leur secrétaire Abd-el-Berr-Ibn-Ferçan, se rendit à la cour de Baghdad et obtint pour Ibn-Ghanîa, la reconnaissance de son autorité et l'autorisation de faire la guerre aux Almohades.

Ali-Ibn-Ghania, ayant réuni sous ses drapeaux toutes les branches de la tribu de Soleim-Ibn-Mansour (peuplade qui avait passé en Afrique à la suite des Hilal) et se trouvant appuyé par Caracoch l'arménien (personnage dont nous raconterons les aventures plus tard) et par un corps très-nombreux d'Almoravides, d'Arabes et de Ghozz, se rendit maitre de la campagne, et soumit Cafsa, Touzer, Nefta et les autres villes du Djerîd.

El-Mansour marcha contre lui, et partit de Maroc, traînant à sa suite les populations du Maghreb. Son armée renfermait des troupes zenatiennes et masmoudiennes, celles de la tribu de Zoghba et la grande majorité de la tribu d'El-Athbedj. Son avantgarde ayant été écrasée par Ibn-Ghanîa, dans la plaine d'Omra, aux environs de Cafsa, il sortit lui-même de Tunis pour aller à

1 Ceci est une erreur: ce fut à En-Nacer, fils d'El-Mostancer, qu'ils s'adressèrent. L'auteur lui-même le dit dans une autre partie de cet ouvrage.

2 Ibn-Khaldoun donne assez souvent aux Kurdes et aux Turcomans le nom de Ghozz. Caracoch ou plutôt Caracouch (oiseau noir) est un nom turc.

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