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décéle un sentiment peu noble; tu aurais mieux fait d'agir autrement.» A cette observation, elle répondit : « Oui, mon fils! je ferai une chose qui te plaira et dont on nous applaudira. » Alors elle envoya à la sœur d'Amer une riche pelisse, de l'argent et d'autres objets précieux, lui donnant, en même temps, tant de marques de bienveillance qu'elle dissipa toutes ses craintes.

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REGNE D'ABOU-EICAL-EL-AGHLEB, FILS D'IBRAHÎN➡IBN –
EL-AGHLEB.

A la mort de Ziadet-Allah, dit notre historien, l'autorité passa à son frère Abou-Eical, surnommé Khazer. Lors de l'avènement de Ziadet-Allah, il avait ressenti de vives inquiétudes, attendu qu'il était le frère germain d'Abd-Allah-lbn-el-Aghleb [dont Ziadet-Allah avait eu à se plaindre] et il craignait qu'à cause de son frère, le nouveau souverain ne s'en prît à lui-même. Ayant donc obtenu la permission de faire le pèlerinage, il emmena avec lui les deux fils de son frère Abd-Allah, Mohammed et Ibrahim. Après avoir accompli ce devoir religieux, il se fixa en Egypte et, au bout de quelque temps, il reçut de Ziadet-Allah une lettre dans laquelle ce prince demandait son amitié. Ceci le décida à rentrer en Ifrikïa où son frère le reçut non-seulement avec honneur et bienveillance, mais encore lui confia l'administration de l'empire. La mort de Ziadet-Allah survint, et toute l'autorité passa entre les mains d'Abou-Eical. Aucune guerre n'eut lieu pendant son règne. Il traita les milices avec bonté et dissipa toutes leurs appréhensions; il abolit les taxes nouvelles ' imaginées par les administrateurs des provinces, auxquels il assigna un salaire convenable ainsi que de fortes gratifications; les empêchant ainsi de porter la main sur le bien d'autrui et d'agir comme ils avaient coutume de le faire précédemment. 11 proscrivit aussi l'usage du vin (nebid) à Cairouan. Ce prince mourut

• Le mot Ahdath signifie innovations; il s'emploie pour désigner les impôts qui ne sont pas autorisés par la loi. (Voyez ma traduction d'Ibn-Khallikan, tom. I, page 539, note 2.)

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le jeudi, 22 du mois de Rebia second de l'an 226 (février 844), après un règne de deux ans, neuf mois et neuf jours. Il ressemblait à son aïeul El-Aghleb moralement et physiquement.

§ XLII.

REGNE D'ABOU-'L-ABBAS-MOHAMMED, FILS D'EL-AGHLEB,
FILS D'IBRAHIM, FILS D'EL-AGHLEB.

L'historien dit: A la mort d'Abou-Eical-el-Aghleb, son fils Mohammed lui succéda, et, bien qu'il fût le plus incapable des hommes, il remporta toujours la victoire sur quiconque osait lui résister. Il confia plusieurs charges importantes à son frère [Abou-Djâfer-Ahmed] qui exerçait sur lui une grande influence, et il laissa la direction des affaires publiques et les fonctions de vizir à Abou-Abd-Allah et à Abou-Homeid, tous les deux fils d'Ali-Ibn-Homeid. Cette préférence blessa son frère AbouDjâfer et l'indisposa ainsi que les amis de ce prince; ils virent d'un œil jaloux la faveur dont jouissaient ces hommes, et Nasr-IbnHamza-el-Djeraoui, l'ami intime d'Abou-Djâfer [le poussa à des mesures violentes]. Aussi, pendant que l'émir Mohammed ne se doutait de rien, occupé, comme il l'était, d'amusements frivoles et plongé dans les plaisirs, son frère trama un complot contre lui et corrompit plusieurs de ses clients. Lorsque Ahmed eut gagné assez de partisans pour l'exécution de son projet, il monta à cheval à l'heure de la plus grande chaleur du jour, et s'élançant vers le palais dont la porte se trouvait alors dégarnie de monde, il y pénétra et tua Abou-Abd-Allah, fils d'Ali-Ibn-Homeid. L'alarme fut donnée, et Mohammed ayant appris ce qui se passait, alla se réfugier dans le kiosque construit par son oncle Zîadet-Allah. Pendant que les gardes du palais soutenaient un combat contre les partisans de son frère, ceux-ci leur adressèrent ces paroles: « Pourquoi vous battre contre nous qui sommes aussi les serviteurs fidèles de Mohammed? Nous n'en voulons qu'aux fils d'Ibn-Homeid; à des misérables qui vous écrasent sous un joug de fer et qui se sont appropriés les richesses

que votre maître vous destinait. Pour nous, nous lui sommes entièrement dévoués et nous n'avons jamais cessé de l'être. » Ces paroles mirent fin au combat, et Mohammed, se voyant pris au dépourvu et sans moyens de défense, passa dans la salle d'audience, se plaça sur le trône et ordonna que le public fût admis ainsi qu'Ahmed et ses partisans. Quand les conspirateurs furent introduits, il adressa de vifs reproches à son frère, qui lui répondit en ces termes : « Les fils d'Ali-Ibn-Homeid ont comploté contre la sûreté de l'état et ont voulu renverser votre trône; nous nous sommes donc levés pour vous venger et protéger vos jours. » La position dans laquelle Mohammed se trouvait l'obligea à user de ménagements et à fermer les yeux sur ce qui venait de se passer; aussi consentit-il à sacrifier Abou-Homeid. Les deux frères se jurèrent alors de ne jamais rien tenter l'un contre l'autre, et Mohammed fit amener Abou-Homeid qui s'était réfugié dans le palais, pendant qu'on assassinait son frère AbdAllah, et le remit à Ahmed sous la condition qu'il n'attenterait pas à la vie du prisonnier et qu'il ne lui ferait subir aucun mauvais traitement. Cet arrangement fait, Ahmed rentra chez lui, et, profitant de l'influence qu'il s'était acquise, il prit tous les bureaux du gouvernement sous sa direction et devint l'arbitre de l'empire. Ayant remplacé tous les chambellans par d'autres qu'il choisit lui-même, et confié la garde du palais à cinq cents de ses propres esclaves et clients, il dépouilla son frère de toute autorité et ne lui laissa de la souveraineté que le nom. Par son ordre on mit Abou-Homeid à la torture pour lui arracher son argent, et on le livra ensuite à Abou-Nasr, affranchi d'Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb. Cet homme fut chargé ostentiblement de conduire le prisonnier à Tripoli et de le faire passer de là en Egypte, mais il avait reçu secrètement l'ordre de le mettre à mort avant d'arriver à Calchana. Abou-Nasr s'y conforma en faisant étrangler ce malheureux, et ayant ensuite placé le corps dans une litière, il le transporta ainsi jusqu'à Calchana. Arrivé dans cette ville, il fit venir des témoins pour certifier que le cadavre n'offrait aucune trace de violence. ou de blessure. En même temps il déclara que son prisionnier était mort d'une chute de cheval.

Plus loin, notre historien dit: Ahmed concentra en lui-même toute l'autorité, et choisit Nasr-Ibn-Hamza-el-Djeraoui pour vizir. Cette nomination déplut à Dawoud-Ibn-Hamza-er-Raderi, qui se croyait en droit de prétendre à ce poste, parce qu'il avait été le chef et le directeur de la conspiration. Cédant au désir de se venger, Dawoud se mit à comploter contre Ahmed, et entama une correspondance avec Mohammed qui, depuis quelque temps, avait renoncé aux plaisirs pour tramer la perte de son frère. Salem, fils de Ghalboun et gouverneur du Zab, tenait d'Ahmed sa nomination, mais au moment où il l'eut vu s'emparer du pouvoir, il cessa de reconnaître son autorité. Ce fut dans ces cironstances que Mohammed mit son projet en exécution. Il avait sondé les principaux membres de sa famille, les chefs de la milice et jusqu'à ses propres esclaves; leur promettant de fortes récompenses s'ils voulaient l'appuyer, et les encourageant de l'espoir d'un succès assuré. Au nombre de ses partisans, celui qui montra le plus d'habileté et qui organisa tout le complot, fut Ahmed-IbnSofyan-Ibn-Souada; mais malgré ses précautions, le bruit parvint à Ahmed que son frère Mohammed travaillait à le perdre. Il n'en voulut cependant rien croire, se flattant que sa prévoyance le mettait à l'abri de tout danger. [De son côté Mohammed se conduisit avec beaucoup d'adresse ;] quand un messager lui venait de la part d'Ahmed, il se faisait apporter une grande coupe remplie de vin, avant d'admettre l'envoyé qui, en le trouvant ainsi la coupe à la main, se figurait que le prince ne s'occupait qu'à boire; mais aussitôt que cet homme s'en allait, Mohammed renvoyait le vin sans y toucher. Au jour fixé pour l'exécution du projet, Mohammed appela Ahmed-Ibn-Sofyan auprès de lui, pendant que plusieurs de ses esclaves et affranchis pénétraient déguisés dans la forteresse, tous portant sur la tête des cruches d'eau. Vers le soir, trois cents hommes se trouvèrent réunis, et Ibn-Sofyan les conduisit chez lui pour leur distribuer de l'argent et des armes. Dans ce moment on vint encore prévenir Ahmed qu'on en voulait à ses jours et que son frère complotait contre lui, mais il entra en colère et maltraita le messager. Il avait pris les anciennes habitudes de son frère, et ne s'occupait qu'à

boire du vin. Parmi les partisans de Mohammed, un certain nombre se tenait prêt a s'emparer du château d'eau (Casr-elMa) et de l'hôtel du gouvernement, aussitôt qu'ils entendraient battre les tambours et verraient briller un flambeau du haut du kiosque. Ce jour-là, Ahmed resta au bain plus long temps que d'ordinaire; vers l'après-midi, Othmân-Ibn-er-Rebiâ vint l'y trouver et lui apprit que son frère devait l'attaquer cette nuit et qu'il tenait des hommes dans le château d'eau, tous prêts à le seconder. Ahmed considéra cette nouvelle comme fausse; néanmoins il envoya une troupe de cavalerie pour reconnaître cet endroit, mais personne n'y avait paru, parce que le coup ne devait se frapper qu'au coucher du soleil. Cette circonstance contribua à le confirmer dans son incrédulité et à le rendre parfaitement indifférent à tous les bruits alarmants qui lui arrivaient. Quand approcha l'heure de la prière du soir, Mohammed envoya un de ses esclaves auprès des soldats auxquels son frère avait confié la garde de sa porte, pour leur dire que son maître avait l'intention de leur donner un témoignage honorable de sa bienveillance, et que d'abord, il allait leur faire apporter à boire et à manger. Ils se rassemblèrent autour du festin, et quand le prince jugea que le vin avait commencé à opérer, il leur envoya de nouveau son esclave demander leurs épées afin d'y attacher de riches ornements. Tous s'empressèrent de livrer leurs armes. Au coucher du soleil, on ferma les portes du palais, et une troupe d'hommes commandés par Amer-Ibn-Amroun-el-Corechi se précipita sur les soldats et les passa tous au fil de l'épée. On fit alors battre le tambour; le flambeau brilla sur le kiosque; les amis de Mohammed accoururent de tous côtés, et Ahmed-IbnSofyan commença à massacrer les personnes qu'il croyait être partisans d'Ahmed. Pendant toute la nuit, les deux partis continuèrent à se battre, mais l'arrivée d'une foule d'habitants de Cairouan qu'Ahmed-Ibn-Sofyan avait appelés à son secours, dé-cida la défaite des troupes de l'usurpateur. Les fuyards, vivement poursuivis, succombèrent sous les coups de leurs adversaires, et Ahmed [l'aghlebide] se hata de gagner son palais où il retenait prisonnier un frère d'Ahmed-Ibn-Sofyan, appelé Khafadja.

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