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administration, qui dura deux ans et quelques mois, il reçut une lettre de Soleiman-Ibn-Abd-el-Mélek, qui lui intimait l'ordre de faire arrêter la famille et tous les dépendants de Mouça-Ibn-Noceir, et de les garder jusqu'à ce qu'ils eussent acquitté l'amende imposée à Mouça, amende dont le reliquat s'élevait à trois cent mille dinars. « Pour leur arracher cette somme, lui écrivit-il, tu ne dois pas même épargner les tortures. » D'après cette injonction, Mohammed-Ibn-Yezîd fit arrêter et emprisonner AbdAllah, gouverneur de Cairouan; et un peu plus tard, il reçut par un courrier l'ordre de lui faire trancher la tête 2.

Quant à Abd-el-Azîz, l'autre fils que Mouça avait laissé en Espagne comme gouverneur, il soumit le pays, en fortifia la frontière et prit plusieurs villes dont son père ne s'était pas rendu maître. Ce fut un homme de bien et de talent. Il épousa la veuve 3 du roi Roderic, et la traita avec tant d'égards, qu'elle parvint à exercer une haute influence sur son esprit. Elle chercha même à l'amener jusqu'à exiger de ses compagnons qu'ils se prosternassent en se présentant devant lui, selon ce qui se pratiquait envers son premier mari. Bien qu'il lui fit observer qu'une telle cérémonie n'était pas dans les mœurs des Arabes, elle insista avec tant de persévérance qu'il fit pratiquer une porte basse dans la salle où il donnait audienee, de sorte que ceux qui entraient furent obligés d'incliner la tête. Elle lui dit : « Tu es maintenant au nombre des rois ; il ne me reste plus qu'à faire pour toi

1 Ibn-Abd-el-Hakem nous apprend qu'on emprisouna Mouça et qu'on lui imposa une amende de cent mille dinars; mais, grâce à l'intercession de Yezîd-Ibn-el-Mohelleb, il obtint sa liberté et la remise de l'amende. En l'an 97, le khalife Soleiman-Ibn-Abd-el-Mélek fit le pèlerinage, emmenant Mouça avec lui, et celui-ci mourut à El-Merbed, sur la route de Médine, ou à Médine même, selon d'autres historiens.

• Abd-Allah, fils de Mouça-Ibn-Noceir, vivait encore en l'an 102, époque à laquelle Yezid, fils d'Abou-Moslem, fut assassiné. Comme on soupçonna Abd-Allah d'avoir tramé le complot dont Yezid fut la victime, Bichr-Ibn-Safɔuan, gouverneur de l'Egypte, en informa le khalife. Ce prince donna l'ordre de lui ôter la vie, et Bichr, après quelque hésitation, lui fit trancher la tête. Bichr se montra le persécuteur le plus acharné des amis et parents de Mouça-Ibn-Noceir.

3 La sœur, selon Ibn-Abd-el-Hakem.

soup

une couronne avec l'or et les perles que je possède. » Malgré la répugnance manifestée par Abd-el-Azîz, elle réussit à lui faire porter la couronne. Les musulmans commencèrent alors à çonner les intentions de leur chef; ils disaient ouvertement qu'il s'était fait chrétien, et pénétrant enfin le but qu'il avait en faisant pratiquer la porte basse, ils se jetèrent sur lui et le tuèrent, vers la fin de l'an 97 (août, 716 de J.-C.). Ceci se passa dans les derniers temps du khalife Soleiman-Ibn-Abd-el-Mélek. Pendant toute l'année suivante, ils demeurèrent sans imam pour présider à la prière de vendredi .- L'historien El-Ouakedi nous a transmis la tradition suivante : Quand Abd-el-Azîz eut appris les malheurs qui avaient frappé son père, son frère et les gens de sa maison, il renonça à l'obéissance et leva l'étendard de la révolte. Soleiman lui dépêcha un envoyé pour le ramener dans la droite voie, et comme cette démarche n'eut aucun succès, il écrivit secrètement à Habib-Ibn-Abi-Obeida, petit-fils d'Ocba-Ibn-Nafê, ainsi qu'aux principaux Arabes, l'ordre de le faire périr. Abd-elAzîz étant sorti quelque temps après, pour présider à la prière, récita la fateha [ou première sourate du Coran], et pendant qu'il lisait la hacca [le coup inévitable du même livre] Habib lui dit : « Ce coup est arrivé pour toi, fils d'une prostituée ! » et au même instant, il lui abattit la tête avec son épée. Cette tête, ainsi que celle d'Abd-Allah furent apportées à Mouça leur père, et déposées devant lui. Mouça fut alors mis à la torture jusqu'à ce qu'il mourut3.

En l'absence du khalife, son lieutenant présidait à la prière du vendredi, Ce devoir fut donc une attribution spéciale des gouverneurs des provinces, à moins que le cadi ne fût chargé de la remplir; mais cela n'était qu'un cas exceptionnel.

• Ibn-Abd-el-Hakem dit : « On porta à Soleiman la tête d'Abd-elAzîz, fils de Mouça, et on la déposa à ses pieds. Le khalife se tourna vers Mouça-Ibn-Noceir, qui s'y trouvait en ce moment, et lui dit : << Connais-tu celui-là? » — « Oui, répondit Mouça, je l'ai connu pour un homme qui jeûnait et priait; puisse-t-il encourir la malédiction de Dieu, si celui qui l'a tué vaut mieux que lui. » Abd-el-Azîz fut exécuté en l'an 97. »

* Ce renseignement est faux; les meilleures autorités, tels qu'Ibn

Le gouvernement de l'Espagne fut alors réuni de nouveau à celui de l'Ifrîkïa, et Mohammed-Ibn-Yezîd nomma pour lieutenant dans ce premier pays, El-Horr-Ibn-Abd-er-Rahman, de la tribu de Caïs. Mohammed continua à gouverner l'Ifrîkïa jusqu'à la mort de Soleiman et l'avénement d'Omar-Ibn-Abd-el-Azîz. Il fut déposé par ce nouveau khalife, et remplacé par Ismail-IbnAbd-Allah.

§ XIV.

GOUVERNEMENT D'ISMAIL, FILS D'ABD-ALLAH', FILS D'ABOU-'L-MOHADJER, CLIENT DE LA TRIBU DE MAKHZOUM.

L'historien dit Omar-Ibn-Abd-el-Azîz étant devenu khalife, nomma Ismail gouverneur de l'Ifrîkïa 2. Get officier remplit parfaitement les devoirs de sa place et imposa la foi musulmane aux Berbères qui n'avaient pas encore embrassé cette religion. Aussi l'islamisme prévalut dans tout le Maghreb. Ismail gouvernait encore l'Ifrîkia en l'an 104, époque à laquelle il fut destitué par Yezid-Ibn-Abd-el-Mélek, successeur d'Omar-Ibn-Abd-elAzîz. Il fut remplacé par Yezîd-Ibn-Abi-Moslem.

§ XVI.

GOUVERNEMENT DE YEZÎD, FILS D'ABOU-MOSLEM, CLIENT
D'EL-HADDJADJ.

Yezîd arriva en Ifrîkia l'an 102 (720-721 de J.-C.). Il voulait imiter en ce pays la conduite qu'El-Haddjadj avait tenue envers les musulmans du Souad (la Babylonie) qui descendaient d'ancêtres tributaires : El-Haddjadj envoyait dans leurs villages pour les obliger à payer la capitation comme ils le faisaient avant leur conversion à l'islamisme. Yezid avait pris la résolution de suivre le même système dans l'Ifrîkïa, mais les habi

Abd-el-Hakem et l'auteur du Baïan, s'accordent à dire que la bonne intelligence se rétablit entre le khalife et Mouça et que celui-ci mourut de sa mort naturelle.

En l'an 101, dit Ibn-Abd-el-Hakem, Ismail, fils d'Obeid-Allah, fut nommé gouverneur de l'Ifrîkïa.

2 Sa nomination eut lieu en l'an 100. — (Baian.)

tants, d'un commun accord, lui ôtèrent la vie et se mirent de nouveau sous les ordres de leur ancien gouverneur, Mohammed

Ibn-Yezid.

§ XVI.

MOHAMMED-IBN-YEZÎD, GOUVERNEUR POUR LA SECONDE

FOIS.

Ils écrivirent alors au khalife Yezîd-Ibn-Abd-el-Melek pour lui déclarer qu'ils n'avaient pas renoncé à leur fidélité, mais que Yezid-Ibn-Abi-Moslem les avait traités d'une manière outrageante devant Dieu et les musulmans, et qu'ils venaient de se remettre sous l'autorité de leur ancien gouverneur. Le khalife leur fit une réponse par laquelle il désapprouva la conduite d'Ibn-Abi-Moslem et confirma le choix qu'ils avaient fait de Mohammed-Ibn-Yezid 2.

§ XVII.

GOUVERNEMENT DE BICHR-IBN-SAFOUAN-EL-KELBI.

Dans la suite, Bichr, fils de Safouan, de la tribu de Kelb, fut chargé du gouvernement de l'Ifrîkïa. Arrivé en ce pays l'an 103 (721-722 de J.-C.), il destitua El-Horr-Ibn-Abd-er-Rahman, gouverneur de l'Espagne, et le remplaça par Anbeça-el-Kelbi. Ensuite il fit une expédition en Sicile, d'où il revint avec un

1 En 101, selon Ibn-Abd-el-Hakem. Il paraît, d'après les traditions recueillies par cet auteur, que Yezid s'était formé une garde berbère composée dés néophites que Mouça-Ibn-Noceir avait pris sous son patronage. Voulant leur donner une marque distinctive, il imagina de faire tatouer des inscriptions sur les mains de ces hommes; la main droite devait porter le nom de l'individu, et, la main gauche, les mots : garde de Yezid, « car tel, disait-il, est l'usage des Grecs.» Les soldats furent tellement mécontents qu'ils l'assassinèrent dans son oratoire.

Le peuple voulait prendre pour chef El-Mogheira-Ibn-Abi-Borda le coreichite; mais celui-ci, craignant la colère du khalife, s'y refusa. L'on choisit alors Mohammed-Ibn-Aus-el-Ansari, qui prit le commandement après avoir écrit au khalife Yezîd pour l'instruire de ce qui venait de se passer. Le khalife agréa sa justification, et, en l'an 102, il donna le gouvernement de l'Ifrîkïa à Bichr Ibu-Safouan.

riche butin. Sa mort eut lieu à Cairouan, l'an 109 (727-728 de J.-C.), pendant le khalifat de Hicham-Ibn-Abd-el-Mélek, qui le remplaça par Obeida, fils d'Abd-er-Rahman, de la tribu de Soleim.

§ XVIII.

GOUVERNEMENT D'OBEIDA-IBN-ABD-ER-RAHMAN-ES

SOLÉMI.

Obeida-Ibn-Abd-er-Rahman était le fils du frère d'Abou-'lAouar, officier qui avait commandé la cavalerie de Moaouïa *. En arrivant 3, il fit emprisonner les amels de Bichr, et leur arracha de l'argent par toutes sortes de mauvais traitements et de tortures. L'un d'entre eux, Abou-'l-Khattab-Ibn-Safouan-esSolémi3, membre de la tribu de Kelb et chef d'un rang élevé, composa à ce sujet les vers suivants, qu'il envoya au khalife Hicham ;

Les enfants de Merouan [les Oméïades] nous ont lésés dans nos personnes et nos biens; mais la justice de Dieu est là, s'ils n'agissent pas avec équité.

On dirait vraiment, qu'ils ne m'ont jamais vu au combat, et qu'ils n'ont jamais connu un homme de mérite!

C'est cependant vous que nous avons protégés contre les lances hostiles en leur présentant nos poitrines, dans ce temps où vous ne possédiez d'autres guerriers que les nôtres.

Parvenu depuis au but de vos souhaits et à la jouissance des délices de la vie,

Vous tâchez de nous oublier, comme si vous n'aviez jamais

↑ Bichr entreprit une expédition maritime et perdit la plupart de ses troupes dans une tempête. (Ibn-Abd-el-Hakem.)

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2 Ce fut en l'an 36, à la bataille de Siffin, qu'Abou-'l-Aouar commanda la cavalerie de Moaouïa qui faisait alors la guerre au khalife Ali. 3 Il arriva en Ifrîkïa l'an 140.- (Baïan.)

On désigna par le mot amel (agent) les gouverneurs des villes, districts et cantons, et les collecteurs du revenu.

Selon l'auteur du Baian, ce fonctionnaire se nommait Abou-'lKhattar-el-Hoçam-Ibn-el-Dirar.

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