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Arta et de Choreik-Ibn-Somaï-el-Moradi, et il s'arrêta à Maghmedas (?) [lieu dans les dépendances] de Sort. En l'an 26, Bosr s'était déjà rendu de Sort à cet endroit. Quand Ocba y fut arrivé, l'hiver survint, et comme il était d'une santé faible, il s'y arrêta. Ce fut alors qu'il apprit que les gens de Oueddan venaient de rompre le traité qu'ils avaient fait précédemment, et qu'ils refusaient de remplir les conditions que Bosr leur avait imposées lors du siége de Tripoli, quand Amr-Ibn-el-Aci l'envoya dans ce pays. Ocba-Ibn-Nafè quitta aussitôt son armée, dont il donna le commandement à Omar-Ibn-Ali-el-Coréchi et à Zoheir-Ibn-Caïsel-Beloui; puis, ayant pris quatre cents cavaliers, quatre cents chameaux et une provision de huit cents outres d'eau, il se mit en marche. Arrivé à Oueddan il le soumit et coupa l'oreille au roi du pays. « Pourquoi me traiter ainsi, lui dit le prince, toi qui as déjà fait la paix avec moi? « C'est un avertissement que je te donne, lui dit Ocba, et toutes les fois que tu porteras la main vers ton oreille, tu te le rappelleras, et tu ne songeras point à faire la guerre aux Arabes. » Ensuite il exigea d'eux le tribut de trois cent soixante esclaves que Bosr leur avait imposé. Désirant savoir s'il existait quelque contrée au-delà de Oueddan, on lui nomma la ville de Djerma, capitale du grand Fezzan. Parti de Oueddan, il arriva, après une marche de huit nuits, dans le voisinage de Djerma, dont il fit inviter les habitants à embrasser l'islamisme. Ils y consentirent, et il fit halte à la distance de six milles de la ville. Quand leur roi sortit pour se rendre auprès d'Ocba, des cavaliers, apostés par celui-ci, se jetèrent entre lui et son cortége, le forcèrent de mettre pied à terre et le conduisirent en la présence de leur chef. Comme il était d'une constitution délicate, il y arriva épuisé de fatigue et crachant le sang. <«< Pourquoi me traiter ainsi? dit-il à Ocba, ne me suis-je pas empressé de me rendre auprès de toi. » — « C'est une leçon que je veux te donner, lui répondit Ocba, toutes les fois que tu te la rappelleras, tu perdras l'envie de faire la guerre aux Arabes. » Ensuite il imposa sur les habitants un tribut de trois cent soixante esclaves. Ce même jour, Ocba fit partir cet homme [le roi] pour l'Orient, et sans perdre un instant, il prit la route des

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bourgades du Fezzan, et les emporta l'une après l'autre. Parvenu à la dernière de ces places fortes, il s'enquit des habitants s'il existait un autre peuple au-delà d'eux. Ils lui indiquèrent le peuple de Haouar, grande forteresse située sur la lisière du Désert, au sommet d'une montagne escarpée, et capitale du pays de Kouar. Après une marche de quinze nuits, il arriva sous les murailles de cette place, dont il entreprit le siége. Au bout d'un mois il renonça à son entreprise, et se dirigeant vers les autres châteaux de Kouar, il les emporta successivement. Arrivé au dernier, il y trouva le roi et lui fit couper un doigt. « Pourquoi me traiter ainsi? s'écria le prisonnier. te donner une leçon; toutes les fois que tu jetteras les yeux sur ta main, tu ne seras pas tenté de faire la guerre aux Arabes. »` Il leur imposa alors une contribution de trois cent soixante esclaves, et leur demanda s'il se trouvait quelque peuple au-delà de leur pays. Ils répondirent qu'il n'y avait chez eux ni guides pour les y conduire ni aucune indication pour les y diriger. Il prit alors le parti de rebrousser chemin, et, sans s'arrêter à la forteresse de Haouar, il continua sa route pendant trois jours. Les habitants, persuadés qu'ils n'avaient plus rien à craindre, ouvrirent les portes de leur ville. Ocba étant venu camper à l'endroit qui s'appelle aujourd'hui Ma-el-Férès (l'eau du cheval), ne put y trouver de l'eau, et ses troupes, accablées par la soif, s'attendaient à la mort. Dans cette extrêmité, il fit une prière de deux recas 1 et invoqua le secours de Dieu. Pendant ce temps, son cheval avait creusé un trou avec les pieds de devant et mis à découvert une roche, d'où il sortit de l'eau. Ocba, voyant l'animal qui suçait ce filet d'eau, cria à ses soldats de creuser la terre; on obéit, et soixante-dix excavations leur fournirent de quoi étancher leur soif et faire provision pour leur route. C'est pour cette raison qu'on nomma ce lieu Ma-el-Férès. De là, Ocba revint sur ses pas par une autre route que celle qu'il avait suivie d'abord, et, arrivant à l'improviste devant la forteresse de Haouar, il profita

Le reka se compose d'un certain nombre d'invocations et de proslernements, et la prière se compose de plusieurs reka.

de l'obscurité pour y pénétrer. Les habitants s'étaient retirés dans leurs souterrains pour dormir, pensant qu'ils n'avaient plus aucun danger à appréhender. Ocba égorgea tous les hommes en état de combattre, et s'étant emparé des enfants et des richesses renfermées dans la ville, il rebroussa chemin.

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Arrivé à l'endroit où la ville de Zouîla s'élève aujourd'hui, il se dirigea, de là, vers le principal corps de son armée, après une absence de cinq mois. En arrivant, il en trouva les chevaux et les bêtes de somme parfaitement reposés, et il se mit en marche pour le Maghreb. Evitant la grande route, il traversa le territoire occupé par la tribu de Mezata. Ayant emporté tous les châteaux qui s'y trouvaient, il se tourna vers........... dont il prit toutes les forteresses, et, de là, il expédia un corps de cavalerie à Ghadams. Quand ce détachement rejoignit le corps de l'armée, après s'être emparé de Ghadams, Ocba marcha sur Cassa, qu'il prit ainsi que Castilia; puis, il se dirigea vers Cairouan. Cette ville, fondée par son prédécesseur, Moaouïa-Ibn-Hodeidj, lui plut nullement, et remontant à cheval, il conduisit tout son monde à l'endroit que la ville actuelle du même nom devait occuper. C'était une grande vallée, remplie d'arbustes et de plantes rampantes, qui servait de repaire aux bêtes féroces et aux hibous. Arrivé là, il cria à haute voix : « Habitants de cette vallée ! éloignez-vous, et que Dieu vous fasse miséricorde ! Nous allons nous fixer ici. » Il fit cette proclamation trois jours de suite, et toutes les bêtes sauvages et tous les hiboux évacuèrent la place. Il ordonna alors de déblayer le terrain et de le partager en lots; puis, y ayant transporté le peuple, il abandonna la ville bâtie par Ibn-Hodeidj. Alors, plantant sa lance en terre, il s'écria : « Voici votre cairouan (station de caravan). »

El-Leith-Ibn-Sâd raconte le même événement de la manière suivante: «< Ocba-Ibn-Nafè fit une expédition en Ifrîkïa, et étant arrivé avec ses compagnons à la vallée de Cairouan, il y passa la nuit. Le lendemain, il se plaça à la tête de la vallée et prononça ces paroles : «< Habitants de cette vallée! éloignez-vous! Nous

1 Dans les manuscrits, le nom de ce lieu est omis.

allons nous fixer ici. » Après qu'il eut fait cette proclamation trois fois, les serpents, scorpions et d'autres bêtes de différentes espèces inconnues, commencèrent à s'en éloigner sous les yeux des spectateurs qui se tenaient là depuis le matin jusqu'au moment où l'ardeur du soleil commençait à les incommoder. Alors, n'en voyant plus aucune, ils s'établirent dans la vallée. Pendant les quarante années suivantes, on n'aurait pu trouver ni serpent, ni scorpion en Ifrîkïa, quand même on aurait offert mille dinars pour s'en procurer un seul 1.

Il est fâcheux pour la réputation du fameux traditionniste El-LeithIbn-Sâd que l'histoire des serpents de Cairouan et celle des centaines de millions emportées par les Arabes lors de la première invasion, soient venues de lui.

FIN DE L'EXTRAIT.

II.

CONQUÊTE DE L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE PAR LES MUSULMANS ET HISTOIRE DE CE PAYS SOUS LES ÉMIRS ARABES.

AVANT-PROPOS.

Les chapitres suivants sont tirés du grand ouvrage encyclopédique d'En-Noweiri, auteur égyptien qui écrivit dans le quatorzième siècle de notre ère. Comme le récit de cet historien est beaucoup plus détaillé que celui dans lequel Ibn-Khaldoun nous offre une esquisse des mêmes événements et qui a été publiée par M. Noël Des Vergers, sous le titre d'Histoire de l'Afrique sous la dynastie des Aghlabites etc., Paris, 1841, je me suis décidé à le reproduire ici en forme d'appendice à l'Histoire des Berbères. En-Noweri a eu d'excellents matériaux à sa disposition (voyez Lettre à M. Hase dans le Journal Asiatique de septembre 1844), et il en a formé une narration suivie dont on ne saurait méconnaître le mérite, malgré certains défauts et erreurs qu'un peu de réflexion l'aurait empêché de commettre. Dans le premier chapitre surtout, il a inséré un récit fait par un soi-disant témoin oculaire de la conquête et qui n'est en réalité qu'un roman, ainsi que je crois l'avoir démontré dans la lettre à M. Hase; par respect pour la vérité de l'histoire j'aurai dû le supprimer, mais, voyant qu'Ibn-Khaldoun avait admis comme vrais les faits qui s'y trouvent racontés, j'ai cru devoir le conserver. Cette traduction a été faite sur les manuscrits de la Bibliothèque nationale, nos 702, 702 A et 638. (Voyez le Journal asiatique de février 1841.)

Dans la Biographie universelle, tome xxxi, page 445, se trouve une notice d'En-Noweiri par M. de Sacy.

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