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mane, et s'enfuit à Barca pour y attendre l'arrivée des renforts qu'il espérait obtenir du khalife. Tous les peuples du Maghreb, tant Francs que Berbères, se joignirent alors aux bandes Koceila et marchèrent sur Cairouan. A leur approche, les Arabes évacuèrent la ville pour se rendre auprès de Zoheir, mais ceux qui avaient des enfants ou des bagages se trouvèrent dans la nécessité d'y rester. Koceila leur accorda sa protection et fit son entrée à Cairouan où il continua, pendant cinq ans, à gouverner l'Ifrîkïa et les Arabes qui étaient restés dans le pays. Sur ces entrefaites eurent lieu la mort du khalife Yezîd-Ibn-Moaouïa, la bataille de Merdj-Rahet entre les Oméïades et Ed-Dahhak-IbnCaïs, et les troubles suscités par la famille d'Ez-Zobeir. L'autorité du khalifat en fut sensiblement ébranlée; aussi le feu de la guerre se propagea dans le Maghreb.et l'apostasie fut générale parmi les Zenata et les tribus descendues de Bernès. L'avènement d'Abd-el-Mélek, fils de Merouan, mit un terme aux insurrections dont l'Orient avait été le théâtre, et Zoheir-Ibn-Caïs, qui était toujours à Barca, reçut enfin l'ordre d'attaquer les Berbères et de venger la mort d'Ocba.

1

En l'an 67 (686-7) il reçut des renforts du khalife et se mit en. marche avec une armée de plusieurs milliers d'Arabes. Les Berbères, sous les ordres de Koceila, lui livrèrent bataille à Mems, dans la province de Cairouan. Des deux côtés l'on soutint le combat avec un égal acharnement, mais enfin la mort de Koceila et d'une foule de Berbères décida le reste des insurgés à prendre la fuite. Les Arabes les poursuivirent jusqu'à Mermadjenna et de

1 En l'an 64 de l'hégire (683), après la mort de Moaouïa-Ibn-Yezîd, troisième khalife oméïade, les partisans de cette dynastie et les Arabes yémenites reconnurent pour khalife Merouan-lbn-el-Hakem, mais les Arabes caïcides et leur chef Ed-Dahhak-Ibn-Caïs proclamèrent le khalifat d'Abd-Allah-Ibn-ez-Zobeir. Les deux partis en vinrent aux mains à Merdj-Rahet, près de Damas, et, à la suite d'une bataille sanglante qui coûta la vie à Ed- Dalhak, les débris de l'armée caïcide prirent la fuite. Cette victoire rendit Merouan maître de la Syrie.

2 M. Quatremère a publié dans le Journal asiatique une notice trèsremarquable sur Abd-Allah-Ibn-ez-Zobeir.

là au Molouïa, domptant partout l'audace des indigènes et les forçant à s'enfermer dans leurs châteaux et leurs forteresses. Les Auréba, dont cette campagne avait brisé la puissance, allèrent tous se fixer dans le Maghreb-el-Acsa, et [pendant quelque temps] ils ne firent plus parler d'eux. Arrivés dans ce pays, ils occupèrent Oulili, ville qui s'élevait sur le flanc du Mont-Zerhoun, et ils continuèrent à y faire leur séjour. La montagne que nous venons de nommer est située entre Fez et Miknaça [Mequinez]. D'autres expéditions partirent successivement de Cairouan et réussirent enfin à soumettre tout le pays.

En l'an 145 (762-3), Mohammed, fils d'Abd-Allah, fils de Hacen, fils d'El-Hacen [petit-fils de Mahomet], perdit la vie à Médine après avoir pris les armes contre [le khalife abbacide] ElMansour; ensuite, en l'an 169 (785-6), sous le règne d'El-Hadi, un cousin du précédent, le nommé Hocein, fils d'Ali, fils de Hacen III, fils de Hacen II, fils d'El-Hacen, petit-fils de Mahomet, se révolta aussi et trouva la mort à Fakh, endroit situé à trois milles de la Mecque. Un grand nombre de ses parents périrent avec lui, mais son oncle Idris, fils d'Abd-Allah, parvint à gagner le Maghreb et à se mettre, en l'an 172 (788-9), sous la protection d'Abou-Leila-Ishac-Ibn-Mohammed-Ibn-Abd-el-Hamid, commandant des Auréba et membre de cette tribu. Sur l'invitation de ce chef, les Zouagha, les Louata, les Sedrata, les Ghaïatha, les Nefza, les Miknaça, les Ghomara et les autres tribus du Maghreb prêtèrent le serment de fidélité au prince réfugié et prirent l'engagement de le soutenir. De cette manière Idrîs se trouva placé à la tête d'un empire. L'autorité souveraine demeura dans sa famille jusqu'à la chute de leur dynastie. Nous avons raconté ces derniers événements dans notre notice sur les dynasties fatemides 3.

La plupart des historiens arabes ne font aucune mention de Hacen III. * Le mot rendu ici par petit-fils est sibt, qui signifie, plus exaclement, le petit-fils né de la fille. On désigne le petit-fils né du fils par le mot hafid.

3 L'histoire des Idricides forme un des appendices du second volume de cette traduction.

NOTICE DES KETAMA, TRIBU DESCENDUE DE BERNES QUI SUBJUGUA LES AUTRES TRIBUS ET RENVERSA LA DYNASTIE AGĖLEBIDE AU NOM DES FATEMIDES.

Les Ketama, brave et puissante tribu berbère, sont regardés par les généalogistes de cette nation comme les enfants de Ketam ou Ketm, fils de Bernès, mais nous trouvons dans les écrits d'Ibn-el-Kelbi et de Taberi que les généalogistes arabes les font descendre de Himyer. Selon ces derniers, Ifricos-Ibn-Saïfi, l'un des rois Tobbas, conquit l'Ifrîkïa, pays auquel il imposa son nom et dont il tua le roi Djerdjîr; puis il donna aux Berbères le nom qu'ils portent jusqu'à ce jour. L'un de ces auteurs ajoute qu'Ifricos laissa parmi les Berbères deux branches de la tribu de Himyer; savoir, les Sanhadja et les Ketama, et qu'ils y subsis

tent encore.

La souche de Ketama étendit ses ramifications sur le Maghreb et poussa des rejetons dans plusieurs parties de ce pays; mais, après l'introduction de l'Islamisme, à la suite des bouleversements causés par l'apostasie des Berbères, cette tribu se trouva établie dans les campagnes fertiles qui s'étendent à l'occident de Constantine jusqu'à Bougie, et au midi de Constantine jusqu'au Mont-Auras. Ce fut dans ce territoire que les Ketama dressaient leurs campements passagers et faisaient paître leurs troupeaux; ils possédaient même toutes les villes importantes de cette région, puisqu'entre l'Auras et le rivage de la mer qui s'étend depuis Bougie jusqu'à Bône ils occupaient Ikdjan, Setif, Baghaïa, Nigaous, Belezma, Tiguist, Mila, Constantine, Skikda, El-Coll et Djîdjel.

Les nombreuses ramifications de cette tribu proviennent de deux aïeux Gharcen et Issouda, lesquels étaient fils de KetmIbn-Bernès. Les enfants d'Issouda sont : les Felaça, les Denhadja, les Mettouça et les Ouricen. Le Casr-Ketama, place forte du Maghreb, porte encore aujourd'hui le nom de Casr-Denhadja (cháteau des Denhadja).

1 Selon quelques philologues arabes, ce nom doit se prononcer Ko

tama.

Les enfants de Gharcen sont: Messala, Calden, Maouéten, Mâad [Inaou, Intacen et Aïan]. Inaou engendra Lehîça, Djemîla et Messalta; Intacen fut père d'Oulattaïa, Iddjana, Ghosman et Aufas. Aïan, fils de Gharcen, fut l'aïeul des Melouça, tribu dont une des branches, celle des Beni-Zeldouï, habite actuellement la montagne qui se voit de Constantine'.

Les Berbères comptent au nombre des tribus ketamiennes les Beni-Istîten, les Hechtïoua, les Messalta et les Beni-Cancîla. IbnHazm regarde les Zouaoua avec toutes leurs branches comme appartenant aussi à la tribu de Ketama, et cette opinion est conforme à la vérité, ainsi que nous l'avons déjà dit 2.

Plusieurs peuplades ketamiennes allèrent se fixer dans le Maghreb-el-Acsa, où elles se trouvent encore, mais le corps de la tribu resta dans son ancien territoire et continua à mener le même genre de vie qu'auparavant. Rien ne se changea dans sa position depuis l'introduction de l'Islamisme jusqu'au temps des Aghlebides. Fort de sa nombreuse population, le peuple ketamien n'eut jamais à souffrir le moindre acte d'oppression de la part de cette dynastie; Ibn-er-Rakîk nous l'assure positivement dans son histoire 3. Plus tard, ils se firent champions des Fatemides, comme nous l'avons déjà raconté dans notre article sur cette famille. Après avoir établi un empire dans l'Occident,

1 Le texte porte qui domine Constantine.

• Voyez ci-devant, pag. 255.

3 Abou-Ishac-Ibrahim-Ibu-el-Cacem-Ibn-er-Rakîk (ou Raguîg), chef d'un des bureaux du gouvernement de Cairouan, sous la dynastie des Zirides, composa une histoire de l'Afrique septentrionale, une histoire généalogique des Berbères et un recueil de poésies sur les différentes espèces de vin. Un exemplaire de ce dernier ouvrage se trouve dans la Bibliothèque Nationale. Ibn-er-Rakik vivait encore en l'an 377 (987),puisqu'il parle, dans son histoire, d'un fonctionnaire public dont la nomination eut lieu en cette année et avec lequel il eut ensuite l'habitude de parcourir les provinces pour y percevoir les contributions. (Voyez le Baïan, pages 252, 254.) Ceci est le même auteur que Marmol appelle Ibni al-Raquiq et Léon Ibnu-Rachich.

Ici le texte porte en plus : et qui est placé à la suite de l'histoire des Abbacides; cherchez et lisez; vous y trouverez tout en détail. Les

les guerriers ketamiens passèrent en Orient et s'emparèrent d'Alexandrie, de l'Egypte et de la Syrie. Quand ils eurent fondé le Caire, métropole de l'Egypte, leur quatrième khalife, ElMoëzz, partit avec le reste de la nation, organisée en tribus comme elle l'était, et y établit sa demeure. Comme cet empire devint très-puissant, le peuple ketamien finit par s'éteindre dans le luxe et dans la mollesse, mais quelques-unes de ses branches étaient restées dans leurs anciens territoires, le Mont-Auras et les plaines voisines. Les unes conservent encore leurs anciens noms et prénoms, les autres ont changé les leurs; mais toutes, à l'exception de celles qui se sont retranchées dans leurs montagnes, comme les Beni-Zeldour, les Zouaoua et les habitants des montagnes de Djîdjel, ont été obligées de se soumettre à l'impôt et de passer au rang de sujets [de l'empire hafside].

Parmi les tribus ketamiennes établies dans les plaines, la plus marquante est celle des Sedouîkich. Ce peuple prend ses chefs dans la famille de Souac. Bien que nous ignorions auquel des ancêtres que nous venons de nommer il faut les rattacher, les historiens s'accordent à les représenter comme ketamiens d'origine.

Nous allons maintenant raconter ce que nous savons des Ketama, à partir de la chute de leur empire 1.

HISTOIRE DES SEDOUÎKICH ET DE QUELQUES AUTRES PEUPLES KETAMIENS QUI HABITENT ENCORE L'ANCIEN TERRITOIRE DE LA TRIBU.

Depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours la tribu de Sedoutkich a toujours conservé le même nom. Elle habite les plaines de cette partie du territoire des Ketama qui est située entre Constantine et Bougie. Parmi ses nombreuses ramifications on compte les Silin, les Tarsoun, les Torghian, les Moulit, les Cascha, les Lemaï, les Gaïaza, leз Beni-Zâlan, les El-Bouéira, les

chapitres auquel notre auteur renvoie le lecteur forment un des appendices du second tome de cette traduction; ils ne font pas partie de l'Histoire des Berbères.

1 Dans l'Histoire des Fatemides (voyez l'appendice, no 1r du tome n), l'auteur raconte celle des Ketama.

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