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étant arrivé de la part d'El-Mansour, châtia les Berbères et étouffa l'insurrection.

En l'an 151 (768), Omar-Ibn-Hafs fonda la ville de Tobna et y établit les Ourfeddjouma, parce qu'ils s'étaient dévoués à sa cause. Ils déployèrent une constance héroïque pendant tout le temps qu'Ibn-Rostem et les Beni-Ifren y tenaient Omar assiégé. Six années plus tard, après la mort d'Omar, ils se révoltèrent contre Yezîd-Ibn-Hatem qui venait d'arriver en Ifrîkïa pour y exercer les fonctions de gouverneur, et ils élurent pour chef un de leurs guerriers nommé Abou-Zerdjouna. Yezîd leur fit infliger un rude châtiment par une armée qu'il expédia contre eux sous la conduite de son fils.

Plus tard, les Nefzaoua se soulevèrent contre Dawoud, fils de Yezîd, professèrent ouvertement la doctrine eibadite, et se réunirent sous le commandement d'un de leurs chefs appelé Saleh-Ibn-Noceir. Les troupes du gouvernement les attaquèrent à Sicca Veneria et leur tuèrent tant de monde que depuis lors l'esprit de kharedjisme cessa de troubler l'Ifrîkïa. Les Berbères firent leur soumission et la tribu des Ourfeddjouma fut réduite à un tel degré de faiblesse qu'elle finit par se disperser. Les débris de ce peuple allèrent se confondre dans les rangs des autres tribus.

Les Zeddjala, branche des Ourfeddjouma, formaient une tribu considérable. Plusieurs d'entr'eux se distinguèrent à l'époque où naquit la puissance fatemide et pendant la domination des Oméïades en Espagne. Tels furent les Beni-Zeddjali, famille de gens de plume qui fleurit à Cordoue. On trouve encore des Zeddjala dans un village du même nom situé au milieu de la plaine de Mermadjenna.

Les Ourfeddjouma et les autres branches des Oulhaça, vivent aujourd'hui dispersés en petites bandes, à cause de l'affaiblissement auquel ils ont été réduits. Une de ces peuplades, celle qui en est

L'auteur aurait mieux fait d'écrire repeupla.

2 Ci-devant, page 223, ce nom est écrit Zerhouna, différence qui provient de l'absence d'un seul point diacritique.

la mieux connue, habite la région maritime de Tlemcen où elle s'est mêlée avec les Koumïa, tribu dont elle est l'alliée tant à cause de leur origine commune que d'une confédération formelle1. Vers le milieu de ce huitième siècle, ils eurent pour chef un de leurs parents nommé Ibrahîm-Ibn-Abd-el-Mélek. Cet homme se déclara pour Abou-'l-Hacen le mérinide, après que ce sultan eut éprouvé, aux environs de Cairouan, le revers qui lui fut si fatal et qui fournit aux Abd-el-ouadites l'occasion de rentrer en possession de la ville et du royaume de Tlemcen. Ibrahîm fut pris par le sultan abd-el-ouadite, Othman-Ibn-Abd-er-Rahman, et mis à mort dans la prison de cette capitale.

Une fraction des Oulhaça bien connue est celle qui se trouve dans la plaine de Bone. Elle a des chevaux pour montures; ayant adopté non-seulement la langue et l'habillement des Arabes, mais aussi tous les usages de ce peuple. En cela elle a imité l'exemple des Hoouara. On la compte au nombre des tribus qui paient l'impôt. Elle prend ses chefs dans la famille des Arid, une de ses grandes maisons, et elle obéit maintenant aux fils de Hazem-Ibn-CheddadIbn-Hizam-Ibn-Nasr-Ibn-Malek-Ibn-Arid. Avant d'être gouvernée par les Beni-Arîd, elle reconnaissait à ses parents de la famille Asker-Ibn-Battan le droit de la commander. Voilà tout ce que nous savons des Oulhaça.

Parlons maintenant des autres branches de la tribu de Nefzaoua. Un reste des Zatîma se trouve sur le bord de la mer, près de Brechk, et une fraction des Ghassaça habite le pays maritime de Botouïa, au village et au port de mer qui s'appelle encore Ghassaça. Un débris de Zehîla occupe les environs de Badis, où il s'est mélé avec les Ghomara. Mes professeurs se rappellent très bien avoir vu un grand saint appartenant à cette tribu et nommé Abou-Yacoub-el-Badici. Ce fut le dernier personnage de ce caractère qui parut dans le Maghreb. Quant aux Merniça, nous ne leur connaissons aucune demeure fixe, mais leur postérité vit dispersée parmi les tribus arabes de l'Ifrîkïa. Un reste des Sou

4 Les Koumia se sont maintenant confondus avec les Oulhaça établis sur les deux rives du Tafna, du côté de la mer.

mata se trouve dans les plaines de Cairouan; et c'est d'eux, à ce qu'il paraît, que Monder-Ibn-Saîd, cadi de Cordoue sous le règne d'En-Nacer, tira son origine 1.

Quant aux autres branches de la tribu de Nefzaoua, nous n'en connaissons maintenant aucune; nous ignorons les lieux où elles ont demeuré, si ce n'est certains villages assez remarquables de la province de Castîlïa, situés à une courte distance les uns des autres, et appelés les villages des Nefzaoua. On y trouve maintenant des Francs qui vivent sous la protection d'un traité; ils y sont restés, eux et leurs ancêtres, depuis la conquête musulmane jusqu'à nos jours, et comme ils professent une des croyances tolérées par l'islamisme, ils jouissent du libre exercice de leur religion en paient la capitation.

Dans les mêmes villages demeurent un grand nombre des Beni-Soleim, appartenant tous à la famille de Cherîd. Il y a aussi quelques descendants de Zoghb. Ces Arabes possèdent les terres labourables et les fermes de cette contrée. Quand le gouvernement hafside faisait sentir sa puissance dans le Djerîd, l'administration de ces villages appartenait au seigneur de Touzer; mais aussitôt que l'autorité de l'empire eut cessé d'atteindre ces localités, l'esprit d'indépendance prit son essor et chaque village se constitua en état indépendant. Le seigneur de Touzer chercha à les faire rentrer sous sa domination, mais il ne put y réussir qu'en partie. Maintenant que l'empire de notre seigneur, le sultan Abou-'l-Abbas, a étendu son ombre tutélaire jusqu'à cette région, les villages en question ont reconnu la souveraineté de ce monarque et se sont attachés à son gouvernement protecteur.

HISTOIRE DES LOUATA, BRANCHE DES BERBÈRES-BOTR.

Les Louata, une des plus grandes d'entre les tribus berbères qui forment la postérité d'El-Abter, tirent leur nom et leur origine de Loua le jeune, frère de Nefzao et fils de Loua l'aîné, fils de Zahhîk.

Dans l'histoire d'Espagne d'El-Makkari, traduite en anglais par M. de Gayangos, on trouvera plusieurs renseignements sur ce célèbre cadi.

Quand les Berbères veulent convertir un nom singulier en nom collectif, ils y ajoutent les lettres at; ainsi de Loua ils forment Louat. Les Arabes de leur côté, ayant voulu adapter ce dernier mot au génie de leur langue, l'ont traité comme un nom singulier en y ajoutant un a pour le mettre au pluriel 1.

Ibn-Hazm dit que les généalogistes berbères regardent les Sedrata, les Louata et les Mezata comme appartenant à la race copte. Ce renseignement n'est pas exact, et Ibn-Hazm l'a donné sans avoir consulté, à ce sujet, les livres composés par les savants de la nation berbère.

Les Louata se partagent en plusieurs branches et forment un grand nombre de tribus, telles que les Sedrata (ou Sedderata), enfants de Nîtat, fils de Loua, et les Atrouza, enfants de Maselt, fils de Loua. Sabec et les généalogistes de son école indiquent quelques autres familles comme issues de Maselt, savoir les Agoura, les Djermana et les Maghagha. Une autre tribu qui tire son origine de Loua, est celle des enfants de Zaïr-Ibn-Loua. Selon les généalogistes berbères, les Mezata, grande branche des Zaïr, fournissent plusieurs ramifications, savoir: les Belaïan 3, les Carna, les Medjîdja, les Degma, les Hamra et les Medouna.

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Les Louata, comme El-Masoudi en a fait la remarque, s'adonnaient à la vie nomade dans les territoires qu'ils occupaient aux environs de Barca. Ils prirent une part très-active à la révolte d'Abou-Yezid : une nombreuse population louatienne du MontAuras s'étant réunie aux Beni-Kemlan pour soutenir la cause de ce chef. Jusqu'à nos jours, ils ont continué à habiter l'Auras où ils tiennent en sujetion les peuplades hoouarites et ketamiennes

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1 Le texte arabe porte: en ajoutant un h. Dans la prononciation, l'h final prend quelquefois, comme ici, le son de l'a. Quant à la formation du mot Louata, ce qu'Ibn-Khaldoun en dit n'est pas exact: ce sont les Arabes et non pas les Berbères qui emploient les lettres at pour former le pluriel; d'ailleurs, en langue berbère, le pluriel de Loua ou Louat est Ilouaten, le Languentan, Lauguatan et Ilaguaten de Corippus. 2 Ci-devant, page 171, on a vu ce nom écrit Djedana.

3 Pour verons les llaguas de Corippus.

Belaïan si nous lisons;

Ilagaz, nous y retrou

qui les avoisinent. Ils peuvent mettre en campagne un millier de cavaliers et un grand nombre de fantassins. C'est au moyen de leur appui que le gouvernement hafside se fait payer l'impôt par les tribus de cette montagne. Dans l'accomplissement de leur tâche, les Louata font preuve de beaucoup de zèle et d'habileté. Ils fournissaient autrefois un contingent d'hommes à l'armée de l'empire, toutes les fois qu'elle se mettait en campagne. Quand l'autorité du gouvernement eut enfin cessé de se faire sentir dans l'Auras, les Beni-Séada, tribu loautienne, passa dans le territoire dont les Aulad-Mohammed, branche des Douaouida, avaient obtenu la concession 1 , et remplirent auprès d'eux les mêmes fonctions qu'ils avaient précédemment exercées au service des Hafsides. Dans la suite, les Douaouida parvinrent à les soumettre eux-mêmes au paiement de l'impôt et les obligèrent à leur fournir un contingent de troupes; les réduisant ainsi au rang de sujets tributaires. Deux fractions des Louata, les BeniRîhan et les Beni-Badis, conservèrent leur indépendance, n'ayant jamais été placées par gouvernement sous la domination d'une autre tribu; mais, enfin, Mansour -Ibn-Mozni ajouta leur territoire à ses états. Quand la famille Mozni se fut rendue indépendante dans le Zab, elle se faisait payer l'impôt par ces peuplades pendant quelques années en lançant contre elles un ramas de vagabonds arabes. De nos jours elles se tiennent sur leur montagne, sans oser descendre dans la plaine, tant ils craignent la violence et la rapacité de ces nomades.

Les Beni-Badîs se sont emparés des plaines à l'entour de Nigaous, et ils tirent de cette ville des sommes considérables à titre de tribut. Nigaous s'élève au pied de la montagne dont nous venons de parler. Quand les Arabes rentrent dans le Désert pour y prendre leurs quartiers d'hiver, les Beni-Badîs vont toucher le tribut et les droits de sauf-conduit qui leur sont dus; puis, au retour des Arabes dans leurs quartiers d'été, ils remontent jusqu'aux endroits les plus escarpés de leur montagne.

Une nombreuse population des Louata habitait au midi de

1 Voyez ci-devant, page 77.

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