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En l'an 164 (777-8), quelque temps après la mort de Yezid et sous l'administration de son fils Dawoud, les Nefzaoua se révoltèrent, et ayant élu pour chef un membre de leur tribu, le nommé Saleh-Ibn-Noceir, ils sommèrent leurs voisins d'embrasser la doctrine des Eibadites. Dawoud envoya contre eux son cousin, Soleiman-Ibn-es-Somma, à la tête de dix mille hommes. Ce général força les rebelles à prendre la fuite et leur tua beaucoup de monde. Saleh ayant alors rappelé sous ses drapeaux tous les Berbères eibadites qui n'avaient pas assisté au premier soulevement, les réunit tous à Sicca-Veneria, mais Soleiman remporta sur eux une nouvelle victoire et revint ensuite à Cairouan.

Dès ce moment, l'esprit d'hérésie et de révolte qui avait si longtemps agité les Berbères de l'Ifrîkïa, se calma tout-à-fait, et les nouveautés dangereuses dont ces peuples avaient fait profession disparurent bientôt pour ne laisser plus de trace.

En l'an 174 (787-8), Abd-el-Ouehhab-Ibn-Rostem, seigneur de Tehert, demanda la paix au gouverneur de Cairouan, Rouh, fils de Hatem, fils de Cabîça-el-Mohellebi. En accueillant cette proposition, Rouh porta le dernier coup à la puissance des Berbères et soumit enfin leurs cœurs à l'empire de la vraie religion et à l'autorité arabe. L'islamisme prit alors chez eux une assiette ferme, et la domination des Arabes moderides les accabla de tout son poids.

En l'an 485 (804), Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb de la tribu de Temîm fut nommé gouverneur de l'Ifrikïa et du Maghreb par Haroun-er-Rechîd, et étant parvenu à y raffermir son autorité, il se dévoua au soin d'y faire fleurir la justice et de porter remède aux maux qui avaient affligé le pays. Ayant réussi à mettre d'accord tous les partis et à gagner tous les cœurs, il finit par jouir d'une puissance absolue, sans encourir ni opposition ni haine. L'empire qu'il fonda devint l'héritage de ses enfants, et les provinces d'Ifrikïa et de Maghreb se transmirent d'une génération de sa famille à une autre jusqu'à ce que la domination arabe fut renversée en ces pays et que Ziadet-Allah, le dernier souverain de cette dynastie, s'enfuit en Orient, l'an 296 (908-9) devant les armes victorieuses de la tribu de Ketama.

Ce peuple s'était révolté contre les Aghlebites en proclamant ouvertement son attachement aux principes chîites, doctrine qui avait été introduite chez lui par Abou-Abd-Allah-el-Mohteceb, missionnaire d'Obeid-Allah-el-Mehdi.

Cette révolution détruisit pour toujours l'empire des Arabes en Ifrikïa et mit les Ketama en possession de l'autorité suprême. Les Berbères du Maghreb suivirent, plus tard, l'exemple de leurs voisins, et dès-lors l'influence exercée par les Arabes en Ifrîkïa et en Maghreb disparut pour toujours, avec le royaume qu'ils y avaient fondé. Le pouvoir passa entre les mains des Berbères et se maintint tantôt dans l'une de leurs tribus, tantôt dans l'autre. Une partie de ce peuple reconnut l'autorité des Oméïades d'Espagne ; une autre partie embrassa la cause des descendants de Hachem [grand-père de Mahomet]; soit de ceux qui appartenaient à la famille d'El-Abbas [les Abbacides], soit de ceux qui tiraient leur origine d'El-Hacen ou d'El-Hocein [ les petits-fils de Mahomet ]. Ensuite ces peuples finirent par se proclamer tout-à-fait indépendants. Nous entrerons dans les détails de ces changements en retraçant l'histoire des empires fondés par les Zenata et les Berbères.

HISTOIRE DES BERBÈRES-BOTR

ET DES TRIBUS DONT CETTE BRANCHE SE COMPOSE.

NOTICE DES NEFOUÇA.

Nous commencerons notre notice des Berbères descendus d'El-Abter par l'histoire des Nefouça, tribu issue de cette souche, et nous en indiquerons les diverses ramifications.

Madghis-el-Abter, l'aïeul des Berbères appelés El-Botr, eut un fils nommé Zahhîk duquel toutes les tribus de cette branche tirent leur origine1.

Selon les généalogistes berbères, Zahhîk eut quatre fils : Nefous, Addas, Dari et Loua; mais Addas vint à être regardé comme appartenant à la tribu de Hoouara parce qu'après la mort de son père Zahhîk, et pendant qu'il était lui-même un enfant à la mamelle, sa mère devint l'épouse de Hoouar. Cela le fit considérer comme fils de Hoouar, et pour la même raison, les tribus qui tirent de lui leur origine ont été comptées au nombre des Hoouara, ainsi que l'on verra plus loin.

Quant à Dari et à Loua, nous parlerons ailleurs des tribus dont ils sont les ancêtres.

Les Nefouça, descendants de Nefous, formaient une des plus grandes tribus de la race berbère. Ils se partageaient ensuite en plusieurs branches, telles que les Beni-Zemmor, les Beni-Meskour et les Matouça. Ces grandes familles habitaient les environs de Tripoli ainsi que les localités voisines. A trois journées au midi [ou sud-ouest] de cette ville est située une montagne qui porte le nom de Nefouça et qui sert encore de demeure à une fraction de ce peuple. Avant l'invasion musulmane, Sabra était une de leurs résidences, et pour cette raison, elle s'appelle en

1 Voyez page 170.

core la Sabra des Nefouça. Cette ville fut une des premières conquêtes que les Arabes firent de ce côté, lors de l'introduction de l'islamisme, et elle fut tellement maltraitée par les conquérants qu'il n'en reste plus que des ruines à peine reconnaissables.

Parmi les personnages marquants de la tribu de Nefouça on compte Ismail-Ibn-Ziad, le même qui, en l'an 432 (749–50), s'empara de la ville de Cabes, lorsde l'avénement des Abbacides au trône du khalifat.

Aujourd'hui, on trouve quelques misérables débris de cette tribu, éparpillés dans les provinces de l'Egypte et du Maghreb. pour descendants les Nefzaoua et les Louata, comme nous allons l'exposer.

Loua eut

RAMIFICATIONS ET HISTOIRE DE LA TRIBU DE NEFZAOUA.

Les Nefzaoua, enfants d'Itouweft, fils de Nefzao, fils de Loua l'aîné, fils de Zahhik, forment un grand nombre de tribus, savoir les Ghassaça, les Merniça, les Zehîla, les Soumata, les Zatîma, les Oulhaça, les Medjra, les Ourcîf et, peut-être même, les Meklata. Mekla1, le père de ceux-ci, n'appartenait pas, dit-on, à la race berbère; il était arabe-yémenite, mais il tomba, encore jeune, au pouvoir d'Itouweft et fut adopté par lui. Les Meklata se partagent en plusieurs branches, telles que les Beni-Ourfagol, les Gueznaïa, les Beni-Isliten, les Beni-Dimar-ou-Rîhoun et les Beni-Seraïn. On dit aussi que les Ghassaça en font partie.

Nous donnons ces renseignements sur l'autorité de Sabec-elMatmati et d'autres généalogistes berbères.

Les Oulhaça se composent de plusieurs branches parmi lesquelles on remarque les Ourtedîn, enfants de Dihya, fils d'Oulhas, et les Ourfeddjouma, enfants de Tîdghas, fils d'Oulhas.

1 Voyez ci-devant, page 172.

Dans ces généalogies notre auteur met quelquefois le nom de la tribu à la place du nom de l'ancêtre de la tribu; c'est ainsi qu'il a écrit ici Oulhaça pour Oulhas, et dans la page précédente Hoouåra povr Hoouar.

Les Ourfeddjouma se partagent en un très-grand nombre de tribus dont l'une, appelée les Zeggoula [ou Zeddjala], s'adonna à la vie nomade et tira son origine de Zeggal, fils d'Ourfeddjoum. Les Ourfeddjouma formaient la portion la plus nombreuse et la plus puissante de la tribu de Nefzaoua. Quand Abd-er-RahmanIbn-Habib se révolta contre Abou-Djâfer-el-Mansour, ses frères Abd-el-Ouareth et El-Yas lui ôtèrent la vie et tachèrent ensuite d'échapper à la poursuite de leur neveu Habib qui cherchait à venger la mort de son père. Abd-el-Ouareth se réfugia dans le Mont-Auras, chez les Ourfeddjouma, et obtint la protection d'Acem-Ibn-Djemil, émir de ce peuple et devint très-habile. Acem fit proclamer l'autorité d'Abou-Djâfer-el-Mansour, rallia autour de lui les populations nefzaouïennes, et marcha contre Cairouan. Ce fut en l'an 140 (757-8) qu'il entreprit cette expédition. Les Nefzaoua professaient alors la doctrine eibadite et comptaient parmi leurs guerriers les plus distingués Abd-el-Mélek-Ibn-Abi-'l-Djad et Yezìd-Ibn-Seggoum. A l'approche de cette armée, Habîb, fils d'Abd-er-Rahman, s'enfuit de Cairouan. IbnAbi-'l-Djâd pénétra dans cette ville et [plus tard il] tua Habib. Les Nefzaoua, devenus maîtres de Cairouan, massacrèrent tous les Coreichides et tous les autres Arabes qui y étaient restés ; ils attachèrent leurs montures dans la grande mosquée et commirent tant d'autres forfaits et profanations qu'ils excitèrent l'indignation des Berbères-eibadites de Tripoli. Les Zenata et les Hoouara se mirent à la tête du mouvement, prirent pour chef Abou-'lKhattab-Ibn-es-Sameh, arabe d'une haute distinction, et allèrent s'emparer de Tripoli; puis, en l'an 144, ils occupèrent Cai-, rouan, tuèrent Ibn-Abi-'l-Djâd et passèrent au fil de l'épée les Nefzaoua et les Ourfeddjouma qui composaient son armée. Ils repartirent ensuite pour Tripoli, après qu'Abou-'l-Khattab eut confié le gouvernement de Cairouan à Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem. Le feu de la guerre se propagea dans tout le Maghreb, et les Ourfeddjouma y poursuivirent le cours de leurs dévastations jusqu'à l'an 146 (763-4), quand Mohammed-Ibn-el-Achâth y

1 Voyez ci-devant, page 204, note.

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