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son père et ses frères furent mis en prison et, quelque temps après, on les expulsa du pays.

S'étant ainsi débarrassé de ses rivaux, Ibn-el-Khatib demeura seul maître de l'esprit du sultan et se fit confier le gouvernement de l'empire. Il eut même l'adresse de semer la mésintelligence entre le souverain et tous ceux qui l'entouraient, tant les amis du prince que ses compagnons de table1. Resté seul arbitre de l'administration, il s'attira tous les regards; sa faveur devint l'objet de toutes les espérances; les grands et les petits se pressaient à sa porte, pendant que les familiers du prince dévoraient leur jalousie et leur dépit. Ils eurent beau employer contre lui tous les genres de calomnie et d'intrigue, le sultan resta sourd à leurs insinuations. Ibn-el-Khatib fut enfin averti des trames qu'on ourdissait contre lui, et, cédant à ses appréhensions, il se disposa à quitter la cour.

Le sultan Abd-el-Azîz lui était redevable d'un grand service: de l'arrestation de son oncle, Abd-er-Rahman-Ibn-Abi-Ifelloucen, prince auquel on avait donné le commandement des volontaires de la foi qui étaient au service du gouvernement grenadin. Abd-er-Rahman avait parcouru le Maghreb dans l'espoir de s'emparer du trône; de tous côtés il avait allumé le feu de la révolte, quand le vizîr Omar-Ibn-Abd-Allah, régent de l'empire, l'attaqua vigoureusement et le contraignit à passer en Espagne et d'y emmener son vizir Masoud-Ibn-Maçaï. En l'an 767(1365-6). ils arrivèrent chez le sultan, le même qui avait été déposé, et trouvèrent une honorable réception à la cour de Grenade. Ali-Ibn-Bedr-ed-Dîn, commandant des volontaires de la foi, étant mort sur ces entrefaites, on fit choix d'Abd-er-Rahman pour le remplacer. Le sultan Abd-el-Azîz s'étant enfin rendu maître de son propre royaume en ôtant la vie au vizir Omar

Dans le texte d'El-Macccari, în lit x à la place de xi. En adoptant cette leçon, qui est probablement la bonne, il faut traduire ainsi il plaça ses fils au nombre des amis et des intimes du prince.

Ibn-Abd-Allah, fut très-inquiet de cette nomination et s'attendit à voir son autorité ébranlée par les trames du sultan de Grenade. Ayant alors eu connaissance de certaines proclamations qu'Abder-Rahman avait fait répandre parmi les Mérinides, il céda à ses appréhensions et envoya au ministre espagnol un agent secret chargé d'obtenir l'emprisonnement du prince et du vizir. Ibnel-Khatib auquel on promit en retour de ce service une position très-élevée à la cour de Fez, se fit donner par l'envoyé un écrit à cet effet, et alors il décida son souverain à mettre les réfugiés en prison. La pièce dont nous parlons fut rédigée par Abou-Yahya - Ibn-Abi - Medyen, secrétaire du sultan méri nide].

Pendant le cours de tous ces événements, Ibn-el-Khatîb fut en proie aux plus graves inquiétudes; effrayé par les renseignements qui lui étaient parvenus au sujet des calomnies et des intrigues des courtisans, il crut s'apercevoir que le sultan commençait à y ajouter foi, qu'on l'avait même indisposé contre lui; aussi, prit-il la résolution de quitter l'Andalousie et de passer en Afrique. S'étant fait donner la commission d'inspecter les forteresses qui couvraient la frontière occidentale de l'empire, il partit à la tête d'un détachement de cavalerie qu'il avait à son service, et se rendit à sa destination', avec son fils Ali, lequel était tout-à-fait dévoué au sultan. Arrivé auprès de Gibraltar, port de passage entre l'Espagne et l'Afrique, il envoya son passeport au gouverneur de la place. Ces officier, qui avait déjà reçu des instructions du sultan Abd-el-Aziz, sortit au-devant de l'illustre visiteur et le fit partir pour Ceuta dans un navire que l'on apprêta sur le champ. Arrivé dans cette forteresse africaine, Ibn-el-Khatib reçut de tous les fonctionnaires les honneurs d'usage et se vit comblé d'égards. Ayant alors pris la route de Tlemcen, il y trouva le sultan mérinide. Ceci eut lieu en l'an 773 (1371-2). Toute la cour se mit en mouvement à la nouvelle de son approche; le sultan fit monter à cheval ses principaux

لطيته. La bonne leçon est

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officiers et les envoya au-devant de lui; il l'accueillit ensuite avec une bienveillance parfaite; il pourvut à sa sûreté et à son bien-être; le traitant avec les mêmes faveurs et les mêmes honneurs que l'on accorde aux membres de la famille royale. A peine les premières salutations passées, le sultan fit partir pour L'Espagne son secrétaire, Abou-Yahya-Ibn-Abi-Medyen, afin d'obtenir du sultan andalousien la permission d'emmener en Afrique les femmes et les enfants d'Ibn-el-Khatîb. Cet envoyé revint avec toute la famille, que l'on avait rassuré complètement et comblée d'honneurs.

Dès-lors, les courtisans du sultan de Grenade ne purent plus contenir leur jalousie, et ils s'empressèrent de le mettre sur les traces des moindres peccadilles dont le fugitif s'était rendu coupable. Le monarque laissa enfin percer les sentiments qu'il avait cachés depuis longtemps, et se mit à récapituler les traits de présomption et les défauts qu'il avait remarqués dans son vizir. Quelques ennemis d'Ibn-el-Khatîb saisirent cette occasion pour lui attribuer certains discours qui sentaient le matérialisme, et Abou-l-Hacen-Ibn-Abi-'l-Hacen, cadi de Grenade, auquel on soumit ces écrits, les trouva si pernicieux que, par un acte formel, il en déclara l'auteur un infidèle. Ce fut alors que le sultan se tourna tout-à-fait contre son ancien ministre; il chargea le même cadi de se rendre auprès du sultan Abd-el-Azîz et d'exiger le châtiment du réfugié, conformémant à cette déclaration juridique et aux prescriptions de la loi divine. Le sultan du Maghreb était trop généreux pour trahir les droits de l'hospitalité et, en réponse au cadi, il se borna à dire : « Puisque yous con>> naissiez ses crimes, pourquoi ne l'avez-vous pas puni pendant >> qu'il était chez vous ? Quant à moi, je déclare que, tant qu'il >> sera sous ma protection, personne ne devra le tracasser à pro>>pos de cet affaire. » Il combla ensuite de pensions et de concessions non-seulement Ibn-el-Khatib et ses enfants, mais aussi tous les Andalousiens qui l'avaient accompagné en Afrique.

Il faut probablement lire la.

En l'an 774 [1372), lors de la mort d'Abd-el-Azîz, les Méripides quittèrent Tlemcen pour rentrer en Maghreb, et Ibn-elKhatib s'y rendit aussi, dans la suite du vizir, Abou-Bekr-IbnGhazi, devenu maintenant régent de l'empire. Arrivé à Fez, il acheta plusieurs terres, bâtit des maisons superbes et planta de beaux jardins. Les pensions qu'il tenait du feu sultan lui attirèrent enfin la haine du régent, ainsi que nous le raconterons plus tard.

MORT DU SULTAN ABD-EL-AZÎZ ET AVÉNEMENT DE SON FILS ESSAID. IBN-GHAZI S'EMPARE DE TOUTE L'AUTORITÉ.

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MÉRINIDES RENTRENT EN MAGHREB.

LES

Dans sa première jeunesse, Abd-el-Azîz avait tellement souffert d'atrophie, accompagnée d'une fièvre intermittente, que le sultan Abou-Salem s'abstint de l'envoyer à Ronda avec les autres princes de la famille royale. Parvenu à l'âge de puberté, il recouvra la santé ; mais, pendant son séjour à Tlemcen, il eut une rechute et devint excessivement maigre. Après avoir consolidé sa puissance par l'heureux succès de cette campagne, il éprouva plusieurs accès de son ancienne maladie ; mais, pour ne pas alarmer ses troupes, il supporta ses douleurs avec patience. et les cacha à la connaissance du public. Pendant ce temps, son armée était campée en dehors de la ville et s'apprêtait à partir pour le Maghreb. Enfin, la veille du 22 de Rebîâ second, 774 (23 oct. 1372), il fit ses derniers adieux à sa famille et cessa de vivre. Le vizir [Ibn-Ghazi] ayant été prévenu de ce grave événement par les eunuques du palais, prit sur son épaule Mohammed-es-Saîd, fils du sultan décédé et, après avoir annoncé aux troupes la perte douloureuse qu'elles venaient de faire, il leur présenta cet enfant comme leur souverain. Tout le monde fondit en larmes et se pressa autour du jeune prince afin de lui baiser la main et de lui donner l'assurance d'un dévouement parfait. On le conduisit ensuite au camp. Le vizir fit alors placerle corps d'Abd-el-Azîz sur une bière et le transporta à la tente impé

riale. Pendant toute la nuit l'armée resta sous sous les armes et, au lendemain, elle reçut l'ordre de partir. Les Měrinides sortirent [de la ville] par bandes et, s'étant rassemblés dans le camp, ils prirent, au surlendemain, la route du Maghreb. Après s'être arrêtée à Tèza, l'armée continua sa marche jusqu'à Fez.

Quand le nouveau sultan fut arrivé dans la capitale, il tint une séance publique au palais afin de recevoir du peuple le serment de fidélité et d'accueillir les députations des grandes villes qui venaient, selon l'usage, lui présenter les hommages de leurs concitoyens. Comme il était trop jeune pour s'occuper d'affaires, le vizir Abou-Bekr-Ibn-Ghazi le relégua dans le palais et prit en main l'administration de l'empire. Il envoya de nouveaux commandants dans les provinces, présida aux séances du grand conseil et s'occupa à gouverner le Maghreb de sa propre autorité.

ABOU-HAMMOU REPREND POSSESSION DE TLEMCEN ET DU

MAGHREB CENTRAL.

Quand les Mérinides se furent arrêtés à Tèza, après avoir quitté Tlemcen, leurs cheikhs tinrent conseil et désignèrent comme gouverneur de la capitale qu'ils venaient de quitter l'émir Ibrahîm, fils du sultan abd-el-ouadite, Abou-Tachefîn. Ce prince avait été élevé à la cour de Fez depuis la mort de son père, et, comme il s'était dévoué aux Mérinides, il obtint facilement sa nomination à ce haut commandement. Rahhou-Ibn-Mansour, émir des Obeid-Allah, tribu makilienne, partit avec lui pour l'emmener à sa destination et s'y fit escorter par toutes les troupes maghraouiennes qui se trouvaient alors en Maghreb. Ces guerriers avaient reçu l'autorisation de rentrer dans le territoire du Chelif, autrefois siége de leur empire, et ils se mirent en

Dans le texte arabe, il faut probablement lire sill.

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