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la nation mérinide et les grands dignitaires de l'état se réunirent autour de l'émir Abou-'l-Hacen, son successeur désigné, et lui prétèrent le serment de fidélité. Le nouveau sultan fit donner l'ordre aux troupes de quitter le Sebou et de venir à Ez-Zitoun, près de Fez; ensuite il assista aux obsèques de son père; puis, s'étant entouré d'un cortége nombreux, il se rendit au camp. Tous les corps de l'etat et toutes les classes de la population vinrent lui offrir foi et hommage, pendant qu'il tenait une séance solennelle dans la tente impériale, et ils prêtèrent le serment de fidélité entre les mains du mizouar, Obbou-Ibn-Cacem, prévôt de la police, et grand chambellan depuis le règne de Youçof-IbnYacoub. Alors on présenta au sultan sa fiancée et le mariage fut célébré au camp, la même nuit.

Abou-'l-Hacen s'était décidé à châtier les ennemis de son beaupère, mais il voulut d'abord connaître les dispositions de l'émir Abou-Ali à son égard. Se rappelant que le feu sultan portait une vive affection à ce prince et qu'il l'avait fortement recommandé à sa bienveillance, il résolut d'aller le voir et, comme les fatigues étaient pour lui des plaisirs, il s'empressa de partir pour Sidjilmessa.

LE SULTAN ABOU-'L-HACEN PART POUR SIDJILMESSA, CONCLUT AVEC SON FRÈRE ABOU-ALI UN TRAITÉ DE PAIX ET MARCHB

SUR TLEMCEN.

Le sultan Abou-'l-Hacen étant monté sur le trône, désira connaître les dispositions de son frère Abou-Ali, avant d'entreprendre une expédition contre Tlemcen, et il se proposa de le traiter avec bienveillance, par égard aux fréquentes recommandations de son père, qui avait toujours porté une tendre affection au prince de Sidjilmessa. S'étant dirigé vers cette ville en quittant le camp d'Ez-Zitoun, il rencontra en route une députation que son frère avait envoyée an devant de lui. Cette ambassade lui déclara qu'Abou-Ali, reconnaissant ses droits à la souveraineté,

le félicitait de la haute position à laquelle Dieu l'avait élevé ; qu'il tâcherait toujours de mériter sa bienveillance et, se contentant de cette portion de l'héritage paternel dont il jouissait déjà, qu'il ne chercherait jamais à lui disputer le pouvoir : tout ce qu'il demandait était sa confirmation dans le gouvernement de Sidjilmessa. Le sultan y donna son consentement et, conformément aux injonctions de son père1, il nomma l'émir Abou-Ali souverain de cette ville et des provinces du Sud qui en dépendent. Les principaux chefs des tribus zenatiennes et arabes ainsi que les grands officiers de la tribu mérinide assistèrent à cette déclaration.

Pour répondre alors aux demandes de secours que les Hafsides lui avait adressées, il se porta rapidement vers Tlemcen, mais, passant outre, sans s'y arrêter, il marcha vers l'Est afin d'opérer sa jonction avec l'armée du sultan Abou-Yahya-AbouBekr. Nous avons déjà mentionné que lors de la mission d'AbouZékérïa en Maghreb, l'on était convenu que le sultan hafside aiderait les Mérinides à faire le siége de Tlemcen. Dans le mois de Chaban 732 (mai 1332), Abou-'l-Hacen prit position à Teçala et, en attendant l'arrivée de son allié, il donna à ses navires l'ordre de quitter les ports du Maghreb et de ravager les côtes de l'empire abd-el-ouadite. Il fit aussi embarquer à Oran un corps de troupes commandé par son client, Mohammed-el- Botouï, et l'envoya au secours du souverain hafside. Ce renfort débarqua au port de Bougie et, s'étant rangé sous les drapeaux d'Abou-Yahya-Abou-Bekr, il marcha avec lui contre Tiklat [Temzezdekt], quartier-général de l'armée abd-el-ouadite chargée de bloquer la forteresse hafside. Eïça-Ibn-Mezrouâ, commandant des assiégeants, emmena aussitôt toutes les troupes qui se trouvaient dans Tiklat et se replia sur la frontière du Maghreb central. Notre seigneur, le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, s'avança à la tête des Almohades, des Arabes, des Berbères et de tous les peuples qu'il avait rassemblés, et prit possession de la place qu'on venait

Dans le texte arabe l'h du mot áhd est déplacé.

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d'évacuer. Le sultan Abou-Hammou avait donné l'ordre, en construisant ce fort, que les gouverneurs de ses provinces orientales, depuis El-Bat'ha jusqu'à la frontière, seraient tenus d'y envoyer régulièrement la dîme de toutes les récoltes de leurs pays respectifs, et son fils, le sultan Abou-Tachefin, avait maintenu cet usage. Aussi, les vainqueurs y trouvèrent-ils des approvisionnements en quantité énorme. Tout fut livré au pillage et le fort ruiné de fond en comble.

Pendant ce temps, Abou-'l-Hacen attendait chaque jour l'arrivée du sultan et de l'armée hafsides. Il était encore au même lieu de rendez-vous quand on vint lui annoncer que son frère, l'émir Abou-Ali, s'était mis en révolte. Cette nouvelle le décida à rentrer chez lui, et le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, ayant été averti de son départ, reprit le chemin de sa capitale et emmena El-Botouï avec lui. Alors, il combla de dons les troupes mérinides et leur chef, les embarqua dans les vaisseaux qui les avaient amenés et les renvoya à leur souverain.

A la suite de cet échec, le sultan Abou-Tachefin n'essaya plus d'envahir le territoire hafside.

RÉVOLTE D'ABOU-ALI.

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LE SULTAN ABOU-'L-HACEN MARCHE CONTRE LUI ET LE FAIT PRISONNIER.

Quand Abou-'I-Hacen se fut avancé jusqu'à Teçala afin d'opérer sa jonction avec l'armée d'Abou-Yahya-Abou-Bekr et de marcher ensuite sur Tlemcen, dont ils s'étaient proposés de faire le siége, Abou-Tachefin, sultan de cette ville, réussit, par l'entremise de ses agents, à engager l'émir Abou-Ali dans une alliance contre le sultan mérinide. Par ce traité, chacune des parties contractantes s'imposa l'obligation d'entraver les opérations d'Abou-'l-Hacen, toutes les fois que ce monarque entreprendrait des hostilités contre l'autre partie. L'émir Abou-Ali se mit alors en révolte contre son frère, sortit de Sidjilmessa pour envahir le Derâ et installa dans cette province un de ses officiers comme

gouverneur, après avoir tué celui qui y commandait au nom d'Abou-'l-Hacen. Du Derà, il envoya un corps de troupes dans la province de Maroc.

Le sultan était à Teçala quand cette nouvelle lui arriva, et; outré de colère, il résolut de se venger et reprit aussitôt le chemin de sa capitale. Parvenu à Taourîrt[-sur-Za], une des places frontières de son royaume, il y laissa une garnison sous les ordres de son fils, Tachefin, auprès duquel il plaça en qualité de directeur, le vizir Mendil-Ibn-Hammama-Ibn-Tirbighîn. S'étant alors dirigé vers Sidjilmessa, il y arriva à la suite d'une marche très-rapide et, l'ayant investi, il employa une foule d'ouvriers à construire des machines de guerre et à bâtir une ville sous les murs de la place. Pendant une année entière, il continua le siége sans donner aux révoltés le moindre répit.

Abou-Tachefin, l'abd-el-ouadite, se jeta alors sur la frontière mérinide avec ses troupes et y répandit le ravage et la dévastation afin d'obliger le sultan à lever le siége et à venir dégager le Maghreb. Arrivé près de Taourîrt, il se laissa battre par le fils d'Abou-'l-Hacen, qui en était sorti, avec ses vizirs et ses troupes pour lui livrer bataille. S'étant ensuite réfugié dans [Tlemcen], son asile ordinaire, il s'empressa d'envoyer un corps de troupes au secours d'Abou-Ali. Ce détachement réussit à s'introduire dans Sidjilmessa en s'y glissant far petites bandes et par individus isolés.

Pendant ce temps, le sultan continua le siége de la ville, jusqu'à ce qu'il l'emportât de vive force et lui fît éprouver tous les maux de la guerre. L'émir Abou-Ali, fait prisonnier à la porte de son palais, fut amené devant le vainqueur et mis aux arrêts. Après avoir établi uu nouveau gouverneur dans Sidjilmessa, Abou-'lHacen repartit pour Fez, où il arriva l'an 733 (1332-3). Il fit alors enfermer son frère dans une des chambres du palais et, quelques mois plus tard, il donna l'ordre de l'étrangler.

Ce qu'il pouvait y avoir de blâmable dans la conquête de Sidjilmessa fut bientôt racheté par celle de Gibraltar, ville que les musulmans, commandés par son fils, Abou-Malek, enlevèrent aux chrétiens.

SIEGE ET PRISE DE GIBRALTAR PAR LES MUSULMANS SOUS LES ORDRES DE L'EMIR ABOU-MALEK.

Abou-'l-Ouelid[-Ismail], fils du raïs Abou-Saîd, enleva le royaume de l'Andalousie à son cousin, Abou-'l-Djoïouch, et mourut en laissant pour successeur un fils en bas âge nommé Mohammed. Celui-ci régna sous la tutelle du vizir Mohammed-Ibn-elMahrouc, membre d'une des premières familles de l'Andalousie et employé, depuis des longues années, au service de l'état. Ee sultan Mohammed, étant entré dans l'adolescence, souffrit avee impatience la domination de son vizir et, à l'instigation de ses esclaves chrétiens, il le fit assassiner, en l'an 729 (1328-9). Devenu de cette manière maître de ses volontés, il les consacra au rétablissement de l'autorité royale. !

En l'an 709 (1309), le roi chrétien avait pris Gibraltar et rendu cette ville une voisine très-incommode pour les autres forteresses du Détroit. Les musulmans en furent consternés, sachant que le souverain mérinide était alors trop occupé par la révolte de son fils pour venir à leur secours. D'ailleurs, le gouvernement du Maghreb [ne possédait plus aucun point d'opération dans la péninsule; il] avait rendu la ville et les forts d'Algéciras à Ibn-el-Ahmer en l'an 712 (1312-3). Frappés enfin de la grande supériorité que la puissance du roi chrétien avait acquise, les Andalousiens remirent cette ville aux Mérinides, l'an 729. Le sultan Abou-Saîd y installa un de ses oncles maternels, le nommé Soltan-Ibn - Mohelhel, chef de la tribu arabe de Kholt.

Après la mort de ce prince, les chrétiens s'emparèrent de la plupart des forts qui dépendent d'Algeciras et interceptèrent ainsi toute communication avec le Maghreb. Peu de temps auparavant le sultan de l'Andalousie avait fait mourir son vizir

Le texte arabe porte: vers cette époque.

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