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tement et prêtèrent, à huis-clos, le serment de fidélité à l'émir Abd-el-Hack.

Le 10 de Djomada [premier] (octobre), les conjurés sortirent de la Ville-Neuve [de Fez] et, s'étant rendus à Er- Remeka, ils y proclamèrent la déposition du sultan régnant; puis, déployant l'étendard de la royauté, en la présence des grands officiers de l'empire, ils jurèrent fidélité à l'émir Abd-el-Hack. Alors, ils traversèrent le Sebou et campèrent tout près du territoire des BeniAsker, en face de Nebdoura, forteresse appartenant à El-HacenIbn-Ali, un des chefs de la conspiration. Au lendemain, ils prirent la route de Tèza.

Pendant que le sultan organisait une armée dans le camp qu'il avait établi sur le bord du Sebou, les insurgés eurent le temps d'occuper le ribat de Tèza et d'envoyer un agent à la cour de Tlemcen pour négocier une alliance avec Mouça, fils d'OthmanIbn-Yaghmoracen, et pour le décider à leur fournir des hommes et de l'argent. Ils avaient espéré que le sultan abd-el-ouadite accueillerait très-volontiers une proposition de cette nature, puisque son intérêt devait le porter à mettre la désunion dans une nation qui s'était toujours montrée l'ennemi de la sienne. Leur espoir fut trompé ; Mouça voulut d'abord s'assurer de la tournure que cette révolte devait prendre, et il se déclara lié par le traité de paix qu'il avait conclu avec les Mérinides, lors de son avénement au trône.

Le sultan Abou-'r-Rebiâ fit enfin partir Youçof-Ibn-Eîça-elDjochemi et Omar-Ibn-Mouça-el-Foudoudi avec le gros de l'armée, et il les suivit de près à la tête de l'arrière-garde. Les insurgés s'éloignèrent de Tèza et allèrent implorer le secours du sultan de Tlemcen. Ce prince reconnut alors qu'il avait agi très-sagement en tardant de les soutenir et s'y refusa de nouveau sous le prétexte qu'ils venaient d'abandonner Tèza, la seule ville dont il se serait engagé à leur assurer la possession. Comme il n'y avait plus rien à espérer de ce côté là, Abd-el-Hack-Ibn-Othman partit pour l'Espagne et emmena avec lui Rahhou-Ibn-Yacoub, lequel fut ensuite assassiné dans ce pays par les fils d'Ibn-Abi-'l-Ola. Quant à El-Hacen-Ibn-Ali, il rentra dans sa tribu et, s'étant fait

donner des lettres de grâce, il alla reprendre son ancienne place à la cour du sultan.

Arrivé à Tèza, Abou-'r-Rebiâ, étouffa les dernières étincelles de cette révolte par la punition de ceux qui y avaient pris part, tant des chefs que des serviteurs; les uns furent mis à mort. les autres emmenés captifs. Il y était encore quand il sentit l'atteinte de la maladie qui devait l'emporter. Il mourut vers la fin du mois de Djomada second 710 (novembre 1310), après une indisposition quelques jours seulement. On l'enterra à Teza, dans la cour de la graude mosquée, et on le remplaça sur le trône par Abou

Said.

AVÉNEMENT DU SULTAN ABOU-SAID [-OTHMAN, FILS DE YACOUB, FILS D'ABD-EL-HACK].

Lejour même de la mort du sultan Abou-'r-Rebiâ, son oncle, Othman, fils du sultan Abou-Yacoub et surnommé Ibn-Cadîb (fils de la tige flexible) du nom de sa mère, rechercha le pouvoir suprême et n'épargna ni démarches ni intrigues pour y parvenir. A l'entrée de la nuit, les vizirs et les cheikhs se réunirent au palais et, comme ils s'étaient laissés gagner par l'argent et les promesses qu'Arîba, sœur d'[Abou-Saîd] Othman, fils du sultan AbouYouçof leur avait prodigués, ils choisirent pour sultan ce prince illustre qui était alors chef de la branche principale et des branches collatérales de la famille royale. Pendant qu'ils délibéraient encore, son concurrent, Othman, fils d'Abou-Yacoub se présenta pour acheter leurs suffrages, mais ils lui ordonnèrent de se retirer. Avant de lever la séance, ils firent venir Abou-Saîd [Othman, fils d'Abou-Youçof- Yacoub] et, l'ayant salué sultan, ils rédigèrent des lettres par lesquelles il fut ordonné à tous les

1 Lisez Es-Soltan à la place d'El-Hacen dans le texte arabe.

gouverneurs de provinces et aux autres fonctionnaires de convoquer leurs administrés et de recevoir d'eux, au nom du nouveau sultan, le serment de fidélité.

L'émir Abou-'l-Hacen, fils aîné d'Abou-Saîd, partit aussitôt pour Fez, par l'ordre de son père, et, y étant arrivé au commen cement du mois de Redjeb (fin de novembre), il entra au palais et prit possession des trésors qui y étaient déposés.

Le lendemain de la nomination du nouveau sultan, une foule immense se trouva rassemblée sous les murs de Tèza, et là, on fit prêter le serment de fidélité aux Mérinides, aux Zenata, aux tribus, aux Arabes, aux divers corps de l'armée, aux clients de la famille royale, à ses protégés et serviteurs, aux docteurs de la loi, aux gens qui vivaient dans la dévotion, aux chefs des corps et métiers, aux notables et aux hommes du peuple. Se trouvant ainsi revêtu de l'autorité suprême, le sultan distribua de nombreuses gratifications et se mit à examiner l'état de l'administration publique. Par son ordre, on supprima les droits de marché et d'autres impôts oppressifs, on vida les prisons et on cessa d'exiger l'impôt des maisons, taxe qui pesait beaucoup sur les habitants de Fez.

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Le 20 Redjeb (14 décembre), Abou-Saîd partit pour la capitale où il reçut les députations qui venaient de toutes les parties du Maghreb pour le féliciter de son avénement au trône. Dans le mois de Dou-'l-Câda (mars-avril 1311), il se rendit à Ribat-elFeth avec l'intention d'inspecter le pays, d'améliorer le sort de ses sujets, de lever des troupes pour la guerre sainte et de faire construire des navires pour combattre les chrétiens. Après la fête du sacrifice (1er mai), il revint à Fez et, en l'an 711 (1311-2) il nomma son frère, l'émir Abou-Baca-Yaïch, au gouvernement de ses forteresses espagnoles, Algéciras, Ronda et les châteaux qui en dépendent.

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En l'an 713(1313-4), il partit pour les provinces marocaines

↑ En y retenant, toutefois, les brigands, les assassins et les gens condamnés par arrêt de justice. (Cartas.)

afin de les faire rentrer dans l'ordre et de châtier Adi-Ibn-Hennou-el-Heskouri qui s'était mis en révolte. Ayant emporté d'assaut le château'où les insurgés s'étaient enfermés, il chargea de fers leur chef Adi, l'emmena à Fez et l'enferma dans la prison d'état. Ensuite, il forma le projet d'une expédition contre Tlem

cen.

PREMIÈRE EXPÉDITION DU SULTAN ABOU-SAID CONTRE Tlemcen.

Quand Abd el-Hack-Ibn-Othman, l'émir qui s'était révolté. contre le sultan Abou-'r-Rebiâ, se fut emparé de Tèza avec le secours d'El-Hacen-Ibn-Ali-Ibn-Abi-'t-Talac, chef desBeni-Asker, il envoya de fréquents messages au sultan Abou-Hammou-Mouçà, souverain des Beni-Abd-el-Ouad. Cette circonstance donna beaucoup d'ombrage aux Mérinides, et l'asile qu'Abou-Hammou accorda ensuite aux insurgés souleva, chez ce peuple, une vive indignation.

Le sultan Abou-Saîd, étant monté sur le trône, trouva l'esprit public très-excité contre le gouvernement abd-el-ouadite; aussi, quand il eut pacifié ses provinces marocaines et envoyé un gouverneur-général dans ses possessions espagnoles, il entreprit une expédition contre Tlemcen. Arrivé sur le bord de la Molouïa, en l'an 744 (131 4-5), il plaça ses fils Abou-'l-Hacen et Abou-Ali, à la tête des deux fortes colonnes qui fermaient les ailes de son armée et leur fit prendre les devants, pendant qu'il les suivait avec le reste de ses troupes. Étant entré sur le territoire abd-elouadite sans avoir abandonné cet ordre de marche, il y répandit la dévastation et dirigea un assaut terrible contre la ville d'Ou djda. Trouvant dans cette place une vigoureuse résistance, îl passa outre et prit le chemin de Tlemcen. Parvenu à l'hippodrôme (meláb) qui avoisine cette capitale, il y dressa son camp et força le sultan Abou-Hammou-Mouça de s'abriter derrière ses remparts et d'y rester enfermé pendant que les Mérinides s'occupaient à soumettre les forteresses, les plaines et les populations

agricoles de l'empire. Après en avoir ravagé les provinces et détruit les moissons, il châtia les Beni-Iznacen et se rendit maître de leurs montagnes et de leurs places fortes. Quand il fut revenu à Oudjda, son frère Yaïch-Ibn-Yacoub, dont il soupçonnait les mauvaises intentions, s'enfuit du camp et chercha un asile dans Tlemcen, auprès d'Abou-Hammou-Mouça. Le sultan ramena son armée en bon ordre à Tèza et, s'y étant arrêté, il envoya à Fez son fils Abou-Ali. Dans le chapitre suivant nous parlerons de la révolte de cet émir.

L'ÉMIR ABOU-ALI SE RÉVOLTE CONTRE SON PÈRE.

Le sultan Abou-Said avait deux fils dont l'aîné, [Abou-'l-Hacen-Ali, naquit d'une abyssine, et dont le cadet, [Abou-Ali-] Omar, eut pour mère une esclave chrétienne. Celui-ci avait toujours été le favori de son père et, bien qu'il ne fût qu'un jeune homme imberbe à l'époque où Abou-Said devint sultan du Maghreb, il n'en fut pas moins désigné comme héritier du trône. Le sultan lui accorda alors les titres d'honneur réservés aux personnages revêtus de hauts commandements; il lui forma une maison, attacha à son service des gens de compagnie, des courtisans et des secrétaires, lui accorda la permission de signer avec le paraphe impérial et lui donna pour vizir un serviteur dévoué de la famille royale, homme d une grande influence nommé Ibrahim-Ibn-Éïça-el-Irnîani.

Son frère aîné, Abou-'l-Hacen-Ali, portait à ses parents l'affection la plus vive et, pour ne pas contrarier son père, il accepta un emploi qui le mit au nombre des serviteurs d'Abou-Ali. Pendant un temps considérable, celui-ci jouit de sa haute fortune : il était en correspondance avec les princes des pays voisins, il recevait de leur part des lettres et des cadeaux ; il nommait à des commandements militaires, il entretenait des troupes à sa solde, il augmentait, diminuait, supprimait, à son gré, les traitements

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