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tandis que les descendants d'Othman ben Oméïa, ou Oméïades, triomphent et fondent, au milieu des luttes les plus confuses, l'empire oméïade de Damas.

Mais la lutte continue entre un certain Moaouia, gouverneur de Syrie, et les Alides et c'est de cette époque que date ce qu'on nommera la rivalité des Kelbites et des Caïsites.

Il est nécessaire d'expliquer ces dénominations qui reviennent constamment dans l'histoire de l'Islam. Les Arabes se sont toujours divisés en deux races ennemies : les Yéménites (parmi lesquels on comptait les Médinois) et les Maaddites. Les deux fractions portaient, dans chaque région, des noms différents et, en Syrie en particulier, les représentants du parti Yéménite étaient les Kelbites; les Caïsites, au contraire, se réclamaient de Maad.

Les descendants de Moaouïa, soutenus par les Kelbites, restèrent seuls maîtres du pouvoir, à la fin du VIIe siècle.

Dans les siècles suivants, on voit se perpétuer la rivalité des Kelbites et des Caïsites, tant à Kairouan qu'en Espagne et en Sicile.

Rappelons enfin qu'au milieu du viIe siècle (749) le khalife oméïade est tué après plusieurs années de luttes acharnées, et Abou el-Abbas es-Seffah s'assied sur le trône de Damas et fonde la dynastie des Abbassides.

Cette dynastie règne désormais à Bagdad, mais deux siècles plus tard, à la fin du xe siècle, nous la trouvons affaiblie et réduite à la possession de sa capitale. La prise de Bagdad par les Mongols, en 1258, met fin définitivement au khalifat d'Orient.

II. La doctrine religieuse des Arabes.

Toute la doctrine musulmane1 tient dans la phrase qui, du reste, porte le nom de profession de foi : « La ilaha ill Allah, Mohammed rassoul Allah », « Il n'y a de Dieu que Dieu et Mohammed est le Prophète de Dieu ».

1. Voyez I. Hamet, op. cit., p. 269. « Les grands dogmes de

(Mot à mot: Il n'y a pas de divinité si ce n'est Allah; Mohammed est l'envoyé d'Allah.)

Tout le dogme consiste dans la croyance à ce Dieu unique et dans la vénération de Mahomet, dernier des prophètes, investi par Dieu de la mission de ramener les hommes au culte des anciens patriarches et à la croyance en l'unité de Dieu. Il se complète par la croyance en trois livres révélés : la Bible, l'Évangile, le Coran.

La religion musulmane nie la Trinité et la divinité de Jésus (Sidna Aïssa), qui n'est considéré que comme un prophète, mais auquel on reconnaît une nature particulière 1.

Il résulte de cette définition qu'un grand nombre de points, dont les chrétiens avaient fait des articles de foi, font seulement partie de la tradition musulmane; le dogme s'en trouve allégé d'autant.

Toutefois, Mahomet a accompagné sa doctrine religieuse d'un code de morale extrêmement précis, comportant même les règles du gouvernement temporel des peuples, de sorte que les premiers souverains sont à la fois rois, chefs et juges, mais surtout prêtres, et se donnent à eux-mêmes le nom de « pontifes et vicaires du Prophète », ou « imams » : l'imamat est donc la clef de voûte de tout l'édifice de l'Islam.

Une sorte de catéchisme musulman, dû au « très vénéré imam Nedjem ed din Nassafi » mort à Bagdad en 1142, définit assez exactement ce rôle :

« Les musulmans, dit-il, doivent être gouvernés par un imam qui ait le droit et l'autorité de veiller à l'observation des préceptes de la loi, de faire exécuter

l'Islam sont, dit-il : la croyance dans l'unité de Dieu et la mission de Mahomet, la résignation à la volonté d'Allah et la croyance dans la sanction divine. »

1. Voyez Coran, sourate xix, versets 16 et suiv. Jésus, fils de Marie, est regardé comme un prophète, mais aussi comme engendré par le souffle de Dieu. C'est le dogme chrétien de l'Immaculée conception.

les peines légales, de défendre les frontières, de lever les armées, de percevoir les dîmes fiscales, de réprimer les rebelles et les brigands, de célébrer la prière publique et les fêtes,... de juger les citoyens... de pourvoir enfin au partage du butin légal1. »

Les statuts complets de la religion ont d'ailleurs été donnés par le Prophète lui-même, lorsqu'il a dit : « L'édifice de l'Islam s'appuie sur cinq points : 1o la profession de foi, 2o les cinq prières quotidiennes, 3o la dîme aumônière, 4o le jeûne canonique du Ramadan, 5° le pèlerinage de la Mecque. >>

Il résulte enfin du rôle politique de l'imam que la prière publique du vendredi doit être faite au nom du successeur du Prophète. Dans tous les pays d'Islam, c'est le souverain régnant ou le sultan de Stamboul; en Algérie c'était, avant la conquête française, à l'est et chez les Touareg, le sultan de Stamboul, au Touat, au Gourara et dans l'ouest, l'empereur du Maroc. Aujourd'hui, on a adopté en Algérie, pour la prière publique, une formule conventionnelle où aucun souverain n'est nommé.

Le khalife Othman fit réunir les feuillets épars du Coran, et recueillit les traditions orales laissées par Mahomet, qui devinrent la Sounna. Quatre jurisconsultes fondèrent alors quatre rites orthodoxes ou sunnites : Le rite malékite, spécial à l'Afrique;

Le rite hanéfile, spécial aux Turcs;

Le rite chaféite, spécial à l'Égypte et à l'Yemen;

Le rite hanébalite, spécial aux Indes et à l'ExtrêmeOrient.

En Afrique, le rite hanéfite, introduit par les Turcs, n'est pratiqué naturellement que dans les villes du littoral où ils se sont établis.

On distingue, dans tous les pays d'Islam, et quel que soit celui des quatre rites qui soit professé :

1° Un personnel cultuel, qui ne peut d'ailleurs être

1. Cité par L. Rinn, Marabouts et Khouan.

assimilé à ce qu'on entend en France par « le clergé ». 2o Les marabouts locaux.

3o Les ordres religieux (ou Khouan).

Le personnel cultuel comprend : des imams, qui président aux prières, et des moflis, interprètes de la loi.

Les marabouts, ou saints musulmans, sont des hommes recommandables par le savoir et la pratique des vertus islamiques; quand ils sont riches, ils vivent isolés dans une zaouïa ou une mammera (zaouïa modeste) avec leur famille et leurs serviteurs. Un marabout descend quelquefois d'un chérif et toujours d'un saint homme (ouali).

Les ordres religieux ont pris naissance à la faveur des désordres qui marquèrent les débuts de l'Islam; on n'en compte pas moins de 72, d'importance très différente. Ils ne sont pas formés exclusivement de familles religieuses, mais recrutent leurs adhérents dans toutes les classes de la société. Un ordre doit seulement, pour être reconnu, faire preuve d'orthodoxie musulmane, et c'est là chose facile il suffit que le fondateur ait suivi l'enseignement d'un docteur orthodoxe connu; il établit alors une sorte de filiation ou chaîne mystique remontant jusqu'au Prophète lui-même; l'excellence de la doctrine enseignée se trouve ainsi affirmée. Nous donnons à titre d'exemple la chaîne mystique de l'ordre célèbre des Kadrya.

Les ordres religieux principaux se réclament soit d'un des premiers khalifes, Abou Bekr ou Omar, soit directement d'une révélation divine qui, en général, s'est effectuée par l'entremise de Sidi el-Khadir (le prophète Elie). Celui-ci, selon la croyance musulmane, a bu à la source de vie et a été exempté de la mort. Sa personnalité est dédoublée : Elias erre sur la terre; elKhadir vit au fond de la mer; un jour par an, les deux personnalités se rencontrent pour se concerter, et el-Khadir devient l'intermédiaire entre Dieu et les hommes, leur donne le pouvoir de faire des miracles, etc. Nous avons mentionné déjà l'ordre des Kadrya, fondé par Sidi Abd el-Kader au XIIe siècle, et qui

possède jusqu'à 200 oratoires dans la province d'Oran. Un autre ordre mystique, très répandu en Algérie, fut fondé au xve siècle par un certain Abou Zeid Abd erRhaman el-Thâalebi, qui professa à Tlemcen. Il emprunta beaucoup à l'ordre des Kadrya et porte le nom de son fondateur Sidi Abd er-Rhaman ».

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On donne aujourd'hui à certains de ces ordres le nom de confréries; ces associations sont plus politiques que religieuses et les musulmans eux-mêmes leur dénient tout caractère religieux.

De simples musiciens ambulants sont les propagateurs de leurs doctrines, et pourtant ces confréries ont une action considérable. Leur étude est de la plus haute importance pour les nations en contact avec les peuples musulmans, surtout dans l'Afrique du Nord 1.

Enfin il est nécessaire de compléter ces notions sur la religion musulmane par la définition du Soufisme.

Les premiers néophytes de l'islamisme s'étaient réunis, du vivant même du Prophète, à la manière des chrétiens, mais sans adopter comme eux la vie monacale. Ils fondèrent ainsi le premier des ordres religieux; celui des Seddikia, et se donnèrent eux-mêmes le nom de Soufi, qui évidemment a la même racine que le grec copos (sage) 2.

Le soufisme n'est donc ni une secte religieuse ni un système philosophique : ce n'est que la recherche, par des pratiques pieuses, d'un état de pureté morale et de spiritualisme assez parfait pour permettre à l'âme des

1. Une étude très complète en a été faite récemment. Voir Depont et Coppolani: Les Confréries musulmanes.

2. Les pratiques extérieures du soufisme consistaient surtout dans la recherche de la pauvreté et dans l'ascétisme : c'est évidemment en raison de l'habitude des soufi de certains ordres de se vêtir de laine grossière (souf) que certains auteurs ont voulu voir dans ce mot l'origine de « soufi ..

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