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rares qui soient. Elle pesait 20 kintars et n'avait jamais été travaillée ni fondue. Ce prince fut atteint de la maladie du sommeil dont il mourut. »>

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Les Juifs qui formaient en Berbérie, avant la conquête française, des groupements nettement séparés des indigènes, sont venus en plusieurs fois dans le pays et, à certaines époques, y ont occupé une place importante.

L'immigration principale eut lieu sous Titus; les Juifs se multiplièrent, surtout en Tripolitaine, au point que les Romains se résolurent à les exterminer vers le Ie siècle. Ils s'étaient répandus d'ailleurs sur tout le pays et, à cette époque où les dieux romains étaient partout oubliés, un grand nombre de Berbères adoptèrent le judaïsme : la Kahena, la fameuse reine des Berbères qui lutta contre les Arabes au viie siècle, professait le judaïsme. Il est certain que la similitude de religion amena de nombreux mélanges avec les populations locales.

En Khroumirie, en Kabylie, dans l'Aurès, à Figuig même, sans parler du Maroc, certains groupements israélites vivent sous la tente avec les indigènes dont ils portent le costume. Dans le nord-ouest de la Tunisie ils sont de préférence forgerons; ils sont blonds et descendent évidemment de Berbères judaïsés 1.

Un grand nombre d'Israélites vinrent enfin d'Espagne après la chute du royaume de Grenade, en 1492. Ils se rendirent dans les principales villes de la côte, mais surtout au Maghreb et notamment à Fez.

C'est en Tunisie, où ils ont conservé jusqu'à la fin du XIXe siècle leur moeurs et leur costume, qu'il est le plus facile de les étudier aujourd'hui ; on y rencontre des

1. Voyez sur ce sujet des études de Nahum Slouschz, dans la Revue du monde musulman et les Archives marocaines.

Juifs Livournais; des Juifs venus de France; d'autres enfin originaires de Constantinople et d'Asie Mineure. Aussi la population juive ne présente-t-elle pas de caractères ethniques définis : on y trouve les types les plus variés, depuis le brachycéphale jusqu'au sujet négroïde. En Tunisie, les Israélites se divisaient au point de vue administratif, en deux communautés : l'une est celle des Tunisiens proprement dits, l'autre celle des Livournais ou Grana: ces derniers, différents par les mœurs, le langage et le rituel, ont constitué un schisme en 1710. Leur influence auprès des beys comme médecins, banquiers, hommes d'affaires fut considérable. Au contraire, l'Israélite tunisien exerçait les professions manuelles (tapissier, tailleur, cordonnier, etc.).

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Le costume des hommes a été longtemps imposé par des lois édictées par les beys. Les Israélites devaient avoir des vêtements spéciaux de couleur sombre, généralement bleus avec des pantalons gris. Les Livournais obtinrent comme une faveur de pouvoir porter un bonnet de coton blanc. Les chapeaux et vêtements européens leur étaient interdits.

Les femmes ont pris, à Tunis, le costume des bourgeoises musulmanes, ou tout au moins le bonnet conique et la blouse courte; le pantalon en effet diffère de forme il est collant chez la femme indigène des villes, généralement flottant, large et serré à la cheville chez la femme juive. Dans le Sahel, les Juives revêtent d'ordinaire de grandes blouses formant robe qu'elles serrent à la taille; dans le sud tunisien, elles portent une étoffe de cotonnade anglaise, à carreaux rouges et noirs, qu'elles drapent en forme de péplos.

HISTOIRE DES ROCASA, FAMILLE JUive de Fez (xiiie siècle)

[Le passage suivant d'Ibn Khaldoun fait très exactement comprendre le rôle que jouaient les Juifs en Afrique et les sentiments des indigènes à leur égard.] 1. Ibn Khaldoun, t. IV, p. 167-168.

«Dans sa jeunesse, le sultan mérinide Abou Yacoub Youssof se livrait au plaisir avec passion, mais à l'insu de son père, prince très religieux et de mœurs fort austères. Il buvait du vin et faisait avec ses compagnons des parties de débauche. Selon l'usage des grands personnages, il avait pour intendant un de ces Juifs Moaheds qui habitent la ville de Fez1.

« Cet homme, nommé Khalifa Ibn Rocasa, rendait à son maître des services de toute nature et fabriquait du vin pour son usage. Il finit par devenir le confident du prince et par être en grand crédit auprès de lui.

« Abou Youssof, monté sur le trône, continua à boire en secret avec ses intimes, et permit à Khalifa d'assister à ces réunions en qualité d'intendant du palais. Dès lors, la puissance de ce juif n'eut plus de bornes.

<< Mais, revenu enfin des égarements de la jeunesse, le sultan remarqua que cet homme ainsi que son frère étaient courtisés par les chefs mérinides, par les vizirs, les chérifs et les docteurs de la loi musulmane; aussi prit-il la résolution de se débarrasser d'eux à la première occasion. Pendant que l'armée campait sous les murs de Tlemcen (en 1299), il se saisit d'eux, les fit mettre à la question et mutiler, puis mettre à mort. Le même sort fut réservé à leurs familles, à leurs proches et à leurs parents.

<< Par ces exécutions, l'empire fut délivré d'une tache qui le souillait et d'une domination qui l'avait avili. »

1. Le moahed est un juif ou un chrétien qui a passé un traité (ahd) avec une puissance musulmane pour s'assurer la possession de ses biens.

CONCLUSION

Nous n'avons eu d'autre but, en essayant de faire revivre les civilisations indigènes de l'Afrique du Nord, que de réagir contre cette opinion trop répandue que ce pays est peuplé de « barbares » fanatiques et rebelles. à toute civilisation.

Certes, en mettant le pied en Berbérie, au cours du XIXe siècle, nous avons trouvé le pays en pleine anarchie; les campagnes étaient loin d'être cultivées comme elles pouvaient l'être; il est incontestable que, depuis trois siècles, les régions que nous avons au cours de cet ouvrage désignées des noms d'Ifrikya et de Maghreb central avaient, à la faveur du désordre, perdu leur prospérité passée.

Mais peut-on méconnaître les puissants empires qui brillèrent successivement avec tant d'éclat, alors que l'Europe connaissait encore la barbarie?

Les noms de Massinissa et de Jugurtha qui, les premiers, ont enseigné à leurs peuples l'agriculture, nous sont familiers; mais nous avons le tort de trop ignorer l'histoire des siècles qui suivent.

Oublierons - nous les conquêtes des Almoravides? Oublierons-nous l'empire des Almohades de Maroc (Marrakech) qui s'étendit à toute la Berbérie, et atteignit déjà à un haut degré de civilisation?

L'empire oméïade d'Espagne est plus connu; mais on paraît oublier que la race maure de la Péninsule était en grande partie formée de Berbères immigrés du Maghreb.

Au moyen âge, les trois régions qui n'ont pas cessé depuis lors d'être distinctes prennent une sorte de personnalité, et trois puissantes dynasties berbères règnent de concert pendant plusieurs siècles Mérinides à Fez, Zeyanites à Tlemcen, Hafsides à Tunis.

Qu'on relise le récit des expéditions des sultans mérinides de Fez à travers l'Afrique du Nord, et l'on pourra constater qu'on ne se trouve pas en présence d'une horde de barbares, mais bien en face de l'armée d'un pays policé.

Enfin l'extrême occident, loin de rester en arrière, était, au xvIe siècle, le foyer des lumières : tandis qu'un puissant chérif, El-Mansour (le Victorieux), régnait à Maroc, l'École de légistes de Tombouctou étendait son renom sur toute l'Afrique du Nord.

C'est l'arrivée des Turcs sur les côtes de la Méditerranée occidentale qui vint mettre fin à cette époque glorieuse. Tout change alors en Berbérie: Tunis seule conserve sous la domination turque son éclat passé; Tlemcen connaîtra la ruine et le Maghreb central tombera dans l'anarchie.

Nous avons voulu, en outre, réagir nettement contre cette opinion que l'Afrique du Nord est peuplée « d'Arabes». L'étude de la lente progression des tribus arabes vers l'ouest, à laquelle nous nous sommes livré, n'a pas eu d'autre but.

Les habitants de l'Afrique du Nord, pas plus que les Maures d'Espagne, ne sont des Arabes. Ce pays est le patrimoine de cette belle race berbère, parente des autres races du bassin méditerranéen, qui peuple encore les montagnes de Kabylie et la majeure partie du Maroc, forte race qui sait unir les instincts guerriers à la plus paisible et à la plus laborieuse activité.

Au temps de Rome, ce sont les Numides, pères des Kabyles d'aujourd'hui qui, sous la direction des colons,

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