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maintenir leur puissance militaire, qui était la sauvegarde de la tranquillité de l'Afrique. Les Vandales se laissèrent de plus en plus aller aux charmes de la vie romaine, tandis que les indigènes, au contraire, retrouvaient peu à peu leurs qualités militaires.

Genséric les avait armés et les avait laissés libres de détruire les villes orthodoxes de la Numidie et des Maurétanies. Bientôt les ruines couvrirent tout le pays, et la peste, qui devait si souvent par la suite désoler l'Afrique, y fit son apparition. Les Vandales eux-mêmes avaient à souffrir des brigandages des indigènes et, reculant devant eux, se voyaient réduits à la possession du littoral.

Mais, si les Numides parlaient en maîtres, aucun chef ne vint alors les grouper pour faire renaître le royaume de Massinissa.

C'est dans les montagnes de Bysacène, qu'au vie siècle, à la fin de l'époque vandale, puis sous la domination byzantine, devait être tentée une reconstitution de l'ancien royaume, sous Antalas, fils de Guenfan, chef des Frexes. Dès ses premières années, les prêtresses avaient prédit à ce jeune prince de grandes destinées; à dix-sept ans, les razzias qu'il entreprit en Bysacène lui firent une réputation d'audace, et bientôt il devint un redoutable chef de bandes. Dans les dernières années de l'occupation vandale, il vint, à la tête de ses cavaliers, ravager les riches contrées encore cultivées, et enrichit sa tribu du butin qu'il en rapporta. Les Vandales se portèrent contre lui; il les défit à l'entrée de ses montagnes et porta ses ravages jusqu'au littoral oriental. Les indigènes firent subir aux Africains, d'après Procope, les plus indignes traitements : « La plus grande partie des campagnes, dit-il, se trouva vide d'habitants; les populations échappées au massacre se réfugièrent à Byzance. Comme personne ne leur résistait, les Numides ravageaient et pillaient avec une ardeur croissante. >>

Les cultures abandonnées restaient les seuls témoins de la prospérité des campagnes.

Les Vandales, enfin, vont disparaître devant les Byzantins. Le dernier de leurs princes, Hildéric, ayant fait hommage de vassalité à l'empire d'Orient, se voit détrôné par Gélimer : c'est alors que Justinien songe à intervenir en Afrique et à restaurer la « Province romaine », autrefois si prospère.

Les Vandales ont régné à Carthage un siècle entier, mais on ne peut pas dire qu'il y ait eu, dans la Province romaine et en Numidie, une « domination vandale »>; si Genséric maintint dans le respect les peuplades indigènes, ses guerriers ne soumirent véritablement que les côtes. Cette occupation du pays est tout à fait comparable à ce que sera l'occupation des Espagnols au XVIe siècle.

En 531, les Byzantins s'emparèrent de l'Afrique. Leur général, Bélisaire, n'eut qu'à se présenter les Vandales furent rapidement dispersés, et cessèrent subitement de compter en Afrique.

Mais les Byzantins sentirent la nécessité de rétablir l'ordre et de mettre à nouveau la colonisation à l'abri des ravages des indigènes. Toutes les villes dont les Vandales avaient rasé les murailles furent fortifiées, et le pays se couvrit d'une multitude de forteresses élevées à la hâte.

Les Berbères parurent accepter d'abord la domination byzantine. Bélisaire envoya de riches présents à leurs chefs, et donna à ceux d'entre eux qui étaient restés neutres dans sa lutte avec les Vandales «< une baguette d'argent doré, un bonnet d'argent en forme de couronne, un manteau blanc qu'une agrafe d'or attachit sur l'épaule droite, une tunique qui, sur un fond blanc, offrait des dessins variés, et des chaussures travaillées avec un tissu d'or ». Il y joignit, comme les Romains le faisaient, de grosses sommes d'argent.

Antalas, à l'arrivée de Bélisaire, se soumit à lui et

fut investi des fonctions de chef suprême des tribus de Bysacène. En lui, la Numidie semblait avoir retrouvé le successeur de ses anciens rois : entouré d'égards et comblé d'honneurs, il négociait avec tous les partis et demandait aux Byzantins une garde de 1 500 soldats. Finalement, il fomentait une formidable insurrection : l'ancien royaume numide semblait sur le point de renaître.

En effet, la politique suivie vis-à-vis des Berbères par Byzance fut déplorable. La religion catholique ayant été rétablie, les anciens Donatistes furent proscrits en masse; aussitôt, les passions religieuses se rallumèrent et l'agitation gagna toute l'Afrique.

En 536, les Berbères se soulevèrent : malheureusement le manque d'entente entre les chefs indigènes ne permit pas la reconstitution d'un puissant empire. Solomon sut rétablir l'ordre et procura au pays quelques années de paix; l'ancienne prospérité parut renaître. Il confirma Antalas dans le commandement des provinces de l'est, pour se porter en toute liberté contre les rois de l'Aurès et du Hodna; Antalas accepta ce rôle de fonctionnaire byzantin et resta inactif.

Mais, Solomon disparu, les résultats de sa politique furent compromis en quelques années; les Berbères se plaignaient des agents du fisc byzantin, le nouveau gouverneur était incapable et cruel. L'Afrique entière fut bientôt en armes, et les grands chefs indigènes reprirent la campagne, tandis que les Louata remontaient du sud en ravageant les campagnes.

Le poète Corippe trace une triste image de ces temps troublés. « L'Afrique, dit-il, menacée d'un grand péril, penchait vers sa ruine. La haine et la fureur s'étaient allumées au cœur des guerriers barbares. Rendus audacieux par le succès de leurs ruses, des combats qu'ils livrèrent, de leurs dévastations, fiers du courage de leurs guerriers, ils portaient la flamme parmi les maisons de cette terre livrée à leur pillage, et de toutes parts emmenaient les Africains réduits en captivité. La

troisième partie du monde, l'Afrique entière, périssait au milieu des flammes et de la fumée des incendies. »

Le calme fut rétabli par Jean Troglita, et l'Afrique connut encore une dizaine d'années de tranquillité.

Mais, sous ses successeurs, le pays fut de nouveau profondément troublé. Les populations craintives recherchaient le voisinage des villes, et partout on constatait les symptômes d'une profonde désorganisation administrative.

Au début du viie siècle, le calme sembla revenir et Héraclius songea même à transporter à Carthage le siège de l'empire d'Orient. Mais la prospérité de l'ancienne Province romaine avait à jamais disparu. L'Afrique resta dans l'état où l'avaient mise les guerres du vie siècle, << si complètement ruinée que le voyageur, sur de longs parcours, s'étonnait de ne pas rencontrer un homme. Les Vandales étaient 80 000 sans compter les femmes et les enfants; les Africains unis aux colons romains formaient une multitude immense, les Berbères étaient plus nombreux encore... et tous avaient péri avec leurs familles 1». Le commerce et l'agriculture étaient ruinés; les colons riches avaient gagné la Sicile ou Byzance; le pays n'offrait plus qu'une immense solitude. Procope assure que cette période troublée coûta cinq millions d'hommes à l'Afrique. L'ancienne Numidie devait rester dépeuplée jusqu'à nos jours.

En somme, au viie siècle, les indigènes avaient partout recouvré leur indépendance.

<< Les Berbères dans les campagnes, dit Ibn Khaldoun, forts par leur nombre et leurs ressources, obéissaient à des rois, des chefs, des princes et des émirs; ils y vivaient à l'abri des insultes et loin des atteintes que la vengeance et la tyrannie des Romains et des Francs auraient pu leur faire subir. 2 »

1. Corippe. La Johannide.

2. Cette peinture dit assez quel était l'état du pays au début du vir siècle : l'Aurès était devenu indépendant, les Maures de l'ouest et les Louata du sud n'avaient jamais cessé de l'être. Les

Les auteurs arabes sont les premiers qui aient employé le nom de « Berbères ». On a fait dériver ce mot de Barbari, mais il est plus probable que l'on doit y voir une dénomination propre à la race aborigène de l'Afrique du Nord. Il est fait mention en effet, aux premiers siècles, de peuples nommés Barbari, Barbares, Sabarbares, Suburbures; il est vraisemblable que l'origine de tous ces noms propres, comme celle du mot Berbères qu'adopteront les Arabes, est dans le nom des Brabra du bassin du Nil; les Brabra sont en effet les premiers habitants de l'Afrique que les Arabes ont rencontrés en pénétrant sur ce continent.

Byzantins avaient reculé de toutes parts et ramené leurs garnisóns dans les grandes villes de la Province romaine.

Les premières hordes arabes arrivant d'Egypte, vers le milieu du siècle, allaient rencontrer de puissants états indigènes ayant leurs lois, leurs souverains indépendants, et leur religion. C'étaient.:

Aux confins de la Tripolitaine, les Louata."

Au sud de la Bysacène, les Nefzaoua.

Dans la Numidie et dans l'Aurès les Djeraoua, les Ifrene, les Magraoua.

Dans la Maurétanie Césarienne, les Auraba, « qui, dit Ibn Khaldoun, par leur force numérique et leur bravoure méritaient de commander à tous les autres peuples

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