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tempête qui brise tout ». Les tribus les moins latinisées de l'est se soulevèrent alors à la voix d'Aradion, et la révolte s'étendit jusqu'aux portes de Carthage. La rébellion s'éteignit quand Aradion fut tué près du Kef.

Mais, en 288, les Quinquégentiens recommencèrent leurs incursions, et la situation fut jugée si grave que l'empereur Maximien lui-même vint se mettre à la tête des forces romaines.

La prospérité de l'Afrique romaine va sombrer dans ces désordres, et bientôt nous allons voir les indigènes parler en maîtres de nouveau.

CHAPITRE III

LA BERBÉRIE CHRÉTIENNE

VANDALES ET BYZANTINS1

A partir du ive siècle, la civilisation romaine va peu à peu disparaître, tandis que renaîtra la vie propre des peuplades indigènes..

A l'anarchie politique vient en effet s'ajouter la guerre religieuse. Les Berbères avaient très vite adopté la religion chrétienne; proclamant l'égalité et le mépris des richesses en un temps d'esclavage et de grande propriété foncière, elle devait être particulièrement bien accueillie par un peuple soumis, à l'époque même où il sentait se réveiller le sentiment de sa nationalité. Il semble que les montagnards de l'Aurès et les Kabyles aient surtout fait des doctrines hérétiques le signe de ralliement des peuples prêts à soulever. On verra d'ailleurs le même phénomène se reproduire plus

1. Audollent, Carthage romaine, 1901. L'abbé Duchesne, Le dossier du Donatisme, dans Mélanges de l'École française de Rome, 1890. Yanoski, L'Afrique chrétienne, dans l'Univers pittoresque, 1844. Pallu de Lessert, Les assemblées provinciales et le culte provincial, 1884. Berbrugger, Époques militaires de la Grande Kabylie, 1857.

Ouvrages traitant de l'histoire des Vandales: Marcus, Histoire des Vandales, 1836. Yanoski, Histoire de la domination vandale en Afrique, dans l'Univers pitioresque, 1844. Procope, De bello

Vandalico.

Ouvrages traitant de l'époque byzantine: Ch. Diehl, L'Afrique byzantine, 1896. Corippe, La Johannide, trad. J. Alix, dans la Revue tunisienne, 1902.

tard chez ces populations, quand elles auront embrassé l'islamisme.

Ce fut d'abord l'hérésie des Donatistes, partisans d'un évêque de l'Aurès nommé Donat, et il est bon de faire remarquer que le mouvement séparatiste eut uniquement pour cause une question de personnes; le dogme n'intervint pas. Aux Donatistes se joignirent bientôt des bandes d'esclaves fugitifs qui, sous le nom de Circoncellions, parcoururent le pays en prêchant l'égalité parmi les hommes, et en se livrant à d'affreux massacres.

Enfin, vers la même époque, le schisme d'Arius prit naissance en Cyrénaïque vers 320, le Libyen Arius s'était séparé de l'Église orthodoxe par suite de divergence de vues relatives à la Trinité; ici le dogme était

en cause.

La révolte des Donatistes prit bientôt les proportions d'un soulèvement général. C'est Firmus, fils d'un chef des Quinquégentiens nommé Nubel, qui prit la tête du mouvement, et proclama l'insurrection dans les montagnes du Djurdjura. Les Maures se soulevèrent en même temps dans l'ouest, et des légions entières se joignirent aux rebelles; Yol-Césarée fut brûlée et Firmus proclamé roi. La révolte qui avait gagné la Numidie fut écrasée, mais bientôt les Romains durent se porter contre une nouvelle peuplade, les Isaflenses, habitants du versant sud du Djurdjura, conduits par un chef nommé Mazuca. Vaincus une première fois, ils relevèrent la tête et, sous la conduite d'Igmacen, s'en furent rejoindre Firmus. La campagne dura des années et, à la mort de Firmus, les montagnards n'étaient pas réduits.

Dès lors, l'insurrection ne fit que s'étendre. En 368, Gildon, frère de Firmus, qui d'abord avait combattu dans les rangs des Romains, se mit à la tête des révoltés: il commandait à 70 000 guerriers mal armés et deminus, montagnards à pied et cavaliers Maures et Gétules.

L'Afrique se trouve alors livrée à elle-même : c'est la fin de la domination romaine. La vie agricole disparaît peu à peu pour faire place aux anciennes mœurs des

peuples pasteurs; les tribus reprennent leurs groupements anciens 1.

Le début du ve siècle est l'époque où l'empire d'Occident chancelle, et, tandis que les Goths menacent le vieux monde, les Vandales exercent leur domination sur l'Espagne et leurs vaisseaux sillonnent la Méditerranée occidentale.

En 415, ils gagnent la côte d'Afrique et apparaissent en Maurétanie.

L'Afrique romaine est, elle aussi, en pleine décadence, et désolée à la fois par les luttes religieuses et les révoltes des indigènes. De toutes parts, les roitelets numides chargés de gouverner leurs tribus au nom des Romains, se soulèvent, et les bandes indigènes commencent à menacer les colons.

Les Vandales s'avancent alors sous le commandement de Genséric. Ils sont bien accueillis par les indigènes,

1. Les peuples qui couvrent alors l'Afrique du Nord sont les suivants, désignés par les noms que nous ont transmis les Romains: En Tripolitaine : les Barcéens; - les Seli qui forment une puissante tribu sur les confins de la Cyrénaïque; les Gadabitani près le Leptis Magna; les Muctusiani dans les montagnes du sud de Tripoli.

De Leptis Magna jusqu'à la Bysacène on rencontre de puissantes tribus détachées peut-être des Nasamons : les Ifuraces, montagnards et fantassins redoutables; les Austures, cavaliers rapides;

les Levathes ou Ilaguas, que plus tard nous nommerons Louata, sur les confins de la Tripolitaine. Au milieu du vr° siècle, cette dernière tribu constituera un puissant état indigène sous le commandement du roi Ierna.

Au sud de cette première ligne de peuples, s'étendent : les Nasamons proprement dits jusqu'à l'oasis d'Augila; - les Garamantes dans le Fezzan; - enfin les habitants de Ghadamès.

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Autour de Gabès, on rencontre les Micales ou Imaclas, sur les rivages de la petite Syrte; les Astrices, à Médénine; les Celiani, les Anacutasur, les Urceliani au sud de l'oasis de Gabès. En Numidie les Frexes (devenus aujourd'hui les Freechich) dans les montagnes entre Feriana et Tebessa; c'est cette puis

aux yeux desquels ils représentent un élément de désordre, et qui trouvent en eux des sectateurs nouveaux de l'hérésie d'Arius, alors en lutte contre l'orthodoxie romaine.

Carthage est encore, à cette époque, la riche métropole où s'est développée une magnifique civilisation, et les Vandales subissent profondément l'influence du milieu. Ils se contentent de raser les murailles des villes romaines, en exceptant même Carthage et Hippone, qu'ils occupent.

L'Afrique romaine continue donc, pour un temps, de vivre de sa vie propre : Genséric se borne à choisir les gouverneurs romains et à persécuter les chrétiens orthodoxes. Entouré d'une cour brillante, il règne à Carthage pendant près d'un demi-siècle sur le monde romain d'Afrique, et son armée réussit à tenir en respect les indigènes des montagnes.

Malheureusement, ses successeurs

ne surent pas

sante tribu qui, sous le commandement d'Antalas, combattra les Vandales dans le cours du v° siècle.

Des peuplades de tout temps insoumises occupent la Numidie du Nord et obéissent à Ifasdaïas.

Enfin, les hauts plateaux voisins de l'Aurès sont occupés par des tribus qui, au vi° siècle, obéiront à Coutsina établi à Timgad.

L'Aurès est toujours habité par des montagnards insoumis qui se sont emparés des plaines fertiles qui les entourent; au vi siècle, labdas commandera à tous les peuples occupant le sudouest de la Bysacène.

Les montagnes entre le Kef et Soukahras qui bornent au nord la Numidie sont occupés par les Causses et les Syliactae.

La presqu'île du cap Bon, montagneuse et impraticable, est habitée par des tribus qui ont reconquis leur indépendance et se livrent au pillage des riches contrées voisines des côtes.

A l'Occident: Orthaïas règne sur le Hodna, au sud de la Maurétanie Sétifienne.

La Maurétanie Césarienne est livrée au roi Mastigas de qui dépendent les tribus de la Grande Kabylie, Massinissenses et Isaflenses.

Enfin au sud du Tell Oranais s'étend un royaume moitié indigène moitié romain que gouverne au vr° siècle Masuna, avec le titre de roi des Maures et des Romains »,

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