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s'efforce d'attirer devant le camp la cavalerie adverse, tantôt fond sur l'ennemi.

Les Carthaginois, et ensuite les Romains, ont largement employé les indigènes dans leurs armées.

A la fin de la première guerre punique, les mercenaires qui se révoltèrent contre Carthage comprenaient des Gaulois, des Ligures, des Baléares, des Macédoniens, mais surtout des Libyens.

Au moment de la deuxième guerre punique (220), Annibal fait des levées en Afrique et réunit pour l'emmener en Espagne une armée considérable, formée presque en entier de Numides et de Maures, et même de Gétules et d'Éthiopiens.

En 211, Asdrubal emmène de nouveau en Espagne des renforts considérables de Numides, à la tête desquels est Massinissa.

Les Romains, qui avaient une merveilleuse infanterie, paraissent avoir employé surtout les cavaliers indigènes. Tacite nous apprend qu'un général, qui commandait aux deux Maurétanies, avait sous ses ordres «< une troupe de Maures que les courses et le brigandage rendaient très propres à la guerre » 1. C'est ce que nous appelons un goum. Les Romains les recrutaient comme nous recrutons aujourd'hui nos tirailleurs mercenaires, et leur laissaient leurs chefs nationaux. On cite un certain Lucius qui avait amené des confins du désert, des régions où l'autorité de Rome était à peine reconnue, un important corps de cavalerie, et acquis une grande renommée en combattant pour les Romains en Europe. M. Cagnat a cru retrouver la représentation de ces cavaliers sur la colonne Trajane: « On les voit, dit-il, charger l'ennemi sur leurs petits chevaux, qu'ils montent sans selle et sans bride, à l'africaine. Ils ont pour tout vètement une pièce d'étoffe enroulée autour du corps, de façon à former une sorte de tunique courte attachée à chaque épaule à une agrafe et serrée à la taille c'est

1. Cité par G. Boissier, L'Afrique romaine, ch. III.

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le costume que les Arabes de la campagne portent encore aujourd'hui. Mais ce qui les caractérise surtout, ce sont les boucles de cheveux frisés qui retombent tout autour de leur tête. Pour arme, ils n'ont qu'une lance et un petit bouclier. ›

Les Numides, qui n'étaient pas alors musulmans, apprirent facilement à adorer les dieux romains. Au temps de Carthage déjà, on trouvait à Cirta (Constantine) un temple de Tanit : les rois Numides de cette époque avaient donc adopté quelques-uns des dieux des Carthaginois, si même ils n'avaient pas de tout temps adoré les astres. Au temps de Rome, ils adoptèrent avec la même facilité les dieux romains, dont le culte ne venait heurter aucune de leurs croyances. La religion, pour les habitants de l'Afrique du Nord, a toujours été étroitement liée à la civilisation, et les Numides acceptent les dieux des peuples dont ils subissent l'influence.

D'ailleurs, on peut dès maintenant signaler comme un des traits caractéristiques de cette race une certaine indifférence en matière religieuse. Les Numides furent sans doute chrétiens comme ils furent et sont encore musulmans; ils prennent des religions ce qui leur plaît, déforment les dogmes à leur gré et sont, de plus, toujours disposés à suivre les réformateurs, dans le seul dessein de recouvrer leur indépendance, que le conquérant soit le Latin chrétien ou l'Arabe orthodoxe.

Au vie siècle, ils oublient les divinités romaines, pour revenir aux divinités nationales qui leur ont toujours été chères; Siniferne, dieu de la guerre (Mars des Romains), Mastiman, Jupiter infernal avide de victimes humaines. Le roi des Frexes, Guenfan, père d'Antalas, va demander à l'oracle d'Ammon le secret des futures destinées de son fils.

D'autre part, des tribus entières ont conservé la religion juive que leur ont apportée les nombreux Juifs venus de la Cyrénaïque à partir du re siècle 1.

1. Voir plus loin, 4° partie, ch. xxIII.

Enfin, les indigènes ont toujours écouté les prédictions des prêtresses à qui des rites mystérieux viennent communiquer l'esprit divin. Cette croyance aux prophétesses est d'ailleurs caractéristique des peuples de montagnards de l'Afrique du Nord. Nous retrouverons des prophétesses à la tête des Berbères luttant contre les invasions arabes, et nous verrons que, chez les Berbères du grand Atlas au moyen âge, la magie, pratiquée par les femmes, joue un rôle capital.

La question de la langue des populations indigènes est extrêmement importante. On ne parle arabe en Algérie que depuis le viie siècle, et dans certaines régions seulement. Les Numides et les Maures parlaient un langage qui leur était propre. « Cette langue, dit G. Boissier, non seulement on la parle, mais on l'écrit; elle possède même un avantage qui manque à des idiomes plus importants: tandis que les nations aryennes se sont contentées d'emprunter leurs lettres à l'alphabet phénicien, les indigènes de l'Afrique ont créé on ne sait comment un système d'écriture qui leur appartient et ne se retrouve pas ailleurs. C'est ce qu'on appelle l'alphabet libyque. > D

Cette langue s'est conservée jusqu'à nos jours on la parle dans le désert sous le nom de tamachek, et en Algérie, en Tunisie, au Maroc, dans les régions habitées par des Berbères de race pure sous les noms de Chelha (prononcez Chleu), Zenatya, Chaouïa, Kebaïlya, Zenaga, Tifinagh, etc. 1.

On trouve des inscriptions libyques dans toute l'Afrique du Nord et jusqu'en Égypte.

Toutefois, on ne possède aucun monument important écrit en libyque : l'Histoire du roi Hiempsal est écrite en punique.

1. Voir Mercier, Histoire de l'Afrique septentrionale, t. I, p. 180.

PIQUET.

L'Afrique du Nord.

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Nous ne nous étendrons pas sur l'histoire de la Province romaine, étudiée déjà de façon définitive1.

Ces Numides, que Massinissa jadis s'efforçait de fixer au sol, sont devenus, aux re et me siècles, ces riches agriculteurs qui vivent de la vie romaine et donnent au monde romain des empereurs. Essentiellement assimilables, les indigènes, au contact des colons romains, ont marché rapidement dans la voie de la civilisation, et ont été leurs précieux auxiliaires dans la mise en valeur du pays.

A cette époque, toutes les tribus du nord, et celles même des limites des régions de colonisation paraissent avoir subi le joug des Romains : c'est ainsi que les Zenata, habitant les hauts plateaux de la Maurétanie Sétifienne, témoignaient une certaine obéissance et payaient un impôt à époques régulières.

Mais les peuples de l'extrême sud de la Tunisie actuelle, les Nasamons et les Garamantes, les Lotophages dans leur île, les OEasiens des steppes et des oasis, étaient restés sauvages comme ils l'étaient dix siècles auparavant. Presque nus, armés de longs javelots et de boucliers de peaux, ils n'étaient d'ailleurs pas à craindre.

Les Gétules et les Maures, enfin, restèrent des ennemis menaçants que les Romains ne cessèrent de combattre.

Les Gétules, remuants et pillards, erraient sur les hauts plateaux du sud, mais venaient se heurter aux garnisons solidement établies aux limites de la région colonisée. Ils étaient restés dans le même état de civilisation depuis l'origine des temps, et, plus tard, les historiens arabes pourront faire des nomades du viie siècle un portrait semblable : « Ils parcourent le Sahara, dit Ibn Khaldoun, montés sur leur chameau et, toujours la

1. Voir G. Boissier.

lance en main, s'occupent également de multiplier leurs troupeaux et de dévaliser les voyageurs. »

Ces Gétules étaient armés de longues piques; ils portaient un vêtement de dessous dont ils rejetaient un pan sur l'épaule gauche, et un burnous noir. Ils se faisaient raser la tête et ne mettaient aucune coiffure.

Les Maures, individuellement, n'étaient pas redoutables: vêtus seulement d'une peau de panthère, ils combattaient avec les armes qu'ils trouvaient au hasard des pillages. Mais le soulèvement du pays entier était toujours à redouter.

En 138, l'insurrection des Maures, auxquels se joignirent les Gétules, fut si grave que l'empereur dut venir en personne les combattre. Il les contraignit à se réfugier ‹ aux extrémités de la Libye, vers la chaîne du mont Atlas d'où ils venaient évidemment. C'est à ce moment que les postes fortifiés des Romains furent portés au delà de l'Aurès.

Sous Marc-Aurèle, ce furent les montagnards du Rif qui passèrent en Espagne et ravagèrent le pays.

Plus tard, au Ie siècle, à l'époque où les légions proclamaient des empereurs, et où des Africains et des Maures même se succédaient rapidement sur le trône de Rome, l'agitation gagna les montagnes de Numidie à la faveur des troubles. En 260, dans le pays où s'élève aujourd'hui la ville d'Aumale, les Fraxiniens se soulevèrent sous la conduite d'un chef nommé Faraxen. Les tribus habitant la région comprise entre Cirta, Sétif, Rusucurru (Dellys) et la mer attaquèrent les colons du Tell; à l'ouest, les Maures se soulevèrent en même temps; enfin, les Babares, habitant le massif du Babor, s'avancèrent sur la Numidie romaine.

Ces peuples étaient soutenus par cinq tribus principales de la Grande et de la Petite Kabylie, qui formaient la «< confédération des Quinquégentiens ». A la faveur de l'anarchie qui continuait à régner en Italie, les Quinquégentiens purent envahir la Numidie (en 265) et s'avancèrent à travers cette riche contrée « comme une

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