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une sorte de vassalité. Seuls, les habitants de la Zeugitane étaient réduits à l'état de sujets, surveillés et châtiés à la moindre faute. Là, le paysan était contraint de payer de lourds tributs, et cultivait la terre sous le bâton et au profit des grands propriétaires carthaginois, qui prélevaient un quart de la récolte.

Une telle politique ne pouvait manquer de provoquer un soulèvement chaque fois que Carthage avait une difficulté avec un peuple rival.

Ce fut au Ie siècle, après la première guerre punique, que les soldats mercenaires s'unirent aux indigènes, et se révoltèrent contre leurs maîtres. Cette guerre des mercenaires est restée célèbre. Le général carthaginois ne put les réduire qu'en gagnant à sa cause la cavalerie libyenne. C'est également un chef libyen, Mathos, qui commandait un des corps des insurgés.

Nous reviendrons plus loin sur les rapports des indigènes et des Carthaginois. Notons seulement ici qu'aucune trace ne devait rester en Afrique des établissements carthaginois. Nous ignorons même ce qu'étaient les comptoirs qui s'échelonnaient sur la côte septentrionale de l'Afrique. Polybe qui les visita sur l'ordre de Scipion, après la prise de Carthage, pouvait seul nous renseigner à cet égard; mais le récit de son voyage manque dans son ouvrage et nous n'en connaissons qu'une analyse incomplète donnée par Pline. De Carthage elle-même, il ne reste qu'une épaisse couche de cendres, que l'on rencontre à plusieurs mètres au-dessous du sol actuel, et où l'on retrouve des pièces d'architecture, quelques figurines, et de nombreux ex-voto en forme de stèles. On reconnaît encore les quais et l'emplacement des ports; mais partout ailleurs la ville romaine, qui a disparu à son tour et dont il ne reste aujourd'hui que quelques colonnes brisées, a pris la place de l'ancienne Carthage. Pourtant, la découverte récente des nécropoles est venue subitement faire revivre à nos yeux cette civilisation disparue on a retrouvé, à Carthage et dans un certain nombre d'autres comptoirs, des tombeaux contenant

surtout des objets de parure, des bijoux, des lampes, des vases enfin de toute forme et de toute grandeur, rarement des armes. Les cendres des morts sont ordinairement enfermées dans des cubes de pierre d'assez petite dimension, fermés par un couvercle de pierre également; parfois au contraire un sarcophage somptueux nous livre le corps même de quelqu'un des dignitaires de l'antique cité. La plupart de ces vestiges sont conservés au musée de Carthage.

LES GRECS. - L'histoire des premières colonies grecques sur les côtes d'Afrique est très imprécise jusqu'au VII° siècle. C'est à partir de cette époque que nous avons, par les textes grecs, des données certaines les Grecs remplacèrent alors les Phéniciens dans leurs principaux comptoirs.

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Ils fondêrent Cyrène au viie siècle, et c'est sans doute en Tripolitaine que l'on trouverait aujourd'hui des documents d'un haut intérêt sur cette civilisation particulière.

CHAPITRE II

LE ROYAUME DE NUMIDIE

ET LA COLONISATION ROMAINE1

Pour faire comprendre ce que fut la population de l'Afrique du Nord aux premiers siècles, nous avons essayé de reconstituer l'histoire du principal état indi

1. G. Boissier, L'Afrique romaine, 1894. Mommsen, Histoire romaine, trad. Pallu de Lessert, V; ou trad. de Guerle, Corpus inscriptionum, t. VIII. D'Avezac, Histoire de l'Afrique ancienne, 1845. — Dureau de la Malle, L'Algérie, 1852. Histoire des guerres des Romains, des Byzantins et des Vandales, 1852. R. Cagnat, L'armée romaine d'Afrique sous les empereurs, 1892. Rapport sur une mission en Tunisie. Arch. des Missions, 1882. La Tunisie à l'époque romaine, dans La Tunisie au XXe siècle, 1904. - P. Monceaux, Les Africains, 1894. L. Renier, Inscriptions romaines, 1855. Rapport de mission. Arch. des Missions, 1851. J. Toutain, La colonisation romaine en Tunisie, dans La Tunisie au XXe siècle, 1904. - Gsell, Le Fossé des frontières romaines dans l'Afrique du Nord, 1903. R. de la Blanchère, De rege Juba II, 1883. Voyage d'étude dans une partie de la Maurétanie césarienne. Arch. des Missions, 1882. Rinn, Les premiers royaumes berbères et la guerre de Jugurtha. Revue africaine, 1885. G. Boissière, L'Algérie romaine, 1883. Vivien de Saint-Martin, Le Nord de l'Afrique dans l'antiquité grecque et romaine, 1873. Pallu de Lessert, Les fastes de la Numidie sous la domination romaine, 1888. Fastes des provinces africaines, 1896-97. Poulle, Étude sur la Maurétanie Sétifienne. Recueil de la Société archéologique de Constantine, 1863. Berbrugger, Dernière dynastie maurétanienne. Revue africaine, no 26. F. Lacroix, Afrique ancienne. Revue africaine, no 73. — M. Besnier, Géographie ancienne du Maroc (Maurétanie Tingitane). Extrait des Archives marocaines, t. I, 1904. Recueil des inscriptions antiques du Maroc, id., 1904.

Pour les ouvrages concernant la langue libyque ou berbère, voir la bibliographie du ch. xxIII.

gène qui, avant même l'époque romaine, brilla de quelque éclat.

L'histoire du peuple numide n'est en effet nullement négligeable: il eut des princes puissants, ses armées tinrent en échec Carthage et Rome, enfin constatation de première importance, les Africains autochtones se montrèrent, avant l'islamisme, essentiellement assimilables.

Nous nous bornerons par contre à rappeler les grandes divisions de l'histoire de l'occupation romaine, aujourd'hui bien connue. Les dates principales en sont les suivantes :

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Les premières données historiques que nous possédons datent de la fin du IIIe s. avant J.-C.

La Numidie comprenait alors la Massylie, qui correspond à la région montagneuse de Constantine et du centre tunisien, et la Massésylie qui s'étendait jusqu'à la Molocath (Moulouïa).

Les premiers princes de Massylie qui soient mentionnés sont :

Naravase (238), qui prend part à la guerre des mercenaires; Gula (225-207), son fils, qui sera lui-même le père de Massinissa.

Les premiers rois de Massésylie sont : Syphax (225203); Vermina son fils.

En Maurétanie, en 206, règne un certain Bokkar.

Gula, à la fin du me siècle, est vainqueur de Syphax et s'empare de la Massésylie; il tient tête aux Carthaginois et règne sur un immense empire, qui s'étend des portes de Carthage jusqu'à la Molocath.

On voit combien la puissante et riche Carthage tenait peu de place en Afrique; elle n'a jamais colonisé l'intérieur du pays, et l'on comprend dès lors que les rois numides aient joué dans sa lutte avec Rome un rôle prépondérant.

En 207, Syphax, roi de Massésylie, a reconquis ses états, et Gula, roi de Massylie, meurt. Massinissa, son fils, ne monte pas sur le trône immédiatement, une cabale ayant porté au pouvoir le frère de Gula, puis les fils de ce frère; c'est avec l'appui du roi de Maurétanie que Massinissa réussit à s'emparer du pouvoir.

Dès lors, les deux rois numides Syphax et Massinissa se trouvent face à face, et Romains et Carthaginois vont se disputer leur alliance. Scipion et Asdrubal, qui combattent en Espagne, viennent tour à tour les voir et le chef carthaginois réussit à gagner Syphax à sa cause en lui promettant la main de sa fille Sophonisbe, déjà fiancée à Massinissa. La rivalité des deux rois ne peut qu'en devenir plus vive, et Massinissa, vaincu et réduit à la fuite, gagne le pays des Garamantes, tandis que Syphax, réunissant comme jadis Gula toute la Numidie sous sa domination, s'installe à Cirta.

Un peu plus tard, quand, vers la fin de la deuxième guerre punique (203), Annibal rappelé d'Italie débarque à Sousse, on voit les différentes peuplades lui envoyer des contingents un chef numide, appelé Mézétule, accourt avec 1 000 cavaliers; Tychéas, chef de nomades, en amène 2000; enfin Vermina, fils de Syphax, roi de Massésylie, rejoint les précédents. Massinissa soutient au contraire Scipion. Mais les Carthaginois sont défaits à Zama par les Romains; Syphax est vaincu par Massinissa, qui

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