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LIVRE II

LA RÉORGANISATION DE L'AFRIQUE BYZANTINE

LA RÉORGANISATION DE L'AFRIQUE BYZANTINE

PREMIÈRE PARTIE

L'ADMINISTRATION CIVILE

Dès la fin de la guerre vandale, avant même qu'on sût à Constantinople la soumission de Gélimer, Justinien s'était hâté d'organiser sa conquête. Il voulait sans tarder faire sentir à ses nouveaux sujets tout ce qu'ils gagnaient à passer du dur joug des Barbares à la pleine liberté du « très prospère empire romain' », et pour cela il tenait à rétablir tout de suite en Afrique cet « ordre parfait », qui lui semblait la marque de tout état vraiment civilisé. Désireux de montrer une faveur particulière à ces provinces dont il saluait avec tant de joie le retour à l'empire, non seulement il voulait leur rendre cette administration qu'elles avaient connue jadis et dont le rétablissement devait effacer jusqu'au souvenir de la captivité vandale »>'; mais pour leur mieux témoigner encore sa bienveillance, pour mieux marquer l'importance qu'il attachait à leur affranchissement, il voulut que, comme l'Orient, comme l'Illyricum, l'Afrique fùt administrée, non point par un simple proconsul, mais par un préfet du prétoire, et

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1. Cod. Just., I, 27, 1, 8.

2. Id., 10.

3. Id., 8.

4. Nov. 30, 5, où d'ailleurs l'empereur se trompe en croyant que le proconsul administrait l'ensemble des six provinces.

qu'elle formât un diocèse spécial, dont Carthage serait la capitale. Un rescrit d'avril 534 fit connaître la volonté impériale et plaça à la tête du nouveau gouvernement le patrice Archélaos, qui avait déjà exercé ces hautes fonctions à Byzance et dans l'Illyricum, et qui en ce moment même se trouvait en Afrique, en qualité de trésorier général du corps expéditionnaire 2.

I

Par la pompe qui l'environnait, par le prestige de ses titres, par l'étendue de ses attributions, un préfet du prétoire, on le sait, était un fort grand personnage et les écrivains contemporains ne trouvent point d'expressions assez ambitieuses pour vanter ce pouvoir sans limites, cette magistrature sans rivales 3, «< où toutes les grandes affaires viennent aboutir, comme les fleuves dans l'Océan ». Justinien la rétablit en Afrique dans toute l'étendue de ses privilèges et de son autorité. Le titulaire du nouvel emploi fut salué des noms d'Excellence, de Magnificence et de Sublimité; comme signe extérieur de la haute dignité dont il était revêtu, il eut droit de se servir de la voiture de gala, du carpentum, sur laquelle il prenait place parmi les acclamations des hérauts; mieux encore, ses appointements attestèrent l'importance de sa charge; il reçut cent livres d'or de traitement, c'est-à-dire près de 113,000 francs de notre monnaie'. Quant à ses attributions, elles s'étendaient à tout l'ensemble de l'administration civile, et suivant l'usage, elles se partageaient entre quatre objets

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principaux la législation, l'administration, la justice et les finances'.

3

C'était en effet le préfet du prétoire qui recevait communication de toutes les lois et décisions impériales et qui, par des edicta publiquement affichés, en assurait la promulgation. En conséquence, il devait non seulement faire connaître aux populations les mesures spéciales prises par le prince pour la réorganisation de la province, et donner les instructions nécessaires (praeceptiones) pour l'accomplissement des volontés souveraines; mais en outre, lorsque les lois générales de l'empire, le Digeste et le Code déjà publiés, et bientôt toute la série des Novelles, furent appliquées dans l'Afrique reconquise', ce fut encore par l'intermédiaire du préfet qu'on les communiqua aux provinciaux. Chef suprême de l'administration civile, c'est lui qui propose au choix du prince les gouverneurs, consulares ou praesides, placés à la tête. des différentes provinces, et sur leurs brevets de nomination il perçoit une taxe déterminée ; quand ils sont en charge, c'est lui qui leur transmet les décisions impériales, qui correspond avec eux et leur donne les instructions nécessaires au bon gouvernement du pays. Il nomme même directement certains fonctionnaires, tels que les professeurs de l'Université de Carthage. Sa compétence judiciaire est également fort considérable les Novelles parlent fréquemment du tribunal prétorien, du trône de juge (dixaotixo! Opóvo)7, dont l'occupation constitue un des signes essentiels de la magistrature prétorienne; et en effet, les textes montrent le préfet Solomon chargé d'examiner les procès relatifs aux revendications de terres usurpées sur les anciens possesseurs, recevant les

:

1. Cf. Bethmann-Hollweg, Der Civilprocess des gemeinen Rechts, III, p. 48-49. 2. Nov. 36, 6; 37, 12; Cod. Just., I, 27, 1, 43; Nov. 169 (édit. Zachariae). 3. Nov. 37, 2.

4. Cod. Just., 1, 17, 2, 24; Nov. 36, 6; 7, 1; 79, 2.

5. Cod. Just., 1, 27, 1, 19.

6. Id., 42-43.

7. Nov. 70, 1; 128, praef.

8. Nov. 36, 3.

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