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PRÉFACE

Vois ces débris savants par l'homme interrogés;
La rouille de l'airain et les marbres rongės,
De muets monuments, d'informes caractères,
De quelques noms usés frêles dépositaires,
Composent à nos yeux des fastes éclatants
Et racontent les faits dévorés par le temps.
THOMAS. (Pétréide,)

Cette épigraphe ne semble-t-elle pas être une véritable et poétique préface de notre préface inhabile? N'indiquet-elle pas le but honorable de notre publication modeste et pourtant si intéressante au prismatique point de vue de l'art, de la science, de l'histoire, de la géographie et des mœurs antiques? L'archéologie n'a-t-elle pas la gloire, à force de soins, d'efforts, de recherches et de rapprochements merveilleux, de faire mentir le poète ancien :

Tabida consumit ferrum lapidem que vetustas,
Nullaque res majus tempore robur habet.

OV...

Eh bien! la chose plus forte que ce grand démolisseur,

c'est l'archéologie, qui triomphe sur les ruines du temps et refait l'histoire du passé en rajustant les débris qui devaient, par leur dissémination à toute distance et leur confusion babélique, en rendre impossible la reconstruction idéale ou scientifique. Elle recueille tous ces éléments épars et tire de leur étude des inductions qui deviennent bientôt des certitudes.

Voilà pourquoi, avant l'impression du volume de 1863, notre ami Bache faisait remarquer, dans une séance de la Société, que le mot Annuaire était un titre mal choisi ou impropre, et suppliait l'assemblée d'adopter le mot RECUEIL, qui est à lui seul une définition. Ce nouveau titre reçut sa consécration immédiate et nous le voyons briller en tête du septième volume.

Aujourd'hui, la Société archéologique de la province de Constantine publie son huitième RECUEIL, contenant les travaux de l'année. Ses recherches et ses études antérieures, les noms de ses écrivains, l'importance des services qu'elle a rendus à la science, tous ces avantages n'ont point été méconnus par le monde savant. Nous dirons seulement ici, comme mention honorable, que plusieurs revues et plusieurs journaux, grands et petits, ont maintes fois daigné rendre un juste hommage à ses labeurs.

Elle a mis à contribution toute la Numidie, qui lui a fourni de nombreux monuments épigraphiques. Enfin, elle a pensé que ce n'était point assez d'embrasser cette science vaste, mais aride ou trop sérieuse : l'histoire et tout ce qui peut avoir un intérêt local entreront désor

mais dans son cadre. Chaque lecteur y trouvera donc ainsi des études conformes à ses goûts.

En effet, le présent RECUEIL renferme déjà deux mémoires d'un genre tout nouveau et cependant trèsutiles pour connaître le pays que nous habitons.

Le premier est une notice de M. le commandant PAYEN sur les travaux hydrauliques du Hodna, remontant à l'époque de la domination romaine. Ce savant travail a le mérite d'offrir un attrait tout particulier et nous semble du plus haut intérêt. Les moyens de recueillir les eaux en Afrique, leur aménagement, l'équité de leur répartition, la série d'avantages qu'elles procurent au point de vue de l'hygiène, de la fécondation et des phénomènes atmosphériques, tous ces faits donnent une grande importance à cette question toute algérienne.

Le second mémoire est une monographie de la grande tribu des Abd-en-Nour; c'est en faire un assez brillant éloge que de dire qu'elle est due à la science et à la plume de M. l'interprète FÉRAUD, dont les travaux consciencieux, originaux et toujours pleins d'attrait, font autant d'honneur au RECUEIL de la Société archéologique de la province de Constantine qu'à la REVUE Africaine, publiée par la Société historique algérienne.

Mais, si nous venons de louer avec justice les collaborateurs vivants, nous n'en devons pas moins un hommage aux ouvriers de l'œuvre qui se sont en allés, après la vie, dans ce mystère de ténèbres dont nous sondons les secrets à propos des morts anciens. Que l'archéologie

n'ait pas besoin, un jour, de fouiller dans les débris de leur tombe pour savoir comment ils se nommèrent et ce qu'ils furent.

En tête de notre liste nécrologique, malheureusement trop longue pour une année, nommons M. Faudon, juge d'instruction à Constantine. Il n'a point donné d'articles dans le RECUEIL, c'est vrai, mais il n'en était pas moins dévoué aux autres labeurs de la Société.

Après lui, c'est notre ami Paul-Eugène Bache, poète, prosateur, érudit; l'art, la science et toutes les connaissances humaines lui étaient pour ainsi dire familiers. Sa mort a été une perte immense pour la poésie, l'art, la science, le dévouement et la courtoisie littéraire et fraternelle. Nous lui avons consacré une notice qui a été insérée dans le no 41 (septembre 1863) de la Revue africaine; et M. Berbrugger a bien voulu y ajouter quelques détails qui prouvent son estime pour M. Bache et l'affectueux souvenir qu'il en conserve.

M. Seguy-Villevaleix, maire de Constantine et présiden de la Société, n'a cessé, jusqu'à sa mort, de porter un vif intérêt à cette œuvre de science et de désintéressement; plus d'une fois il en a donné des preuves en aidant à la prospérité de l'entreprise. Rappelons aussi qu'il a été le fondateur du Musée archéologique.

M. Cordonnier, premier adjoint, continue cette mission avec une grande bienveillance et un zèle digne d'éloges ; lui aussi possède à un degré remarquable le sentiment de l'art et comprend tout l'intérêt que méritent la créa

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