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Procope, c'est la trace indestructible d'une installation rurale, solidement établie sur tous les points, paraissant dénoncer que l'agriculture y a été en honneur. Toutefois, si l'on peut en juger de nos jours par la multiplicité des vestiges de hameaux et d'habitations isolées, probablement de fermes ou exploitations agricoles, près desquelles on rencontre souvent, soit un puits artésien ensablé ou un puits ordinaire (1), soit une citerne, et tou

(1) Les anciens puits du mode artésien, visités et reconnus par l'auteur de cette notice, sont les sources jaillissantes désignées par les indigènes sous les noms d'Aïn-Qçob-ben-Mennam, à l'ouest du Fened, mamelon rocheux qui fait cap sur le lac; une autre source à l'est de ce cap; Aïn-el-Bey et Aïn-el-Hadjar au sud-est du lac; deux autres dont, AïnQçob, situés à gauche et à droite de Mokta-Djedien; Aïn-Nakhar, AïnKebba et Aïn-Taboucha au nord du lac. Ces puits artésiens sont échelonnés à des distances presque égales, sur le parcours d'un chemin de ceinture qui faisait le tour du lac sans jamais s'en éloigner de plus de 5 à 6 kilomètres. Les indigènes assurent qu'au sud-ouest du lac il existe des fontaines du même genre, entre autres Aïn-el-Amia. Si ces données sont véridiques, le bassin artésien exploité par les anciens habitants du Hodna devait avoir environ 20,000 hectares de superficie.

Une particularité de ceux de ces puits artésiens les plus ensablés, tels sont : celui situé à l'est du Fened, Aïn-el-Hadjar, Aïn-el-Bey et les deux de Mokta-Djedien, c'est que les suintements des eaux ont retenu, près des ouvertures, les sables apportés par les vents et en ont formé des dunes plus ou moins élevées que l'on aperçoit à une assez grande distance dans la plaine.

Quant aux puits ordinaires, il s'en trouve de construits, çà et là, dans tout le Hodna, toujours près des ruines romaines; la plupart sont comblés par les alluvions de la plaine et on ne les remarque qu'à l'orifice encore béant et souvent orné d'une margelle en pierre de taille généralement usée par la corde qui a servi à puiser l'eau. Telle est l'incurie et la paresse de l'arabe, qui préfère se plaindre continuellement de manquer de l'eau nécessaire à ses besoins, envoyer sa femme la chercher à de grandes distances, plutôt que d'opérer, sur le lieu même de son campement habituel, le simple curage d'un puits tout maçonné, près duquel il est chaque jour en contemplation et qui, depuis des siècles, lui offre d'étancher sa soif... (Voir un exemple à la planche 25 de l'album.)

jours des auges en pierres de taille (1). Cependant, les indices qui précèdent ne sont pas les marques les plus certaines de l'état florissant de l'agriculture dans la plaine du Hodna, sous les Romains; il existe encore sur le sol des données plus convaincantes qui sont l'objet de cette notice.

§ 2.

TRAVAUX HYDRAULIQUES ANCIENS.

Le voyageur désireux d'étudier le pays qu'il traverse, puise d'abord aux sources de l'histoire et de la géographie, puis il continue ses recherches en visitant les provinces, les localités et les choses intéressantes qu'elles recèlent. Cette méthode porte toujours pour fruits des enseignements nouveaux ou utiles, lorsqu'elle est suivie avec persévérance, quel que soit le but de l'excursion.

Ainsi, le chapitre précédent donne un aperçu de l'installation romaine dans le Hodna et de la réputation de fertilité dont jouissait cette plaine au moment où les Vandales en étaient expulsés par Bélisaire (année 534 de Jésus-Christ)... Ce chapitre et le suivant exposeront les résultats d'explorations récentes.

Les dernières explorations ont dénoncé, entre autres découvertes archéologiques, des vestiges de constructions

(1) A Kherbet-Rças, ruine romaine située au centre du Hodna (au nordouest du lac et à environ 23 kilomètres au sud de Mesila), et par suite, loin des carrières de pierres, chaque habitation avait quatre auges en plâtre moulé d'un seul bloc carré et enterré à fleur du sol. (Voir l'album des cartes et dessins, planches 1, 14 et 24.) On voit aussi sur le sol de cette ruine les restes d'une basilique, d'un autre monument important, et de nombreux débris de jarres, de poteries diverses et de moulins à bras.

hydrauliques sur chaque rivière ou torrent présentant la moindre importance par le débit de l'eau qu'il est susceptible de fournir, soit pour les besoins d'un centre de population, soit pour les irrigations de la grande culture. Le plus souvent, ces restes de travaux anciens ont été remarqués sur les points où les grandes vallées débouchent dans le Hodna; il en existe aussi, plus bas, au milieu des terres et des ruines romaines les premiers appartenaient à des barrages et à des bassins de retenue; les seconds, à des canaux, à des aqueducs et à des citernes. Les uns et les autres ont été exécutés au moyen de matériaux trouvés sur place, soit du ciment et des cailloux roulés, composant des blocs de béton tellement solides que la pioche ne peut y faire brèche.

De l'ensemble passant au détail, ces monuments vont être signalés dans l'ordre de la position topographique des cours d'eau sur lesquels ils se trouvent, en commençant par ceux situés vers l'ouest de la plaine, et avec des indications au double point de vue de l'archéologie et de l'agriculture.

I.

Ruines d'un barrage et d'un cana! sur l'Oued-Chelal, au point dit Çed-Djir.

Des versants sud du Djebel-Dira et du Djebel-Ouennoûr'a descendent de nombreux torrents, réunissant leurs eaux à l'entrée de la plaine, dans un même lit portant le nom d'Oued-el-Ham, en amont du canton de Çed-Djir et en aval celui d'Oued-Chelal, conservé dès lors jusqu'au lac ou-Sebka. L'étendue de pays traversée

par l'Oued-el-Ham et ses affluents, depuis leurs sources jusqu'à Çed-Djir, n'est pas moins de 70 lieues carrées; aussi, ce torrent est-il sujet à des crues considérables, qui surviennent accidentellement à la suite des orages ou des grandes pluies, et annuellement après la fonte des neiges qui couvrent les montagnes pendant plusieurs mois de l'hiver. (Voir à l'album la carte no 1.)

Le nom du point où affluent ces masses d'eau, CedDjir, signifie en langue arabe barrage en chaux; en effet, il existe dans le lit et sur la berge droite de l'OuedChelal, les ruines d'un barrage en béton construit, dit la légende, par les ancêtres des habitants actuels du pays, les Ouled-Sidi-Brahim, du cercle de Bou-Saâda. Est-il prudent de s'en rapporter à la légende pour fixer l'époque de la construction du barrage de Çed-Djir ?.... Cette induction serait au moins aventureuse avant qu'aucunes fouilles n'aient été faites et après une simple inspection, sachant surtout que les Arabes n'ont jamais été capables d'exécuter des travaux de ce genre. (Voir à l'Album les planches nos 3 et 4.)

Après avoir été détournées de leur cours par le barrage, les eaux étaient dirigées sur la rive droite de l'Oued-Chelal par un chenal en maçonnerie dont les traces paraissent encore, de distance en distance, jusqu'à plusieurs kilomètres (1). Là commence un territoire de plus de 2,500 hectares auquel les Ouled-Sidi-Brahim ont essayé, il y a cinq ou six ans, de rendre le seul élément de fertilité de la contrée; mais après dix-huit mois d'efforts inouïs et dignes d'un meilleur succès, la pre

(1) Voir à l'album la carte topographique no 2.

mière crue a prouvé que leurs moyens sont insuffisants, ou mieux que l'argile, même soutenue par des racines, ne peut résister à l'action d'une masse considérable d'eau courante.

L'ancien barrage est encore en bon état de conservation, sur une longueur de cinquante mètres, qui pourront être utilisés un jour en rétablissant la brisure large de dix mètres, brèche sous laquelle le lit du torrent offre un fond de poudingue; seulement, il y aura lieu d'éviter la faute commise par les premiers constructeurs, qui n'ont pas remarqué ou n'ont pas tenu compte que les poudingues étaient formés par lames peu adhérentes entre elles et n'ont pas creusé de fondations pour consolider leur travail.

II.

Ruines de barrages, d'un bassin de retenue, de canaux et de citernes, sur les deux rives de l'Oued-Legouman.

L'Oued-Legouman a ses sources sur les versants sud de Djebel-Ktefi, dont le sommet est couvert de neiges de novembre à avril. Ce torrent, rapide et souterrain en certains endroits, reçoit les eaux d'une vallée profonde, aux flancs boisés et accidentés, dont la superficie est de 25 lieues carrées. Bientôt il entre dans le Hodna, y arrose les cultures de Faguès et de Djessessia; puis son lit, le plus souvent à sec, serpente à travers la plaine pour atteindre le lac, après un parcours de 45 kilomètres. Les vestiges de quatre anciens barrages, dont l'inférieur a dû être un bassin de retenue, se succèdent ici à des

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