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allèrent de tous côtés à la recherche et au bout d'un certain temps on retrouva la mule couchée au bord de l'Oued-Tadjenant, près de l'endroit où Si Mahammed était venu dresser sa tente au sortir des Beni-Roumrian. Les Oulad-Abd-en-Nour reconnaissants, exécutèrent les dernières volontés du marabout, et l'enterrèrent à l'endroit même où la mule était couchée; puis lui construisirent la chapelle ou koubba que l'on voit encore aujourd'hui.

La chambre dans laquelle se trouve le tombeau a environ cinq mètres carrés; les murs, formés de quatre arceaux pleins, ont à peu près trois mètres de haut. Cette construction est surmontée d'une coupole lourde et massive, à base heptagonale, donnant à l'ensemble de l'édifice une hauteur de cinq à six mètres. Autour des murs règne un soubassement en carreaux vernis. Au milieu des deux arceaux, faisant face au nord et au sud, sont deux petites croisées garnies de barreaux de fer. Sur le mur, à droite en entrant, se trouve l'inscription tumulaire suivante peinte à fresque :

يا واقعا بفبرنا لا تتعجب من أمرنا الامس كنا مثلك غدا تصير مثلنا

« O toi qui es arrêté devant notre tombe, ne l'étonne pas de notre état.

« Hier nous étions comme toi, demain tu seras comme

nous.

Au centre de la coupole existe un fragment de chaîne en cuivre où était jadis suspendu un lustre. Nous dirons bientôt en quelle circonstance ce lustre fut enlevé.

La chambre sépulcrale renferme cinq tabout ou châsses en bois peint, recouvertes d'étendards religieux. Inscription sur le tabout de Sidi Mahammed-ben-lahia:

كـتـبـه ونــفـشــه

الفايد احسن عمر الوزان بن عبد الله

وقفه الله

أعوذ بالله شيطان الرجيم من

بسم

الله الرحمن الرحيم

صلى الله على سيدنا ومولانامح وعلى اله وصحبه وسلم

هذا فـبـر الشيـخ الـوالـي الصالح الوالي محمد يحي

الاسعد

سعد بن

سید

الصالح

يحي بن الحسن محمد بن سيدي يحي بن

توفى سنة احد وتسعين والو

۱۰۹۱

« A fait écrire et graver (le présent) le kaïd Hassen-Amerel-Ouzan-ben-Abd-Allah. Que Dieu le protège. Je cherche auprès de Dieu un refuge contre Satan le lapidé.

« Au nom de Dieu clément et miséricordieux, que Dieu répande sa miséricorde sur notre seigneur Mohammed, sur sa famille et ses compagnons, salut.

« Ceci est le tombeau du cheikh, du saint, du vertueux, du seigneur fortuné fils de Sidi Mohammed-Iahia, le pur Mahammed-ben-Sidi-Iahia-ben-l'Hassen.

« Il est décédé l'an 1091 (1680 de J.-C.). »

Sur une autre châsse on lit:

ب

اعوذ بالله من شيطان الرجيم الله الرحمن الرحيم

وصلى الله على سيدنا محمد

هذا فـبر العفيه الزكى السيد

احمد الزروق بن محمد بن سيدي يحي

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« Je cherche auprès de Dieu un refuge contre Satan le lapidé. Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Que Dieu répande sa miséricorde sur notre seigneur Mohammed.

« Ceci est le tombeau de l'homme versé dans la connaissance de la loi divine, du vertueux, le Sid Ahmed-Zerougben-Mahammed-ben-Sidi-Iahia, décédé l'an 1091 (1680).»

Zeroug était gendre du marabout et comme tel, dit la

légende, on le désigna toujours sous le nom de Zerougben-Sidi-Mahammed.

Trois autres tabout n'ont pas d'inscriptions.

L'un d'eux recouvre la cendre de Lalla-Aïcha, femme du marabout Sidi Mahammed-ben-lahia.

Attenant à la chambre sépulcrale existe une autre chambre plus vaste et également carrée, dont la toiture en tuiles creuses est supportée par deux colonnes antiques. Cette pièce sert actuellement de salle d'école. Il existait autrefois autour de là zaouïa plusieurs autres maisons, également couvertes en tuiles, affectées au logement des tolba. Enfin, à côté de ce groupe de bâtiments se trouvait aussi un four dans lequel on préparait le pain pour les étudiants de la zaouïa, les mendiants et les voyageurs. Un puits, connu sous le nom de Bir-et-Tolba, était à quelques pas.

Les terres qui s'étendent à l'ouest étaient et sont encore couvertes de tombes. C'est le cimetière le plus renommé de la contrée; on y apporte des cadavres de trèsloin. Les environs sont pleins de silos que l'on comptait naguères par milliers. Mais la création toute récente des mechta ou hameaux, près desquels les indigènes aiment à serrer leurs grains, a fait abandonner les silos de Mâmra, qui sont maintenant éfondrés ou comblés pour la plupart. C'était là, autrefois, le grenier et le magasin de la tribu. Le territoire de la zaouïa étant inviolable, on n'avait à craindre ni les voleurs, ni même l'invasion des tribus ennemies. Dès qu'un silos était rempli de grains, on plaçait à la surface un papier sur lequel était inscrit le nom du dépositaire. La dalle bouchait ensuite l'orifice du silos qu'on recouvrait de terre.

A côté de la zaouïa était le douar des Rettaba, gardiens de silos. Quarante familles composaient ce douar. Elles labouraient aussi les terres dépendant de l'établissement religieux, en qualité de khemas ou fellah. Les Rettaba avaient non-seulement la surveillance des silos, mais devaient aussi enfermer eux-mêmes le grain qu'on leur portait et le sortir quand le dépositaire le réclamait; pour cette dernière opération ils percevaient une mesure de grain par silos vidé. Le produit de cette imposition était partagé entre les Rettaba et le chef de la zaouïa.

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A deux cents mètres environ de la koubba existait un vaste établissement fondé sous Salah bey et connu sous le nom de Bordj-Màmra. Dès que les Oulad-Abd-en-Nour firent acte de soumission, les beys construisirent cette maison pour y recevoir les grains de l'impôt. Là résidait un agent du bey, dit Kaïd-el-Achour, fonctions longtemps remplies par la famille Ben-Nâmoun de Constantine, qui se les transmit de père en fils. Si les Ben-Nâmoun ne furent pas égorgés lors des différentes levées de boucliers des Oulad-Abd-en-Nour, ils le durent à l'inviolabilité du territoire de la zaouïa et à la protection directe des descendants du marabout. La zaouïa de Màmra a cependant été envahie en deux circonstances qui méritent d'être racontées.

En 1700, Mourad bey, de Tunis, étant venu faire le siége de Constantine, eut besoin de vivres pour nourrir la nombreuse armée qu'il traînait à sa suite; les silos de Mâmra lui furent signalés comme renfermant des approvisionnements considérables; il dirigea immédiatement sur ce point une partie de son monde. Voici de quelle manière les tolba de la zaouïa racontent l'épisode de

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