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Ses pérégrinations l'ayant amené près de Sidi BelKacem-ben-Hamani, à Megaous, il résolut de s'y fixer pour quelque temps.

Pendant son séjour, il suivit assidûment les leçons du maître, en grand renom dans toute la contrée par son savoir et sa piété.

C'est à partir de cette époque que la vie de Si Mahammed commence à marquer. C'est aussi à partir de ce moment que la légende a conservé le souvenir de ses actions.

Les tolba, qui suivaient les leçons de Si Bel-Kacem, avaient la coutume d'aller porter à tour de rôle les grains au moulin. Si Mahammed qui s'acquittait de ce devoir å l'égal de ses condisciples, une fois arrivé au moulin s'endormait, laissant à la meule le soin de moudre seule et sans aide le grain destiné à la nourriture commune et, son sommeil achevé, il reprenait tranquillement le chemin de la Zaouïa.

Un jour un des tolba étant allé voir comment son camarade accomplissait sa tâche, fut grandement étonné de trouver le moulin tournant tout seul et Si Mahammed endormi tranquillement près d'un bon feu, qui s'entretenait sans le secours de personne. Il revint en grande hâte à la Zaouïa rapporter la nouvelle d'un fait si extraordinaire.

Si Bel-Kacem, informé du prodige, accourut en vérifier l'exactitude; il fut facilement convaincu et reveilla alors le dormeur, en lui disant : « un Cheikh ne travaille pas pour un Cheikh. » Il donna immédiatement l'ordre aux tolba de ne plus permettre, désormais, que Si Mahammed prit part à aucun de leurs travaux. A la suite de cet

événement, Si Mahammed pria Si Bel-Kacem de lui permettre de continuer le cours de ses voyages.

Au sortir de Megaous, il se rendit chez les Beni-R'oumrian, en compagnie de deux tolba résolus d'unir leur destinée à la sienne.

En passant près d'un douar, ils aperçurent une tente de dimension plus grande que celles qui l'entouraient et qui, par ce seul fait, attira l'attention des voyageurs. Le maitre du lieu les reçut d'abord assez mal, mais, pendant leur sommeil, des signes certains lui ayant fait connaître à quels hôtes il avait affaire, il voulut à toute force réparer ses torts et insista si vivement près d'eux, qu'ils consentirent à prolonger leur séjour d'une nuit.

Une ample diffa et les soins dont on les entoura, les dédommagérent de l'accueil un peu froid qu'ils avaient reçu à leur arrivée. Le lendemain, le maître de la tente invita Si Mahammed-ben-Yahia à rester chez lui, le priant de se charger de l'instruction de ses enfants.

Cédant aux instances, il consentit à accéder à la demande qui lui était faite et, dans la suite, il entra tellement dans les bonnes grâces du R'oumriani, qu'il finit par épouser une de ses filles, nommée Aïcha.

Aprés son mariage, il continua à habiter chez son beau-père, mais au bout de quelque temps, il résolut de le quitter. Lorsqu'il fut question de son départ, il pria son beau-père de laisser sa femme l'accompagner, à condition, toutefois, que ce dernier verrait partir sa fille de son plein gré.

Cette faveur lui fut accordée de bonne grâce, son beaupère se montra même très généreux envers lui et voulut,

à toute force, lui faire emmener un troupeau et le faire accompagner d'un fort bagage.

Si Mahammed refusa tout et ne voulut accepter qu'une tente, un boeuf et une mule, pour éviter à sa femme les fatigues du voyage. Il fit ses adieux à son beau-père et partit avecc les tolba qui le suivaient depuis Megaous. Des Beni-R'oumrian, Si Mahammed se dirigea sur Mamra, traversant le pays actuel des Oulad-Abd-en-Nour, alors dépourvu d'habitants et couvert en partie de vastes forêts. Il établit son campement sur les bords de l'Oued-Tadjenant, près de l'endroit où se trouve, aujourd'hui encore, son tombeau.

Bien que la chronique ne puisse préciser l'époque à laquelle se passaient ces événements, on sait cependant qu'ils avaient lieu sous le gouvernement des Sekhara, douaoudia ou puissantes familles arabes, mais leur chûte devait être proche, car Si Mahammed disait sans cesse : « Je suis Turc et non plus Arabe. » Signe certain, disent les chroniqueurs, que les gouvernants ne devaient pas tarder à être remplacés par de nouveaux conquérants. Il ajoutait aussi ces paroles:

«Le bâton des Turcs est une barre de fer, celui des < Sekhara est une simple tige de berouag (asphodèle). » Sans chercher à examiner quels furent les moyens qu'il employa pour impressionner l'esprit des arabes qui vivaient de son temps, nous dirons, cependant, qu'il a laissé dans les imaginations de profondes traces et que sa haute réputation attira autour de lui de nombreux prosélytes.

Nous reviendrons sur ce sujet en faisant l'historique de la Zaouïa de Mamra. Si Mahammed-ben-Yahia laissa quatre fils.

Le premier ne tarda pas à le suivre dans la tombe. Un autre vécut et mourut à El-Mechira, où il est enterré. Le troisième émigra à l'Oued-Akbou, dans la Kabylie, son tombeau est près de la source chaude, dite HammamSidi-Yahia, sur les bords de l'Oued-bou-Sellam.

Il maria une de ses filles à Zeroug, ce fidèle compagnon qui l'accompagnait depuis Megaous.

Au moment où Si Mahammed-ben-Yahia venait de s'installer à Mamra, sur les bords de l'Oued-Tadjenant, arrivėrent trois individus de l'ouest qui allaient faire le pélérinage de la Mecque. La légende locale nous a conservé le nom de ces trois hommes, dont les descendants ont peuplé une partie des Oulad-Abd-en-Nour.

Le premier se nommait Nour et était d'origine marocaine.

Le deuxième, El-'Aïd, du Jurjura, et le troisième, Zougar'-el-Haoufani, de la tribu kabyle des Beni-Our❜lis. Nos trois voyageurs, ayant reconnu la sainteté et les vertus de Sidi Mahammed-ben-Yahia, résolurent de se fixer près de lui.

El-'Aïd abandonna ensuite Mamra pour s'établir avec sa nouvelle famille aux environs d'Aïn-el-Melouk, dans les Seraouat. Les Oulad-el-Aïd, qui habitent actuellement cette région, descendent de lui.

Zougar'-el-Haoufani alla s'installer à Bou-Merah, territoire actuel des Oulad-bou-Haoufan.

Quant à Nour, il continua à vivre à Mamra auprès du marabout qui, par reconnaissance, lui donna une de ses filles en mariage et l'institua, en quelque sorte, le chef de la famille.

Nour se fit remarquer par son courage, sa justice et sa probité. Cette réputation attira auprès de lui d'autres individus qui, à dater de cette époque, furent connus sous le nom de :

« ABD-EN-NOUR >

« les serviteurs ou les sujets de Nour. » (1)

Nour laissa deux fils: Abd-Allah et Ali, dont les descendants ont formé deux fractions de la tribu actuelle. De nombreux étrangers vinrent se fixer auprès de lui, formèrent souche dans le pays, et c'est ainsi que la population augmentant, de génération en génération, constitua la tribu actuelle des Oulad-Abd-en-Nour.

Voici une autre version plus romanesque sur l'étymologie du nom de cette tribu.

A l'époque des Djouhalia (des païens), le maître du pays se nommait Abd-en-Nar, le serviteur ou l'adorateur du feu. Ce prince, dont la capitale était Mechira, épousa Zana, souveraine de la contrée où existent les ruines dites Enchir-Zana (2).

Après la conquête musulmane, Abd-en-Nar abjura ses anciennes erreurs, embrassa, ainsi que sa femme; la religion de l'Islam et changea son nom en celui de Abden-Nour, serviteur de la lumière.

Quand une altercation a lieu entre un homme des Oulad-Ab-en-Nour et un individu appartenant à une autre

(1) Abd est au singulier, on devrait dire Abad, serviteurs.

(2) Zana, l'antique Diana Veteranorum.

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