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MONUMENTS DITS CELTIQUES

DE LA PROVINCE DE CONSTANTINE

I

En essayant de décrire pour la première fois les monuments dits Celtiques des environs de Constantine, nous n'avons pas craint de faire appel aux lumières des savants de l'Europe à qui il appartenait de nous éclairer et d'assigner une origine à ces étranges constructions (1).

Le résultat de nos fouilles de Ras-el-Oued-Bou-Merzoug n'a pas plutôt été connu en France qu'il y a excité une vive curiosité et a éveillé l'attention des archéologues. S'il est permis d'en juger par l'effet qu'a paru produire notre notice, nous avons lieu de croire que nos découvertes, que nous supposions d'abord n'offrir d'autre intérêt que celui de la nouveauté, ne sont pas sans importance au point de vue historique. M. Alexandre Bertrand, secrétaire de la Société des Antiquaires de France, en a rendu compte dans la Revue Archéologique de Paris et a développé à leur sujet des observations très judicieuses. Il n'hésite pas à déclarer que les faits signalés jettent un jour tout nouveau sur ces monuments primitifs.

Pour justifier l'opinion de ce savant, il ne s'agit que d'achever ce que nous avons commencé.

(1) Voir la première notice sur les monuments Celtiques dans le Recueil de 1863.

La question des monuments celtiques a toujours été l'objet de beaucoup de controverses dans lesquelles l'hypothèse s'est donné libre carrière. Les opinions sont encore partagées; beaucoup de ceux qui en ont parlé sont restés dans la même incertitude et, bien rarement, se sont accordés sur leur âge, leur origine et leur destination première. La science réclame donc une solution qu'il importe de trouver et nous espérons que, grâce à un heureux hasard, la lumière jaillira prochainement sur ce qui est encore si vague et si obscur.

Nous ne reviendrons pas sur les détails descriptifs que nous avons déjà donnés sur la nécropole dite Celtique de Ras-Bou-Merzoug. Qu'il nous suffise de dire que ces monuments funéraires, sur la destination desquels nous ne conservons plus le moindre doute, - sont exactement semblables à ceux que l'on retrouve en France et en Danemark.

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« On ne s'imaginerait jamais, dit M. A. Bertrand, en « passant d'une des planches de l'Annuaire de Constan<< tine à l'une de celles de Sjoborg, que l'on a sous les < yeux des monuments, ici, d'un pays du nord de l'Eu« rope, là, d'une contrée africaine. Les planches se res<< semblent à ce point que l'on pourrait, sans causer « d'étonnement à l'observateur, les substituer les unes « aux autres. »

Une chose digne encore de remarque et qui n'a pas manqué d'éveiller l'attention de M. Bertrand, c'est le mode d'ensevelissement des cadavres renfermés dans ces tombes, dont le corps était replié de manière à ramener les genoux vers le menton, se croisant les bras sur la poitrine, c'est-à-dire l'homme rentrant dans le sein de la

terre tel qu'il était sorti du sein de sa mère. M. Troyon, qui a écrit l'histoire des peuplades lacustres, dit à ce sujet :

« Cette attitude repliée est le mode caractéristique « de l'inhumation pendant l'âge de pierre en Europe; ‹ rare dans l'âge de bronze, il l'est bien plus encore <dans les périodes postérieures, mais sur d'autres par

ties du globe, ce mode usité dans les premiers siècles « de notre ère, a même subsisté jusqu'à nos jours. »

En effet, des tombeaux offrant les mêmes traits ont élé retrouvés en assez grand nombre en Suisse, en Savoie, en Angleterre et dans le nord de l'Allemagne. On en a vu également au Pérou et, ces jours derniers encore, M. Villet d'Aoust signalait l'existence de squelettes à attitude repliée découverts au Mexique (1).

Depuis la publication de notre première notice nous avons exploré les dolmens du Kheneg, sur la rive droite du Roumel, au nord de Constantine. Le résultat de nos fouilles, dont nous donnerons plus loin le détail, n'a pas été aussi fructueux que nous l'avions espéré. Cependant nous avons pu constater, une fois encore, que ces monuments avaient récélé des cadavres.

Nous allons décrire également les observations que nous avons faites pendant notre séjour dans la tribu des Oulad-Abd-en-Nour (2).

Mais avant d'entreprendre de nouvelles fouilles, nous

(1) M. Villet d'Aoust.

Tumulus du Mexique. Attitude repliée. →→

Moniteur Universel du 28 avril 1864.

(2) Détaché pendant cinq mois à la Commission chargée d'appliquer le Sénatus-Consulte pour la constitution de la propriété dans la tribu des Oulad-Abd-en-Nour.

avons cru indispensable de dresser une statistique des principaux monuments celtiques de la province. Une partie des renseignements qui vont suivre nous ont été fournis par quelques officiers des affaires arabes qui, dės que l'existence de ces monuments a été signalée, ont bien voulu s'employer pour rechercher ceux qui se trouvaient dans les territoires qu'ils administraient.

L'année dernière, M. Réné Galles, de la Société Archéologique du Morbilhan, a eu la bonne fortune de découvrir de curieuses inscriptions et des dessins bizarres sur les dolmens de Locmariaquer qu'il a explorés. Son travail, qu'il a bien voulu nous communiquer, nous sera d'une grande utilité, comme terme de comparaison, dans les nouvelles fouilles que nous entreprendrons prochai

nement.

Moins heureux que lui, nous n'avons encore rien vu de ce genre sur les monuments de l'Algérie. Cependant nous devons appeler l'attention des observateurs sur le dessin relevé par M. le lieutenant Sergent sur le dolmen de l'Oued-Barach, ainsi que sur l'inscription que M. le capitaine Ardaillon a copiée sur un autre dolmen å RemelKoumzan.

II

SUBDIVISION DE CONSTANTINE

Nous mentionnerons, en tête de notre liste, les dolmens que nous avons eu occasion d'explorer l'été dernier. Ils sont situés à 24 kilomètres au nord de Constantine, sur les crêtes du Kheneg, auprès des ruines de Tiddi — Res publica Tidditanorum,- signalées par M. Cherbonneau (1).

Si ce savant archéologue n'en a pas parlé, ou si ces monuments sont restés inaperçus pour lui, il faut l'attribuer au quartier sauvage et isolé dans lequel ils se trouvent, car ils ont une physionomie tellement tranchée qu'il est impossible de ne pas les reconnaître à première vue.

Sur la déclivité sud-ouest de la croupe rocheuse du Kaf-Oum-Hadidan, à 500 mètres des vestiges de la citadelle romaine, nous avons vu trois dolmens assez rappro chés l'un de l'autre et parfaitement conservés; ils sont orientés N.-O. - S.-E. et ouverts de ce dernier côté. Les tables ont 2m30 à 2m50 de longueur; les dalles qui les supportent ont 1m50 de haut. Des enceintes en gros blocs, tantôt rondes, tantôt carrées, les entourent, ne laissant qu'un étroit passage en forme de couloir entre elles et le dolmen proprement dit. Dans l'un d'eux, que nous avons fouillé, nous n'avons trouvé que quelques débris d'ossements humains et des tessons d'une poterie assez

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(1) Notice sur Tiddi. Annuaire de la Société Archéologique de Constantine, année 1863.

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