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été rongées par le temps, puisque celles qui les précédent n'étaient pas mieux protégées contre ses intempé ries. Cependant, nous n'y remarquâmes aucune trace de grattage ou de martelage; mais elle est lisse comme si elle aviat servi de seuil de porte ou de dalle de cour. Peutêtre faut-il conclure que les dernières lignes seules avaient été enterrées primitivement, el que le sol s'est graduellement exhaussé jusqu'à hauteur des filets, de manière à ne recouvrir les premières que lorsqu'elles étaient déjà frustes. Les lettres ont 4 centimètres de hauteur aux quatre dernières lignes et 5 centimètres aux autres. Elles sont bien formées et paraissent d'une bonne époque.

La lecture de ce qui reste de l'inscription ne présente aucune difficulté.

Imperatori..

ordo municipii Casensium nu

mini majestatique ejus dicatissimus.

...

A l'empereur..... le conseil municipal des Casensiens très dévoué à sa divinité et à sa majesté.

Peu nous importe le nom de l'Empereur auquel les décurions faisaient hommage de dévouement, le renseignement le plus intéressant que nous pussions attendre de notre épigraphe, c'est le nom de la localité. Malheureusement, il nous arrive incomplet. Sous l'ethnique Casensium on reconnaît Case; mais il y avait dans la Numidie plusieurs bourgs de ce nom, et il est difficile de leur assigner leurs positions respectives, parce que, à l'exception de Casa Calventi, que l'Itinéraire d'Antonin place entre Alger et Tipasa, les autres ne sont mentionnés que dans les Notices de l'Église ou dans quelques écrivains chrétiens, et sans indications qui nous permettent de déterminer les contrées dans lesquelles ils étaient situés.

Donat, qui a donné son nom à la secte des Donatistes qui fut si funeste à l'Afrique, a rendu célèbre le bourg des Cases Noires, Casarum Nigrensium, dont il était évêque; la position de ce bourg n'est pas connue; mais si mes souvenirs ne me trompent pas, je crois avoir lu quelque part, dans les lettres de Saint-Augustin peutêtre, qu'il était situé aux environs de Guelma.

Nous ne sommes pas fixés davantage sur la position de Casarum Silvanæ, qui peut devoir son nom à la femme qui en était propriétaire, ainsi que le fait observer Morcelli, ou qui peut l'avoir tiré de la nature même des lieux au milieu desquels il était situé. A ce point de vue, les Casa d'El-Madher pourraient bien être les Case Silvanæ, parce qu'elles se trouvaient auprès d'une montagne encore très boisée aujourd'hui, et en face du Djebel-Tafraout, qui n'est pas encore complétement dénudé et qui a dû être couvert de chênes-verts et de genevriers.

Casas Medianensis, autre évêché de la Numidie, devait être entouré d'autres petits bourgs dont il était probablement le chef-lieu. On ne peut pas admettre sa synonymie avec notre Casa, qui est isolé.

On compte aussi Casas Basta lenses, parmi les évêchés de la Numidie. Mais Morcelli, d'après Bochart, fait dériver bastalenses du mot punique bastuli, qui désignerait les habitants du littoral; si cette étymologie est exacte, nous devons encore repousser la synonymie de Casensium avec Casensis Bastalenses.

Casensis Calanensis, autre évêché de la Numidie, qui figure dans la Notice de Léon sous le nom composé de Cascala, aurait été situé près de Tacarata, localité qui nous est aussi inconnue que la première, à moins que

Tacarata ne soit une altération de Tacatua, que l'on écrit aussi Tacata et Tacatta, Takouch, petit port de mer entre Bône et le Cap de Fer, où l'on va fonder un village sous le nom d'flerbillon. Mais Takouch est au pied des hautes montagnes de l'Edough, sur lesquelles on cherche en vain les traces de la dernière forteresse de Gelimer. Je les ai parcourues dans tous les sens et n'ai rencontré des ruines qu'au-dessus du col d'Aïn-Barbar, sous de magnifiques chênes-zéen, sur le versant sud-ouest du DjebelSidi-Bou-Medin, entre l'Oued-bou-Habbada et l'Oued-Medjezel-Ark, et dans le quartier des Roummanet, entre le piton de Sili-bou-Zid, l'Oued-Gueb et la mer. Tout ce quartier devait former un beau verger, et on comprend, en le parcourant, que les indigènes l'aient désigné sous la dénomination des grenadiers, bien qu'aujourd'hui les arbres fruitiers y soient rares; mais on y voit de superbes oliviers sous lesquels on distingue encore des ruines de maisons et de moulins à huile.

Sidi-bou-Zid est un mamelon boisé qui s'élève à pic sur la mer, à environ 150 mètres de hauteur; il n'est accessible que par le côté sud. Tout autour du marabout de ce nom, qui occupe le sommet du mamelon, et sous les oliviers, les caroubiers et les lentisques qui rampent sur le sol, gisent d'énormes blocs de pierres taillées qui ont dù appartenir à un monument considérable, dont les substructions s'étendent sur tout le plateau. Je placerais volontiers à Sidi-bou-Zid le Sublucu des Itinéraires, plutôt qu'à l'embouchure du Gueb, où j'ai remarqué les restes d'un petit temple ou d'un tombeau sur la rive gauche du ruisseau, et ceux de cinq maisons dans les broussailles situées à l'ouest.

Les Itinéraires placent Sublucu à 22 milles de Takouch et à 32 milles d'Hippo Regius (Saint-Augustin, près et au sud de Bône). Si l'on tient compte des détours que fait la route pour monter de Takouch au pied de Djebel Zila et pour rejoindre ensuite Sidi-bou-Zid, on n'a pas moins de 26 à 28 kilomètres, ce qui se rapproche beaucoup de la distance fournie par les Itinéraires.

En suivant le bord de la mer, de Sidi-Bou-Zid à SaintAugustin, autant que les difficultés du terrain peuvent le permettre, on ne parcourt pas plus de trente-six kilomètres, détours compris; les routiers anciens ont donc exagéré d'environ 8 milles la distance qui sépare ces deux localités, et la différence sera d'au moins douze milles si l'on édentifie le Gueb à Sublucu.

Le Gueb était mis en communication avec le lac Fezzara et avec la plaine des Senadja par une route qui remontait l'Oued-Gueb et se jetait dans la vallée de l'Ouedel-Aneb. J'ai visité, sur un mamelon plat, aujourd'hui couvert de chênes-liége et de broussailles, et qui porte simplement le nom d'Enchir, ruine, les restes de quelques maisons et d'un petit fortin. Enchir est sur la rive droite de l'Oued-Mathin, un des affluents de l'Oued-elAneb. A quelques kilomètres plus bas, et sur la rive droite du Chabet-sidi-Salah, affluent de l'Oued-Mathin, le marabout Sidi-Salah est construit au milieu de ruines antiques éparses sous les oliviers sauvages et perdues sous une végétation luxuriante. J'y ai remarqué une consstruction de forme circulaire dont j'ignore l'ancienne destination, mais qui ne m'a pas paru représenter les restes d'une citerne.

Au point où la vallée de l'Oued-el-Aneb s'élargit, la

route se bifurquait; l'un de ses bras suivait la rive gauche de la rivière en contournant les montagnes d'AinMorkha, où les Romains exploitaient les carrières de marbre à Oum-el-Adéil, et les mines de fer à Mokhta-el-Haddid; l'autre bras se dirigeait vers Hippone à travers le col des voleurs. Le développement de la route de Sidi-bou-Zid à saint Augustin, en passant par l'Oued-el-Aneb, donnerait à-peu-près les quarante-huit kilomètres qui, d'après les Itinéraires, séparaient Sublucu d'Hippone.

Mais toutes ces ruines sont bien éloignées de Takouch, et je ne vois nulle part, dans ce pays de montagnes couvertes de forêts, la place des Agri Tacaratensis, dont parle Morcelli. Rien ne me sollicite non plus à les confondre avec la plaine qui s'étend de Batna à Djendeli, à défaut de toute indication de la région dans laquelle ils pouvaient être situés.

Une liste des évêques qui assistèrent au concile de Carthage de 411, cite Servandus comme évêque donatiste de Casarum Faventium; mais on ne sait pas même à quelle province cet évêché appartenait, et l'on suppose une erreur de copie par laquelle Favensium se trouverait substitué à Calvensium.

En résumé, je n'aperçois aucune raison déterminante d'identifier le bourg d'El-Madher avec l'un des Casarum ou des Casensium dont il vient d'être question, et je ne m'arrête pas à celle que l'on pourrait induire de ce que ce dernier génitif est appliqué de préférence aux villes des Bastalensiens et des Calanensiens.

A mon avis, la 3e légion cantonnée à Lambèse avait fondé autour de la grande ville des annexes dans lesquelles étaient envoyés les soldats qui avaient accompli

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