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sol se jonche de cadavres et de membres dispersés. Enfin, après une résistance aussi héroïque, que glorieuse a été l'attaque, Constantine est à nous, et ce jourlà même, 13 octobre 1837, le drapeau français flotte sur le haut du palais de son dernier bey.

El-Hadj Ahmed, qui n'avait pu retenir une larme en voyant sa capitale tomber au pouvoir des Français, resta encore trois jours aux environs de Constantine, indécis du parti qu'il allait prendre. Puis, cédant aux conseils de son parent, Bou-Aziz-ben-Gana, il rallia tous les siens et se dirigea vers Biskra, où il entra, après en avoir chassé son ennemi et compétiteur, Ferhat-ben-Saïd. Lui-même, au mois de mai de l'année suivante, en fut à son tour expulsé par El-Barkani, khalifa d'Abd-el-Kader, et c'est alors que commença pour l'ex-bey cette vie errante et pleine d'agitation, qu'il devait mener pendant dix ans, et qui ne fut pour lui qu'une série de fatigues et de déboires. Nous allons en résumer brièvement les principales phases.

Au mois de mai 1839, il soulève les Telarma et est baltu par le Général Négrier, qui le force à s'enfuir chez les Hanencha. Au mois de septembre suivant, on le rctrouve chez les Harakta. De là, il se retire dans les montagnes de l'Aurès, au Djebel Hamar-Khedou, position presque inaccessible, où il s'est ménagé un refuge pour lui, sa famille et ce qu'il a pu emporter de richesses. Au printemps de 1840, il excite une révolte chez les Harakta, ce qui nécessite contre eux une expédition commandée par

le général Galbois, qui leur prend 80,000 têtes de bétail. L'année d'après, au mois d'août, il paraît dans le Hodna, où il recrute quelques partisans, et vient se faire battre par le général Sillègue, à Aïn-Roumel, au sud de Sétif.

Découragé un peu par ces défaites successives, il reste pendant deux ans sans faire parler de lui, vivant retiré tantôt dans le Hodna, tantôt chez les Oulad-Soltan, à Megaous, où il eut la douleur de perdre sa mère, ElHadja Rekkia, qui avait toujours partagé sa bonne comme sa mauvaise fortune, et pour laquelle il professait un véritable culte trop heureux s'il eut toujours suivi ses inspirations sa reddition à la France eût été moins tardive, et il n'aurait pas éprouvé les regrets qu'il ressentit plus tard, lorsqu'il fut à même d'apprécier la clémence. du vainqueur auquel il avait si longtemps résisté.

!

Mais son humeur inquiète ne pouvait longtemps s'accommoder de cette vie d'inaction.

Au mois de février 1844, il se présente au défilé d'ElKantara, pour faire obstacle à la marche de l'expédition du duc d'Aumale contre Biskra. Il est mis en fuite par le colonel Buttafuoco. Au mois de mai suivant, le duc d'Aumale se porte en personne, avec une forte colonne, chez les Oulad-Soltan qu'il veut attaquer dans leurs montagnes mêmes. El-Hadj Ahmed vient à leur secours avec 900 hommes, tant cavaliers que fantassins. Pendant deux jours et une nuit, on combat de part et d'autre à outrance. Nos troupes qui, dans la première journée, avaient eu le dessous, finissent par s'emparer de toutes les positions et saccagent tout. La tente de l'ex-bey et tout ce qu'il possédait alors tombent au pouvoir du vainqueur. Luimême, malade dès la veille, ne se sauve qu'à grand' peine

et se retire à El-Manà, petite forteresse des monts Aurès. L'année suivante, 1845, au mois de mai, ses menées dans l'Aurès nécessitent une nouvelle expédition commandée par le général Bedeau. A la première rencontre avec nos troupes, ses gens lâchent pied et il s'en revient seul, avec son goum, à El-Manâ, qu'il quitte bientôt après pour aller définitivement se fixer à Hamar-Khedou.

C'est là que, dans le commencement de l'année 1848, des pourparlers s'ouvrirent entre le commandant de Biskra et lui, au sujet de sa reddition à la France. Après bien. des hésitations, il céda, et au mois de juin suivant, il remettait son épée aux mains de M. le commandant de SaintGermain. Quelques jours après, il revoyait, non sans une profonde émotion, son ancienne capitale, où il recevait encore pour une dernière fois, de la part des habitants, ces mêmes témoignages de respect et de crainte qu'ils lui avaient prodigués jadis, au temps de sa souveraine grandeur.

Après trois jours passés à Constantine, il fut dirigé sur Philippeville et embarqué sur un bateau de l'État, qui le transporta à Alger, où le gouvernement lui fit une pension de 12,000 francs et où il vécut dans la retraite, jusqu'à sa mort qui arriva le 30 août 1850. Son corps fut inhumé dans la mosquée de Sidi Abd-er-Rahman, audessus du jardin Marengo. Il avait, quand il mourut, environ soixante-trois ans.

Avec lui s'éteignit le dernier bey de Constantine, qui fut aussi le dernier représentant de la domination turque en Algérie.

Nous terminerons par la liste des beys qui ont gou

verné Constantine pendant la troisième et dernière période de notre histoire.

Hossein-Bey Ben-Bou-Ilanek, 1207 1er septembre

1792.

Moustafa-el-Ouznadji, 1209 février 1795.

Hadj Moustafa-Ingliz Bey, 1212 - janvier 1798.
Osman Bey, 1218 — mai 1×03.

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Ahmed-Chaouche-el-Kebaïli, 1223 septembre 1808. Ahmed-Tobbal Bey, 1223 octobre 1808.

Nâman Bey, 1226 — février 1811.

Mhammed-Tchakeur Bey, 1229

mars 1814.

Kara-Moustafa Bey, 1233- - janvier 1818.

Ahmed Bey El-Mamelouk, 1233 - février 1818.
Mhammed Bey El-Mili, 1233 fin août 1818.

Braham Bey El-Rarbi, 1234 — juillet 1819.

Ahmed Bey El-Mamelouk, 2e fois, 1235 août 1820.

Ahmed Bey El-Greïteli, 1237 juillet 1822.

Mhammed Bey Manamanni, 1240 - décembre 1824. El-Hadj Ahmed Bey, 1242 fin août 1826.

LES TOMBEAUX MÉGALYTHIQUES

DES MADID

Par M. le Capitaine DE BOYSSON.

Les tombeaux mégalythiques des Mâdid portent, dans le pays, le nom de Tombeaux des Beni-Sfao. La légende raconte ainsi leur origine:

En ces lieux vivait jadis une tribu, dans laquelle l'inceste était devenu la règle de presque tous les mariages. Dieu voulut punir ces hommes pervers, et jeta sur eux une pluie de rochers, qui fit périr beaucoup d'habitants; les autres construisirent, avec ces matériaux venus du ciel, les monuments que nous prenons pour des tombeaux, et continuèrent à mener le même genre de vie.

> Dieu, dans sa colère, jura de les exterminer, et, pendant la nuit, fit tomber sur le pays une grande pluie de sable, qui intercepta l'air entre les pierres des constructions, et fit mourir toute la tribu. »

Les Beni-Sfao étaient, suivant la légende, des hommes extrêmement petits; mais, il nous a été permis de voir que, du moins sur cette particularité, les récits des Mâdid étaient fort erronés.

On désigne bien souvent aussi dans le pays ces mêmes tombeaux sous un autre nom, celui de Bou-Djouhala, c'est-à-dire le Père des Idolâtres; et quand on demande. des explications sur ce mot, les gens des environs disent toujours que ces idolâtres étaient des Roumi.

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