Images de page
PDF
ePub
[blocks in formation]

Le fils de Bou Hanek, doublement vengé de son long exil et par la mort de son persécuteur, et par sa propre élévation au pouvoir, s'appliqua, dès son avénement, à faire oublier à ses administrés les rigueurs qui avaient signalé les dernières années du bey Salah.

Doué d'un esprit conciliant, il sut en peu de temps rallier à lui tous les partis, en faisant un appel impartial à tous les hommes capables de le seconder. C'est ainsi que, pour composer le makhzen, il n'hésita pas, contrairement aux traditions de ses prédécesseurs, de maintenir dans leur poste ceux des fonctionnaires qui, sous Salah Bey, s'étaient fait remarquer par leur aptitude aux affaires.

Il confia la charge de khalifa à Mohammed Cherif, père du dernier bey de Constantine, celle de caïd-dar à Rodouan, qui occupait déjà ce poste sous Salah Bey (1), celle de bach-kateb à Ben Djelloul et à Ben Selama, celle de bach-séïar à Ben Zékri, et celle de bach-saïs à un autre membre de cette même famille.

Après deux années d'un gouvernement paisible, con

(1) Ce personnage a joué un rôle assez important dans les annales de Constantine, pour que nous donnions ici place au portrait que nous a laissé de lui un contemporain. Nous traduisons:

[ocr errors]

« Le caïd Rodouan, que Dieu l'ait en sa miséricorde! — était d'une taille élevée, avait le teint blanc, coloré de rouge, et la barbe blanche. Il portait le rezza (ou turban à petits plis), comme les jurisconsultes.

» C'était un administrateur plein d'aménité et d'indulgence, punissant rarement et fermant volontiers les yeux sur les fautes légères. A ce sujet, on raconte qu'un jour, sortant du palais du gouverneur, il trouva un kobdjia (ou agent de police) qui avait soustrait une outre remplie de beurre fondu, et l'emportait cachée sous son burnous. Malheureusement, un bout de l'outre dépassait. Le caïd Rodouan, qui marchait sur ses pas, ayant compris qu'il y avait là-dessous un larcin, se contenta de ramener le burnous du kobdjia sur le bout accusateur et de lui dire : Sauve-toi avant qu'un autre te reconnaisse. On cite de lui une foule d'autres anecdotes qui prouvent combien il était bon et indulgent.

»ll occupa les fonctions de caïd-dar pendant tout le règne de Salah Bey, et fut successivement maintenu dans son poste par les trois beys qui vinrent après lui, tant sa probité et son habileté dans les affaires administratives étaient choses notoires. Osman Bey lui retira sa charge, pour la confier à Hadj Ahmed ben El-Abiad; mais son successeur, Abd Allah Bey, la lui rendit Il ne la conserva pas longtemps.

» Arrivé au terme de sa carrière, il mourut un an après, dans un âge fort avancé, et fut enterré dans la zaouïa qu'il avait fait construire au quartier des beradâïne (ou des bourreliers, aujourd'hui rue Bleue). »

Sur sa tombe on lit: Ceci est le tombeau du défunt, du pauvre devant son Seigneur, Rodouan Khoudja, caïd-dar, décédé dans le sein de la miséricorde du Dieu vivant et éternel, en l'année 1220 (1805-1806).

Sa mémoire resta chère à ses concitoyens, et, aujourd'hui encore, son nom est synonyme de sage et pieux administrateur.

sacré tout entier aux travaux de la paix, il fut atteint d'une maladie grave qui lui ôta l'usage de ses jambes, au point qu'il ne pouvait plus monter à cheval. D'autres disent qu'il en perdit la raison. Quel qu'ait été le genre de sa maladie, le cas fut jugé à la cour d'Alger un crime capital.

Le dey Baba Hassan était en ce moment sur le point de rompre avec la France, représentée alors par M. Vallière. A la suite des démêlés qu'il eut avec notre consul, cédant à un de ces accès de colère brutale dont l'histoire de la Régence ne nous offre que trop d'exemples, il envoya l'ordre de mettre à mort le bey Hosseïn. Le moribond fut pris et étranglé dans la prison de la casba (1).

Son corps repose dans la mosquée de Sidi Lakhdar, å côté de celui de son père, et sur sa tombe est gravée l'épitaphe suivante :

بك يوم

الحي الفيوم المعظم السيد توبي المرحوم بـكــرم بک ابن المرحوم السيد حسين سع من رجب الجرد السبت التاسع من

حسين

۱۲۰۹

Est décédé dans le sein de la miséricorde du Dieu vivant et éternel, le magnifique Sid Hosseïn Bik, fils du défunt Sid Hassen Bik, le samedi, neuf du mois de redjeb de l'année 1209, (correspondant à la nuit du vendredi au samedi, 30 janvier 1795). ›

(1) M. Cherbonneau explique différemment la mort de ce bey. Voir l'Annuaire Archéologique de Constantine, année 1856-57, p. 125.

On doit à Hosseïn la construction du palais dit Dar elbey, qui servit de résidence à ses successeurs jusqu'à Hadj Ahmed. Cet édifice, d'une construction fort massive, occupe encore aujourd'hui un assez vaste emplacement entre la rue Rouaud et la rue Caraman, bien que la partie qui formait autrefois voûte sur cette dernière rue ait depuis longtemps disparu. Il sert maintenant de pavillon d'officiers, et ses écuries sont affectées aux spahis. Les magasins du campement militaire occupent la partie de ce palais appeléc driba, où logcaient les femmes du bey. On lui doit encore l'achèvement du pont dit El-Kantara, dont la réédification, ainsi que nous l'avons vu précédemment, entreprise par son prédécesseur, avait été brusquement interrompue par sa mort. En menant à bonne fin une œuvre aussi gigantesque, ce prince donna la mesure de ce qu'il aurait pu faire lui-même, si le lacet du bourreau n'était venu, avant l'heure, rompre le cours de son existence.

Hossein Bey laissa en mourant un fils nommé Hassouna, dont la fin tragique, quoique arrivée quelques années plus tard, en 1799, nous a semblé devoir trouver ici sa place. Nous la rapportons telle qu'elle est écrite dans le manuscrit de Si Mohammed el-Babouri.

Le célèbre marabout Sidi Ahmed ez-Zouaoui, dont les exploits miraculeux nous sont déjà connus, se rendait un jour à sa campagne de Tarla, sise à l'ouest du Chettaba (1), lorsqu'en route il fit la rencontre du jeune Hassouna,

(1) Le Chettaba est une montagne à 8 kilomètres au sud-ouest de Constantine, et qui s'étend jusqu'au trente-huitième kilomètre de la route de Setif. On y trouve de nombreuses ruines romaines et des bancs de gypse d'une puissance inépuisable.

« PrécédentContinuer »