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gle qui conduit le peuple arabe à sa perte. Certains administrateurs ont essayé d'employer en notre faveur l'influence de ces sectes; mais il y aurait folie à compter sur de tels auxiliaires, qui sont, bien plutôt, nos ennemis nés. De bons esprits y voient, au contraire, un des plus grands obstacles à notre domination dans le pays.

L'étude de ces confréries religieuses a déjà attiré l'attention d'écrivains de talent, parmi lesquels nous citerons M. Brosselard, auquel l'Algérie scientifique doit tant, et M. de Neveu. On peut se reporter aux ouvrages de ces auteurs, qui ont traité la question avec la plus grande autorité.

Nous offrons aujourd'hui au lecteur le résumé d'un curieux manuscrit, sorte de catéchisme et de formulaire, à l'usage des khouan de Sidi Abd el-Kader el-Djilani, unc des neuf ou dix sectes répandues en Algérie. Ce factum est écrit sur une longue bande, composée de feuilles de papier larges de quatorze centimètres environ, sur quarante de long, et collées les unes aux autres par une bande de papier appliquée en-dessous, à la jonction de chaque feuille. Le tout forme un rouleau qui mesure quatre mè tres quarante-huit centimètres de longueur, sur quatorze centimètres, largeur de chaque feuille.

Avant de donner un aperçu de ce document, quelques détails ne seront peut-être pas superflus.

La secte de Sidi Abd el-Kader el-Djilani est une des plus anciennes et des plus répandues, tant en Orient qu'en Afrique. Elle doit son nom à Sidi Abd el-Kader, natif de Djilan, ou Gaïlan, en Perse, célèbre marabout, mort vers 561 (1165-6 de J.-C.) à Bagdad. C'est dans cette ville qu'est le siége de la secte, laquelle fait remonter son

origine à Ali, et dérive du soufisme, comme la plupart des autres. En Algérie, Sidi Abd el-Kader est le patron des pauvres et des affligés, qui sollicitent sans cesse la charité en son nom.

Le supérieur (khalifa) de la secte, habite Bagdad. C'est de là qu'il envoie son mot d'ordre, dans tout le monde musulman, à ses mokaddem ou cheikh (représentants). Ces lieutenants sont revêtus de l'autorité spirituelle dans leur ressort; ils ont un cachet, et possèdent le droit de nommer sous leurs ordres des nekib ou naïb (vicaires).

A la suite de la pièce dont nous allons donner l'analyse, nous verrons un diplôme conféré par le mokaddem.

Les khouan se réunissent en assemblée présidée par le cheikh, qui confère l'ouerd (certificat d'admission) au néophyte, après différentes scènes mystiques et un interrogatoire dont notre manuscrit nous donne le formulaire. Le néophyte reçoit ensuite la ceinture (ched) symbolique, image de l'union de la confrérie et de sa fermeté ; puis un festin com némoratif termine la séance.

l'obéissance

Les principales règles de la secte sont absoluc aux chefs de l'ordre, le renoncement au monde, la retraite, la veille, l'oraison continue et l'obligation d'assister aux réunions périodiques. Ces règles sont énoncées de la manière suivante, dans le catéchisme qui suit: « rejeter les mauvaises paroles; prononcer sans cesse le nom de Dieu; mépriser les biens de la terre; repousser les amours humaines, et craindre le Dieu très-haut.

Des noms allégoriques servent à désigner chaque chose; ainsi, la secte s'appelle : t'rik'a (), c'est-à-dire, la voie droite ou la règle. Les frères), s'intitu

lent:

As'h'âb el-fetoua (ÿ__~~}), c'est-à-dire compagnons de la décision (1);

"As'h'âb el-beçaľ (~~), compagnons du tapis ou de la natte ;

As'h'âb ech-chedd ou el-ied (!), compagnons de la ceinture (fermeté), et de la main (puissance);

Ahel et-t'rik'a (lol), gens de la voie ;

الطريفة)

أولاد المن)

Aoulâd el-menn ( ̧„„↓›¥‚1), enfants de la douceur.

Bien d'autres noms désignent encore les frères. Les affiliés à la confrérie se reconnaissent à des signes et à des mots de convention.

Notre manuscrit commence par un long récit, fort embrouillé, ayant pour but d'expliquer les mystères religieux sur lesquels s'appuie la secte, et d'en donner l'origine. Nous ne reproduirons de ce long texte que ce qui pourra servir à l'intelligence du questionnaire suivant, qui est la partie la plus intéressante du manuscrit. L'écriture est peu élégante, mais assez lisible. Malheureusement, le copiste, soit négligence, soit ignorance, a commis de nombreuses fautes, répétitions, erreurs ou transpositions, qui rendent indécise l'intelligence de certains passages, puisqu'on manque de point de comparaison. Aussi est-ce avec la plus grande raison, que l'écrivain, dans un moment d'humilité s'écrie:

اعوذ بالله من الزيادة والنقصان

(1) Le mot fetoua(), nom d'action de la quatrième forme du

verbe feta, signifie : la décision, la marche à suivre, donnée par un docteur, en réponse à une consultation. Les khouan semblent l'employer dans le sens d'oraison.

(Je prie Dieu de m'éviter les répétitions et les oublis). Nous avons divisé ce que nous appellerons l'exposition en trois parties:

La première, contient le récit de la fondation du temple de la Mecque, et les détails du pacte d'alliance accordé par Dieu aux enfants d'Adam;

La deuxième, l'abrégé des faits relatifs à la nuit de l'ascension (maradj), pendant laquelle Mohammed est allé de la Mecque à Jérusalem, et de là au trône de Dieu;

La troisième, le récit du retour du pélerinage d'adieu, et des cérémonies dans lesquelles le prophète est censé avoir transmis sa succession à son gendre Ali.

C'est sur ces faits principaux que sont basées les règles des khouan, de Sidi Abd el-Kader el-Djilani.

Vient ensuite le catéchisme proprement dit, suivi de la généalogie de Sidi Abd el-Kader, et enfin un diplôme de mokaddem, conféré au frère El-Hadj Ahmed ben Mohammed ben bel-Kheïr.

RÉSUMÉ PRÉLIMINAIRE

Au nom du Dieu clément et miséricordieux !

Que Dieu répande ses grâces sur N. S. Mohammed, sur sa famille et sur ses compagnons !

(Empreinte effacée d'un cachet mesurant 22 millimètres de diamètre).

O vous qui aurez recherché cette décision (fetoua), et cette règle de conduite (t'rik'a), puisse Dieu vous diriger

pour le bien dans les deux maisons: celle de cette vie, et celle de l'autre vie !

Les auteurs primitifs de cette fetoua, les maîtres de la règle de conduite sont au nombre de quatre. Ce sont les quatre docteurs des œuvres : le premier est Adam; le second, Noé; le troisième, Abraham, et le quatrième Mohammed (1). Adressons à Dieu quatre tekbirat (2) pour chacun d'eux.

I

Adam se trouvait dans le paradis, environné de douceurs et ayant Eve à ses côtés. Or, Satan, qu'il soit maudit ! vint vers cux; il les détourna de manger les friandises du paradis, et les incita à manger du fruit défendu. Et ils en mangèrent, et aussitôt le diadème (tadj), s'envola de la tête d'Adam, et le vêtement de chasteté d'Eve disparut.

Ils cherchèrent alors parmi les arbres du paradis, afin de trouver de grandes feuilles pour couvrir leur nudité; mais ils arrivèrent jusqu'au figuier, sans qu'aucun arbre leur eut donné de ses feuilles. Alors le figuier leur donna huit feuilles trois pour Adam et cinq pour Evc.

Dieu cria alors à cet arbre: « Pourquoi, ô figuier, lorsque tous les arbres du paradis ont refusé leurs feuilles, donnes-tu les tiennes sans mon ordre ? »

Le figuier répondit en invoquant la bonté de Dieu.

(1) Nous supprimons la formule: que Dieu répande sur lui ses grâces etc., qui accompagne toujours la mention du prophète.

(2) La tekbira consiste à prononcer cette invocation: Allahou Akbar (Dieu est très grand ! ).

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