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pas sans dangers; pendant que notre voyageur se promenait sur le pont, un coup de fusil, parti de la côte, venait frapper le bordage du navire.

Arago, dans l'Histoire de sa jeunesse, raconte son entrevue avec le kaïd de Bougie, auquel il demande å se rendre à Alger par terre, la saison ne permettant pas alors d'entreprendre ce voyage par mer. Le kaïd, n'ayant rien autre à lui prendre, juge à propos de s'emparer de sa cravate, puis, après maintes difficultés qu'il soulève, à cause du peu de sûreté de la route, l'autorise enfin à partir avec un marabout. Pendant son voyage, Arago est exposé à mille dangers; tantôt, il rencontre des Kabiles. å mine rébarbative et semblables, dit-il, à des soldats de Jugurtha; plus loin, il faut parlementer avec les habitants des villages, petites républiques, dont on ne peut traverser le territoire sans obtenir la permission du marabout président. Une autre fois, une femme blonde, d'une blancheur éclatante et fort jolie, faillit l'assommer à coups de perches. Reconnu pour un Roumi et sur le point d'être massacré, il n'échappe à ce nouveau danger qu'en prononçant les paroles sacramentelles de la profession de foi musulmane. Enfin, Arago arrive à Alger, à la grande stupéfaction de l'autorité turque, qui ne veut pas croire à ce voyage, que le pacha lui-même n'oserait entreprendre, tant il présente de difficultés et de dangers.

ÉTUDE

SUR

LA CONFRÉRIE DES KHOUAN

DE

SIDI ABD EL-KADER EL-DJILANI

A PROPOS D'UN CATÉCHISME A L'USAGE DE LADITE SECTE

PAR M. E. MERCIER

Interprète judiciaire.

L'influence des religions sur les destinées des peuples a toujours été considérable. Les grandes guerres, les persécutions, les conquêtes, les invasions, les émigrations, toutes ces causes de modifications ethnographiques ont eu, le plus souvent, pour point de départ ou, au moins, pour prétexte, l'idée religieuse. Il n'entre pas dans notre cadre de faire la balance du mal et du bien produits; nous constatons seulement un fait, et nous ajoutons qu'il n'est, peut-être, aucune religion, ayant eu autant d'influence sur ses sectateurs, que le mahométisme. Étudier la pratique de cette religion, c'est donc étudier le peuple du nord de l'Afrique et se tenir dans le programme des travaux de la Société Archéologique.

Bien peu de temps après l'établissement de l'islamisme et la mort de Mahomet, de grandes querelles divisèrent

les musulmans, pour la succession au khalifat, trône du chef spirituel et temporel des vrais croyants. Ali, fils d'Abou T'aleb, cousin du prophète et son unique gendre, puisque Mahomet, sur le grand nombre de ses épouses, n'obtint qu'une fille, essaya, par la force, d'obtenir la reconnaissance de ce qu'il appelait ses droits à l'imamat; mais, il rencontra une résistance des plus tenaces de la part des habitants de la Mecque, ayant à leur tête la famille des Oméïades. Vaincu, après plusieurs batailles sanglantes, Ali ne put empêcher l'Oméïade Moaouïa de prendre la succession de Mohammed.

Renonçant alors à la guerre ouverte, les partisans d'Ali organisèrent la résistance occulte, et fondèrent la première société secrète religieuse musulmane. Cet exemple devait être largement imité, puisqu'on compte maintenant, en Orient, jusqu'à trente-deux sectes. Les partisans d'Ali prétendaient que le khalife ne pouvait être pris que dans la descendance de Mahomet par sa fille Fatima; presque en même temps, une autre secte, se fondant sur ce que le chef de la religion devait être pris dans la totalité des fidèles, se forma, et, sous le nom de kharedjisme (schisme), acquit bientôt une grande puissance.

Comment l'islamisme, ayant à lutter, dès son début, contre cette triple cause de dissolution, ne sombra-t-il pas, à la suite des batailles acharnées, entre musulmans, qui en furent la conséquence?

C'est là un de ces problèmes historiques, pour lesquels la raison humaine chercherait en vain une solution plausible.

Le nord de l'Afrique, très peu de temps après avoir été conquis et converti par les armées arabes, se jeta, avec

une sorte de rage, dans toutes les hérésies qui signalèrent les premiers siècles de l'islamisme. Les Berbères ý trouvaient un prétexte toujours renaissant de secouer le joug de leurs maîtres. Il fallut deux siècles de luttes pour éteindre, dans le sang, le kharedjisme en Afrique. C'est assurément à ces guerres, qui arrêtèrent le courant de l'émigration berbère sur l'Espagne, que la chrétienté dut son salut. Le khalifat d'Orient usa ses forces et perdit son prestige dans ces combats, où les indigènes de l'Afriqué apprirent à lutter avec les Arabes et à les vaincre. Aussi, à peine les kharedjites étaient-ils à peu près domptés, qu'ils furent remplacés par les chiaïtes (sectaires), partisans de la famille d'Ali.

Ce schisme, que nous avons vu se fonder sous la forme de première société secrète, avait continué à s'étendre en Orient, malgré les efforts des Abbacides, successeurs des Oméïades, et malgré la défaite des petit-fils d'Ali. Divisé en cinq sectes principales, il avait des pontifes établis dans différentes villes saintes, et, de là, envoyait des missionnaires (daï), jusque dans l'Inde, au Levant, et dans l'extrême Mog'hreb (Maroc actuel), au Couchant.

Le chef d'une de ces sectes, celle des Ismaïliens, nommé Obeïd Allah, dit le mehdi, n'eut qu'à paraître en Afrique, pour renverser ce qu'il y restait de l'autorité arabe. Les sectes chiaïtes se répandirent alors chez les indigènes du nord de l'Afrique, et y furent le principe des confréries religieuses qui y existent maintenant.

Le rôle de ces sociétés secrètes, dont les membres sont désignés, de nos jours, sous le nom de khouan (frères), est encore très important. Ce sont elles, en grande partie, qui entretiennent, parmi les indigènes, ce fanatisme aveu

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