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cessible le cap Carbon, que surmonte un phare de premier ordre à feu tournant qui signale aux navigateurs le port de Bougie. Un feu fixe au cap Bouac, et un second au fort Abd el-Kader, leur indiquent les caps à doubler pour entrer dans la rade.

La fortification actuelle, formée par un mur crénelé, est dans l'enceinte même de la ville sarrasine; mais elle n'occupe que la septième partie environ de son ancienne étendue. La défense de ce mur est renforcée vers son milieu, à la partie supérieure du terrain, et du côté de la montagne, par le fort Barral, qui domine entièrement la ville, et aux deux extrémités, par les forts Abd elKader el Kasba. Cinq portes ont été conservées: ce sont les portes Fouka, des Vieillards, d'Abd el-Kader, de Barral, de la Kasba. Ces trois dernières communiquent aux trois forteresses défendant les abords de la place, assise sur les pentes du ravin profond d'Abzaz, qui, à toute époque, a coupé la ville en deux, ce qui explique la forme plurielle donnée à son nom latin Saldæ, les Saldes. Les maisons, éparpillées au milieu des arbres sur la déclivité où se festonne une riante verdure, ont un caractère champêtre, qui contraste avec la nature sévère des montagnes voisines. Mais elles commencent à perdre de leur aspect primitif, car les jardins, les fraîches tonnelles aux vignes grimpantes et les arbres de différentes essences qui les entouraient, tendent à disparaître de jour en jour, depuis le percement des nouvelles rues et la construction de quelques vastes et disgracieuses maisons, véritables casernes, dans lesquelles l'esprit de spéculation, a plus de part que le bon goût. La forme des habitations indigènes, complétée par tous les aména

gements qui contribuent au bien-être de la vie civilisée, est certainement bien préférable à celle de nos constructions à plusieurs étages, pour se préserver des ardeurs du climat.

Un autre inconvénient est celui des dangers auxquels on est exposé dans les maisons à plusieurs étages, quand malheureusement les tremblements de terre se font sentir. Les secousses éprouvées en 1856, ont été faibles à Bougie, quelques lézardes seulement se produisirent; mais à Gigelli leur violence causa un véritable désastre.

Quoiqu'il en soit de cette appréciation personnelle, nous devons néanmoins reconnaître que des rues larges et bien alignées ont succédé aux rues étroites des indigènes; où pouvait seul passer un homme, maintenant des voitures circulent sans encombre. Rien n'a été négligé pour parvenir à ce résultat là, des maisons ont été abattues; ailleurs la mine a fait sauter des rochers pour établir un passage commode. La direction générale de ces rues est de l'est à l'ouest, à peu près parallèlement à la rade; les plus importantes, sont la rue du Port, qui s'étend de la place de la Marine à la Kasba, garnie seulement de maisons en face du débarcadère; la rue Trézel, qui mesure presque toute la largeur de la partie habitée de la ville; la rue Fathma, qui la continue; la rue des Vieillards, qui se joint à la rue Trézel, vers le milieu de son parcours. La disposition du sol ne perinet pas d'établir des rues transversales propres à relier entre elles les rues à peu près parallèles que nous venons d'indiquer, et qui se joignent à angles aigus. La différence de niveau est trop considérable, en effet, et, pour la combler, des escaliers ont été indispen

sables. D'autres rues ou voies, non garnies de maisons et plantées d'arbres, conduisent au fort Abd-el-Kader, et, par des circuits qui adoucissent les pentes, à l'hôpital militaire et à la caserne de Bridja. Les places LouisPhilippe et de la Marine sont également entourées d'arbres: il serait à désirer que des plantations fussent faites sur la place de l'Arsenal, où, le matin, se tient le marché de la ville.

En raison de la direction générale des rues, la plupart des constructions européennes ont une face au nord, vers le Gouraïa, l'autre au sud, regardant la mer; et le sol de la ville s'élevant en amphithéâtre de la mer vers le Gouraïa, par des pentes rapides, il en résulte que chaque habitation, se trouve construite entre deux rues de niveau bien différent. Pour certaines maisons construites sur le bord de la mer, par exemple, le second et même le troisième étage de la face sud, se trouvent à hauteur du rez-de-chaussée de la face nord sur la rue Trézel, et ainsi de toutes celles qui ont une orientation analogue, et suivant que la différence de niveau des deux rues parallèles est plus ou moins considérable. De cette façon, l'étage ou les étages inférieurs qui font face à la mer, sont souterrains par rapport à la rue qui les domine au nord.

Il ne reste actuellement à Bougie que fort peu d'anciennes habitations; on n'en voit plus guère que dans la partie de la ville dite quartier arabe, où se trouve groupé tout ce qui existe de population indigène, au-dessous du fort Barral.

L'église, édifiée par nous, n'a rien qui la distingue, sinon une immense coupole, qui se voit de très loin,

surtout quand on est en mer. On remarque, sur sa façade, des armoiries données par nous ne savons quel collége héraldique. L'écu est chargé d'un croissant, d'une comète et d'une ruche le croissant rappelle la domination musulmane; la comète fait allusion à celle qui parut à l'époque où l'on construisait l'église (1858); la ruche, enfin, doit être l'emblème de l'activité des colons et des populations kabiles, à moins qu'elle ne rappelle la cire dont on fait les bougies, qui auraient pris leur nom de celui de la ville.

Cet écu est supporté par un singe, ce qui s'explique par la présence de cet animal aux environs de la ville.

L'emplacement de l'église présente cette circonstance curieuse, qu'on a trouvé, à trois mètres au-dessous du sol, les fondations d'une mosquée, dite Djama Sidi elMohoub, encore debout en 1832; et à cinq mètres plus bas, les assises en pierres de taille d'un temple de la colonie romaine, comme le constate l'inscription qu'on y a découverte (1). La tradition des peuples a donc perpétué la destination religieuse de cet emplacement, temple d'abord, ensuite mosquée, aujourd'hui église.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, il n'existe plus aucune des anciennes mosquées qui faisaient autrefois le principal ornement de Bougie. On n'y voit que quelques koubba, oratoires ou chapelles, d'un aspect très mesquin, consistant en une chambre dans laquelle reposent les cendres d'un saint homme dont les musulmans vénèrent le souvenir.

Les établissements civils sont sans importance; il n'y

(1) Revue africaine, t. II, p. 69.

a guère à citer que l'ancien commissariat civil transformé en hôtel-de-ville.

Les établissements militaires sont plus nombreux; ils comprennent les casernes et l'hôpital militaire, situés à Bridja, sur un plateau qui domine la ville à l'est. Nous ne parlerons pas du casernement qui existe dans les trois forts qui défendent la place. L'hôtel du commandant supérieur est une modeste maison restaurée à l'européenne, entourée d'un jardin et située auprès de la Kasba.

Il a été plusieurs fois question d'un nouveau système de fortifications, qui porterait l'enceinte de la ville bien au-delà de la ligne qu'elle occupe actuellement. Quelques travaux ont été même exécutés, et quand les projets seront définitivement arrêtés, la zône comprise dans cette nouvelle enceinte sera sans doute utilisée en constructions et jardins.

Il parait probable qu'à certaines époques la ville a souffert par le manque d'eau l'établissement des citernes, dont la plupart des maisons sont pourvues, a dû être un acte de prévoyance et de nécessité. On retrouve, sur presque tous les points, des ruines d'anciens conduits, remontant à l'époque de la splendeur de Bougie. Nous aurons plus loin à reparler de l'aqueduc romain qui amenait les eaux de la montagne de Toudja jusque dans les murs de l'antique Saldæ. Aujourd'hui, les rues sont pourvues de fontaines pour les besoins de la population; les sources du versant du Gouraïa ont été amenagées.

Le marché journalier de Bougie, qui se tient sur la place de l'Arsenal, dans le haut de la ville, est assez bien approvisionné. Les jardiniers européens et indigènes y

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