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des Louata qui habitent au sud de Tiharet et fréquentent la vallée de la Mina. D'ailleurs, ce qui achève d'établir l'identité, c'est que M. le capitaine de spahis Dastugue, du bureau arabe de Blida et notre correspondani, a pris copie, sur les Djedar, d'une inscription très-fruste, où M. de Slane, à qui il l'a communiquée, a pu lire seulement les mots Solomo el Strategos, qui se retrouvent tous les deux sur le document épigraphique reproduit par Ebn-Khaldoun. Si, comme il parait très-probable, les Djedar ont été élevés par Solomon, général de Justinien, ils prouveraient que l'action byzantine s'est fait sentir beaucoup plus loin dans l'ouest de Carthage qu'on ne l'avait imaginé jusqu'ici; car pour construire des monuments comme les Djedar, il ne faut pas seulement traverser un pays, il faut y séjourner.

Nous tiendrons nos lecteurs au courant des nouveaux renseignements qui pourraient nous parvenir sur cet intéressant sujet, et nous appelons l'attention des personnes placées à proximité des Djedar sur ces anciens monuments et sur les documents épigraphiques qui peuvent s'y trouver.

PROVINCE D'ALGER.

MOUZAÏA VILLE.

M. Ausone de Chancel, sous-préfet de Blida et notre correspondant dans cette partie de la province, témoigne un zèle très-remarquable pour les antiquités locales. On lui doit la conservation de plusieurs objets précieux trouvés à Mouzaïaville, notamment la statue de Bacchus, exhumée à peu-près intacte et qui est aujour d'hui un des principaux ornements de notre Musée.

Tout récemment, on a découvert, dans cette localité, une inscription qui paraît trancher une question importante de géographie comparée. M. de Chancel l'a aussitôt recueillie pour l'adresser au Musée de notre ville.

Elle est gravée sur une tablette de marbre, haute de 75 cent. et large de 50 cent. Le haut de cette tablette a été brisé; mais, d'après ce qui reste de l'inscription, on peut conjecturer que la lacune n'est pas considérable. Par malheur, elle porte précisément sur le nom du personnage auquel elle est dédiée.

Voici ce qui subsiste encore, d'après un estampage pris par M. Berbrugger:

MVLTIS EXILIIS

PROBATVS ET FIDEI
CATHOLICAE ADSER
TOR DIGNVS INVENTVS
INPLEVIT IN EPISCOPATV
AN XVIII. M. 1. D. ET OCCI
SVS EST IN BELLO MAVRO
RVM ET SEPVLTVS EST DIE
VI ID. MAIAS P. CCCCLVI

Il n'y a d'entières dans la première ligne que les lettres.....IS EXI......, mais les amorces des autres caractères suffisent, avec le sens, ponr suppléer ce qui manque.

Nous proposons cette traduction, sauf à prouver ensuite la partie qui peut être contestable :

.......

Donatus, éprouvé par plusieurs exils et reconnu pour » un digne défenseur de la foi catholique, a rempli les fonctions épiscopales pendant dix-huit aus, deux mois et douze jours. Il ⚫ a été tué dans la guerre des Maures et inhumé le 6 des ides de • mai de l'année provinciale 456..

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"

On a vu, dans un article précédent (l'Ère mauritanienne), que les dates provinciales de la Mauritanie ont pour point de départ la mort de Ptolémée, arrivée en 40 de J.-C. le 6 des ides de mai 456 de notre inscription répond donc au 10 mai 496. Il y avait alors deux ans que Guntamund, roi vendale de l'Afrique, avait rendu aux catholiques leurs églises et leurs évêques. Il est vrai que, dans cette même année 496, où mourut le Donatus de notre inscription, Trasimund, successeur de Guntamund, voulut les supprimer de nouveau, mais le concile de la Byzacène s'y opposa.

On savait que tout le règne de Guntamund et celui de son successeur avaient été agités par les attaques des peuplades indigènes, mais on ne citait parmi les révoltés que les Maures de la Tripolitaine; il paraît, par notre inscription, que la Mauritanie Césarienne fournit aussi son contingent à la rébellion.

Pour décider si nous avons eu raison d'appeler Donatus l'évêque dont le nom manque sur notre document épigraphique, provenant des ruines d'El-Hadjeb, auprès de Mouzaïaville, il faut d'abord établir à quel établissement romain ces ruines peuvent correspondre. Nous croyons que c'est à Tanaramusa Castra, par plusieurs motifs dont, pour le moment, nous ne citerons qu'un seul (1).

Il est à remarquer que, de toutes les stations indiquées dans les anciens itinéraires entre Sufasar (Amoura) et Rusuccuru (Dellis), Tanaramusa est la scule qui soit un évêché. Or, précisément, nous trouvons dans les ruines d'El-Hadjeb, qui sont sur cette ligne, à la distance convenable et que nous identifions à Tanaramusa, l'épitaphe d'un évêque qui certainement a été inhumé dans l'endroit même où il siégeait. Car autrement on aurait eu soin, après la formule implevit in episcopatu, d'indiquer le lieu où il avait exercé.

Marchant de déduction en déduction, nous arrivons à expliquer pourquoi nous avons appelé Donatus, dans notre traduction,

(1) Les autres seront développés dans une monographie des ruines d'ElHadjeb, qui paraîtra au prochain n°.

cet évêque de Tanaramusa dont le nom manque sur son épitaphe, par suite de la brisure signalée plus haut.

Cet évêque, éprouvé par beaucoup d'exils, est mort en 496 de J.-C. après avoir exercé pendant 18 ans. Il était donc déjà revêtu de la dignité épiscopale en 482 et a pu, deux ans après, souffrir sa part des persécutions d'Huneric contre les prélats catholiques. Et, en effet, nous trouvons qu'à cette époque, un Donatus, évêque de Tanaramusa fut exilé par ce roi arien. (V. Morcelli, Africa christiana, t. 1, p. 314.)

Nous apprenons, par le même correspondant, qu'on a trouvé tout récemment dans les ruines de Tanaramusa une grande pierre ornée d'un bas-relief d'une nature très-obscène. Nous ne pouvons entrer ici dans des détails pour lesquels le langage ne nous fournit pas d'expressions assez voilées. Nous nous bornerons donc à dire que le sujet est un oiseau placé entre deux phallus. D'après la mauvaise réputation que les auteurs anciens ont faite au corbeau, il est permis de croire que l'artiste a voulu représenter un de ces animaux, quoique son talent n'ait pas servi très-fidèlement ses intentions.

ZURICH.

Au mois de février dernier, un colon de ce village a trouvé, en défrichant un jardin, 29 sols d'or romains du 5e siècle de notre ère. Ils étaient placés en pile à 60 centimètres au-dessous du sol actuel. Huit de ces pièces ont pu être recueillies par l'autorité locale: sept appartiennent à Honorius; la dernière, qui est de Marcien, a seule quelque valeur numismatique.

Le village de Zurich est situé entre Marengo et Cherchel, au bord de l'Oued-el-Hachem, dans un endroit appelé par les Indigènes Eunseur-cl-Aksob (Source des roseaux). La puissante famille des Berkani y avait une ferme. Le village a été bâti sur les ruines d'une villa romaine. Une curicusc inscription qu'on y avait trouvée en 1843 a été presque aussitôt employée dans le mur d'un moulin.

Cherchel.

A quelque endroit qu'on fouille le sol à Cherchel ou dans ses environs, on est à peu près sûr de ramener des débris plus ou moins importants de l'antique Julia-Caesarea. Si l'on pénètre même un peu au-dessous du sol de la cité romaine, ce sont alors les vestiges d'lol, la ville purement mauritanienne, qui reparaissent au jour. Au commencement de cette année, des ouvriers, employés par le service des Ponts-et-Chaussées au nivellement de la place de l'église, ont trouvé une cinquantaine de sols d'or du Bas-Empire à l'effigie de Théodose n, Marcien, Zenon, Léon 1er et Basiliscus. Ces médailles, qui ne présentent aucun revers d'une grande rareté, ont été adressées au Musée d'Alger par l'autorité

supérieure. On a rencontré, en outre, des débris de poteries antiques, de nombreux morceaux de verre ayant apparienu, pour la plupart, à des lacrymatoires; quelques perles en verre de couleur; environ 400 médailles de bronze d'une mauvaise conservation et toutes, sauf trois ou quatre moyens bronzes, du trèspetit module dit quinaire. Ces médailles appartiennent à une série d'empereurs qui commence à Tetricus (267 de J.-C.) et finit à Arcadius (395-408).

En atteignant le sol mauritanien, on a commencé à recueillir des médailles africaines. Les unes sont des pièces de Carthage, d'autres des incertaines d'Afrique de petit module, ayant, au revers, les trois épis au milieu du champ, type qui se rencontre assez fréquemment à Cherchel. On a trouvé une pièce en plomb, de Numidic, avec une tête barbue et laurée, peut-être celle de Jugurtha; et une autre en moyen bronze, de la Mauritanie Césarienne, où la tête diadémée de Ptolémée, fils de Juba, a, pour revers, le lion passant à droite. Le très-mauvais état de toutes ces pièces ne permet pas de leur attribuer quelque valeur numismatique. C'est du moins l'opinion de M. de Lhôtellerie, conservateur du Musée de Cherchel, juge très-compétent en pareille matière, et à qui nous empruntons les détails qu'on vient de lire.

Dans les mêmes fouilles, on a trouvé une tête en marbre blanc, au-dessous de la grandeur naturelle, que l'on croit pouvoir attribuer à Jupiter. Elle est de la mauvaise époque de l'art.

Ces résultats ont encouragé à faire de nouvelles recherches; et, le 16 mars dernier, M. de Lhôtellerie a entrepris une petite fouille qui a été des plus heureuses. Nous regrettons d'être obligé de renvoyer au prochain numéro l'exposé complet des travaux par lesquels ce conservateur a si heureusement inauguré ses nouvelles fonctions.

C'est ici le moment de dire un mot du Musée de Cherchel.

Cet établissement avait attiré spécialement l'attention de l'Inspecteur-Général des monuments historiques et des musées archéologiques de l'Algérie, dans sa tournée de 1855. Alors, il n'avait pas de directeur, le local tombait en ruine; la conservation des objets qu'on y avait réunis était en péril, et beaucoup d'antiquités intéressantes se trouvaient au dehors, dans les rues et dans la campagne, exposées aux injures de l'air et aux attaques du vandalisme. Ces faits regrettables ayant été signalés dans son rapport, M. le Maréchal Gouverneur, animé d'une vive sympathie pour la science historique, a pris les mesures nécessaires pour remédier au mal et il a été parfaitement secondé par l'autorité locale. Aujourd'hui, grâce à son intervention, le Musée de Cherchel est réparé; la commune a choisi pour conservateur M. de Lhotelle

rie, numismatiste très-distingué et ami passionné de nos antiquités africaines. Déjà, par les soins de ce fonctionnaire aussi zélé que savant, les objets dispersés au dehors sont réunis dans l'établissement où leur place était depuis longtemps marquée. Il a commencé des fouilles qui ont eu les heureux résultats dont nous parlions tout-à-l'heure et qui ont une assez grande importance pour mériter un article particulier, ainsi que nous l'avons dit plus haut.

BOU-ISMAIL.

Le 14 mai dernier, M. Depeille, un de nos collègues, a copié une inscription trouvée à Bou-Ismail sur le terrain du colon Cannaux. Ce document épigraphique est gravé sur un tuf grossier, en caractères tout-à-fait barbares. Il a été depuis adressé au Musée d'Alger par les soins de M. Depeille. Voici ce qu'on y lit :

MEM°
RIA GER
MANI

ET DONA

TAS (sic) BENE L

ABORAN
TES

"A la mémoire de Germanus et de Donata dont les œuvres » sont bonnes.

Le terrain où l'on a recueilli cette inscription est tout près de celui du colon Simand où il existe une trentaine de tombes. En somme, cette petite nécropole avait à peu près un hectare d'étendue. Il n'y avait pas de squelette dans la tombe à laquelle appartient l'inscription.

D'autres épitaphes avaient été exhumées au même endroit et employées presqu'aussitôt par les colons. Nous espérons que ces actes de vandalisme ne se renouvelleront plus.

Le style de ce petit document épigraphique est incorrect, comme celui de presque toutes les anciennes épitaphes chrétiennes d'Afrique et même d'Italie, car ce n'était pas alors parmi les puissants et les savants de la terre que la doctrine du Christ rencontrait ses partisans les plus dévoués.

L'emploi du mot memoria, de l'expression bene laborantes et l'absence de restes humains dans la fosse, annoncent un cenotaphe chrétien, élevé peut-être lors de la persécution d'Hunérie, en 484, quand ce roi vandale envoya un évêque arien aux catholiques de Tipasa (de l'Ouest), pour les obliger à embrasser l'hérésie d'Arius.

On sait qu'alors une grande partie de la population s'enfuit en Espagne (Morcelli, t. 1, p. 210), et que ceux qui ne purent

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