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1ro Année.

N° 5.

Juin 1857.

Revue africaine

SOCIÉTÉ HISTORIQUE ALGÉRIENNE

RAPPORT sur sa situation et celle de la Revue Africaine depuis le 7 avril 1856

Lu à la séance du 8 mai 1857.

Les articles 12 et 14 des Statuts de la SOCIÉTÉ historique ALGÉRIENNE disposent que le Président, les Vice-Présidents et le Trésorier-Archiviste exercent leurs fonctions pendant une année seulement.

Voici, du reste, les termes textuels de ces deux articles:

ART. 12. Le Président et les Vice-Présidents sont en fonction pendant un an. Ils peuvent être réélus.

ART. 14.

Les fonctions du Trésorier-Archiviste durent un an. Ce membre du bureau est aussi rééligible, sans intervalle.

La nomination de ces fonctionnaires, maintenant en exercice, remontant au 2 mai 1856, il y a donc lieu de renouveler aujourd'hui cette partie du bureau.

Nous ne quitterons pas, toutefois, les fonctions que nous devons à votre confiance, sans placer sous vos yeux un tableau rapide de l'état actuel de la Société. M. le Trésorier-Archiviste vous exposera bientôt notre situation financière qui est des plus satisfaisantes. Je vous entretiendrai, en ce qui me concerne, de faits d'une autre nature et qui n'ont pas une moindre importance.

L'introduction placée en tête de la Revue africaine me dispense de revenir ici sur nos origines. Je prendrai donc les choses au 7 avril 1856, date de l'arrêté qui nous donne une existence légale et régulière.

Revue africaine, no 5.

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Permettez-moi, avant tout, de rappeler l'esprit qui a présidé et qui préside encore au recrutement de notre Société. C'est celui qui anime les sociétés les mieux constituées de l'Europe; sans lui, pas d'avenir pour les associations scientifiques les plus utiles d'ailleurs, quant au but qu'elles poursuivent.

Dans le principe, et lorsque nous étions encore dans la période d'organisation, nous n'avons formé qu'un groupe très-restreint; mais dès que cette œuvre préalable, qui veut un petit nombre de travailleurs, a été accomplie, nous avons commencé à ouvrir nos rangs à tous les hommes de bonne volonté que leurs sympathies pour la science historique désignaient à notre choix, nos statuts n'imposant d'ailleurs aucune limite au chiffre de ces adjonctions.

Nous avons pensé qu'il y a bien des manières de concourir à l'entreprise que nous avons commencée : Pendant que les membres honoraires mettent au service de la Société les influences morales et matérielles de leurs hautes positions, nos membres correspondants recueillent sur tous les points de l'Afrique les faits qui occupent nos séances et qui alimentent notre journal, après que les membres résidents les ont discutés et commentés. Par les cotisations et l'abonnement à la Revue, tous fournissent les moyens de publicité sans lesquels les meilleurs travaux demeurent inconnus et stériles.

Placés à ce point de vue, nous avons dû adopter la conduite large et libérale des grandes sociétés européennes, surtout celles d'Angleterre, qui admettent toute personne honorable qui veut el peut, à un titre quelconque, concourir au but qu'elles se sont proposé. Si, en effet, une société scientifique ne recevait que des savants proprement dits, elle serait nécessairement très-restreinte, quant au nombre, et les moyens d'exécution demeureraient au niveau du faible chiffre de ses membres.

C'est en Algérie surtout que ce principe devait être appliqué, car il n'y avait pas ici de savants proprement dits; mais par bonheur il n'y manquait pas d'hommes instruits et de bon vouloir. C'est à eux que nous nous sommes adressés; et leur empressement nous fait espérer qu'avant peu l'Afrique aura aussi son école qui exploitera et fera connaître les immenses richesses historiques que nos contrées renferment.

Je n'ai pas besoin d'expliquer ici le but spécial de la société, mais je dois dire qu'il est plus élevé et sera plus fécond que l'on ne serait d'abord tenté de le croire. Pour ceux qui ont visité l'in

térieur de ce pays et qui ont pu observer les fâcheux effe! de l'isolement, du manque de livres et surtout de l'absence de tout but intellectuel, il n'est pas besoin d'expliquer longuement que le mouvement historique que nous provoquons sur tous les points. de l'Algérie, et dont les résultats sont déjà consignés en assez grand nombre dans notre journal, ne peut qu'avoir une influence morale des plus heureuses.

Ici, Messieurs, nous manquerions à un devoir sacré, si nous ne faisions entendre quelques paroles de reconnaissance à M. le Maréchal-Gouverneur à qui l'on doit l'initiative de notre fondation. Il ne nous appartient pas de rappeler les autres titres qu'il possède à la gratitude de la Colonie et de la France; mais nous pouvons et nous devons proclamer que nul plus que lui ne s'est occupé de la science et ne lui a fourni, dans les limites des possibilités administratives, plus de moyens de se naturaliser enfin sur cette terre d'Afrique si longtemps plongée dans les ténèbres de la barbarie.

Le nombre des personnes qui se sont associées à cette haute initiative est aujourd'hui de 181, ainsi réparties.

La Société historique algérienne compte 25 membres honoraires, en Algérie ou en France. Elle a 113 correspondants dans la colonie, au Maroc, en Tunisie, en Égypte, dans la métropole, en Augleterre, en Espagne, en Russie et jusqu'en Amérique. Enfin, ses membres résidents sont au nombre de 43. M. le TrésorierArchiviste nous dira quelles ressources financières ce personnel offre à la Société pour la publication de son journal et les autres frais. Si, comme tout autorise à l'espérer, le chiffre continue de s'augmenter, on pourra, par la suite, faire paraltre la Revue africaine tous les mois et publier même des ouvrages dont la Société aura reconnu l'utilité et l'à-propos.

Ce simple exposé suffit pour montrer que la Société historique algérienne est dans les conditions de vitalité les plus satisfaisantes. Pouvant appliquer son activité à des œuvres sérieuses et possédant les moyens de répandre cette activité au dehors par son journal, elle devait échapper, en effet, à cette funeste torpeur qui saisit inévitablement toute association scientifique condamnée à concentrer ses travaux dans l'enceinte de ses séances.

Ceci m'amène naturellement à parler de notre Revue africaine. Il a sans doute paru téméraire à beaucoup d'entre nous de fonder un journal, alors que nous étions peu nombreux et encore aux prises avec les difficultés d'un commencement d'organisation.

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On pouvait craindre, en effet, deux écueils assez sérieux : l'insuffisance des ressources pécuniaires en même temps que celle des matières à publier. Mais il y a daus les entreprises qui arrivent en leur temps - e! la nôtre était du nombre des chances de succès que la raison n'aperçoit pas toujours, mais qu'un heureux instinct fait pressentir. Vous verrez par le rapport de notre honorable Trésorier que nos recettes ont dépassé nos dépenses; de sorte que, dès aujourd'hui, nous pouvons étendre el améliorer notre œuvre. Je puis vous dire, de mon côté, que non-seulement jamais la matière n'a manqué à la Revue, mais que l'on a eu à chaque numéro le regret de ne pouvoir faire passer beaucoup de bonnes choses qui méritaient d'y prendre place. C'est ainsi qu'en ce moment nous avons, en avance, assez d'articles pour composer quatre numéros, au moins.

Ceux d'entre vous qui suivent assidument les séances et qui savent quelle quantité de communications nous arrivent par les correspondants, ne s'étonneront pas de cet heureux résultat. L'abondance des matières destinées à la Revue ne peut qu'augmenter d'ailleurs avec le nombre des membres de la Société et à mesure que notre recueil fera son chemin dans le monde de la publicité.

Chargé par vous de diriger la publication du journal avec le concours de la Commission permanente, je me suis efforcé de ne pas rester trop au-dessous de cette tâche difficile. J'ai fait appel d'abord, en votre nom et sur tous les points de l'Afrique septentrionale, aux hommes qui s'occupaient ou pouvaient s'occuper de travaux historiques. Déjà plusieurs y ont répondu avec empressement: ainsi en Tunisie, M. Tissot a fourni des articles qui ont été justement remarqués. Il achève eu ce moment de visiter la Tunisie méridionale, et il nous écrit du Djerid qu'il prépare une nouvelle communication sur les pays qu'il vient d'explorer. En Égypte, M. le docteur Rossi, médecin d'Ibrahim pacha, nous annonce l'envoi prochain d'un travail sur la Nubie et le Soudan qu'il a visités avec le prince auquel il est attaché. A l'extrémité opposée de l'Afrique, un autre correspondant, M. Cotelle, 1er drogman du consulat général de France à Tanger, nous a fait connaître des manuscrits historiques à l'un desquels M. de Slane vient d'emprunter son intéressant article sur la conquête du Soudan.

Il serait trop long de citer ici tous ceux de nos collègues qui ont apporté le tribut de leurs recherches et de leurs lumières au journal que nous publions. Les travaux sont d'ailleurs sous vos

yeux dans les quatre numéros qui ont déjà paru et vous p apprécier le mérite des auteurs ainsi que l'importance de leurs

œuvres.

En somme, la Société historique a obtenu un succès que nous n'aurions pas osé espérer si complet ni si prompt. Dès la première année de sa fondation, ses recettes excèdent ses dépenses, quoiqu'elle ait publié quatre numéros d'un journal qui, dans ses 328 pages déjà imprimées, renferme la matière de deux volumes ordinaires. Elle a recueilli, en Afrique, en Europe et même en Amérique, les adhésions de cent quatre-vingt-un collaborateurs qui se recommandent par le zèle et par les lumières.

Au moment de remettre nos fonctions en d'autres mains, c'est une bien vive satisfaction pour nous de pouvoir léguer à nos successeurs une situation intérieure prospère, une honorable position prise dans la presse et dans le monde savant qui a bien voulu, par l'organe de quelques-uns de ses membres, applaudir à nos humbles travaux et même y prendre part.

En terminant ce rapport, je dois constater que les résultats avantageux que je suis heurenx de proclamer sont dûs, en grande partic, à l'union toute fraternelle qui n'a cessé de régner entre les membres de la Société. Celle-ci a été constamment exempte de ces dissensions intestines qui paralysent trop souvent les efforts de beaucoup d'associations scientifiques, quand elles n'en causent pas la dissolution prématurée.

Permettez-moi maintenant, Messieurs, de laisser la parole à M. le Trésorier-Archiviste qui va produire les preuves matérielles des assertions contenues dans ce rapport, relativement à l'état prospère de nos finances.

Alger, 2 mai 1857.

Le Président,

A. BERBRUGGER:

Après la lecture de ce rapport, M. Bérard, trésorier-archiviste, donne un exposé de l'état financier de la Société et du journal, au 30 avril 1857, et confirme par les faits la bonne situation annoncée par le Président.

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