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voilà assez de motifs de certitude que l'inscription sc rapporte à la guerre de Théodose contre Firmus et qu'elle doit être réellement de l'année 373.

Nous devons dire à propos de ce qui précède — qu'à l'époque où M. d'Avezac écrivait son livre, on ne connaissait guère l'épigraphie africaine que par des copies d'une exactitude trèscontestable. Nous n'entendons pas, en ce qui nous concerne, échapper aux conséquences de cette appréciation: tous, en Afrique, nous étions plus ou moins novices dans ce genre d'études. L'estampage n'était pas en usage comme à présent; et si l'on pouvait en Europe soupçonner nos erreurs, nos inexactitudes, on manquait de tout moyen de contrôle pour les préciser. En se replaçant à ce point de vue, qui par bonheur est déjà loin de nous, on comprendra que M. D'Avezac, frappé des rapports qui s'offraient entre une phrase de l'inscription d'Aumale et un passage d'Ammien Marcelin, ait cru que les deux énouciations se rapportaient à un seul et même fait et ne se soit pas laissé arrêter par la date de la première inscription, croyant à une de ces erreurs comme Shaw en a commises trop souvent dans ses transcriptions. Dans cette disposition d'esprit, il n'est pas étonnant qu'il ait admis l'immanis corruptela qu'Orelli semblait aussi entrevoir dans ce document épigraphique.

- RUSICADA (Philippeville).

Dans les parages de la caserne du train des équipages militaires, on vient de découvrir un fort beau tombeau taillé dans un seul bloc de marbre de 2 mètres de long et 40 centimètres sur les quatre faces.

Sur ce tombeau, rien n'est écrit; mais, à la face antérieure, dans un encadrement en relief partagé par un arbre en pied, se trouvent, à droite et à gauche, deux sujets également en relief et parfaitement dessinés.

Le premier représente un cavalier dont le cheval est lancé au galop; sur ce même plan, un lièvre fuit devant deux chiens qui lui donnent la chasse; au-dessus, sur un petit plan à part, se trouve une chèvre broutant les feuilles de l'arbre qui limite ce tableau.

Le second sujet rcprésente un pasteur dans l'attitude de la parole, assis sur un objet quelconque, la houlette à la main. Deux bœufs, un cheval sont à ses pieds, son chien est devant et semble écouter ce qu'il dit. — Au-dessus de ce premier plan, et sur trois petits plans séparés, se trouvent une chèvre, debout, les pieds de devant appuyés sur l'arbre où, comme celle du premier tableau, elle semble chercher sa nourriture; puis deux brebis. — En arrière du pasteur, est également dessinée en relief une petite hutte, dont la porte livre passage à une femme qui porte sur sa tête une corbeille ronde sur laquelle se trouvent des fruits.

-

Le costume du cavalier et celui du pasteur sont à peu près identiques; ils se composent d'une tunique arrivant jusqu'aux genoux. Le cavalier porte sur l'épaule un manteau court flottant au vent; il est imberbe, tandis que le pasteur a la barbe longue.

Ce magnifique tombeau, dont l'ensemble est réellement remarquable, a été déposé dans le jardin de la bibliothèque militaire, à côté de celul de Vandia Procula, découvert, en 1851, dans une tranchée, près de la même caserne du train. — (Zéramna.)

AZIMACIA (El Hamma). La route qui conduit de Constantine à Philippeville, l'ancienne Rusicada, traverse, sur une distance de 15 à 16 kilomètres, une vallée où des ruisseaux d'eau thermale entretiennent une fertilité et un luxe de végétation difficile à décrire. Les Indigènes n'ont point donné de nom particulier à cette riante contrée: ils l'appellent Hamma, comme la source par laquelle elle est fécondée. Le mot Hamma signifie en arabe « source d'eau chaude. »

Dans les premiers jours du mois de décembre 1856, M. Cartier, conducteur des Ponts-et-Chaussées, faisait construire sur le bord de la route, non loin du douzième kilomètre, une maison destinée à servir de logement aux cantonniers. L'emplacement marqué était à portée d'un groupe de ruines dans lequel on ne pouvait éviter de prendre des matériaux. En choisissant les pierres les moins mutilées, on déterra un petit bloc de calcaire jurassique, de forme rectangulaire, et portant une inscription latine parfaitement conservée. Une copie et un estampage exécutés avec soin ont permis à M. Cherbonneau de reproduire le texte que volci :

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« Memoriae. Lucius Sittius Augustalis, amator reg (iminis) suburbani sui Azimaciani, quem (sic) a solo aedificavit, sibi suisquc fecit. Bonis bene. »

Comme on le voit, ce document est une épitaphe précédée d'une formule dédicatoire. Mais, indépendamment du fait géographique, capable à lui seul de fixer l'attention des savants, il présen'e en quelques lignes, en quelques mots seulement, la biographie d'un colon romain de la banlieue de Constantine; ses goûts de campagnard, — amator regiminis suburbani sui Azimaciani; l'établissement qu'il avait fondé, solo aedificavit; l'idée d'en perpétuer le souvenir,

-

quem a memoriae;

l'espoir d'y reposer en paix avec sa famille,

-

- sibi suisque fecit; enfin, son caractère peint par une sentence aimable, Bonis bene << bonheur aux bons! - (Revue de l'instruction publique.)

Nous ajouterons quelques observations à l'explication qu'on vient de lire.

Le mot memoria a plusieurs sens, en épigraphie: il peut signifier souvenir funéraire, tombeau, épitaphe, chapelle de saint ou de martyr et simplement, inscription commémorative.

Suburbanum est une maison de campagne bâtie dans la banlieue d'une ville.

En s'appuyant sur ces bases, on obtient cette traduction de l'épigraphe du Hamma de Constantine:

« Souvenirs funéraires! - L. Sittius, prêtre augustal, amateur du sejour » de sa villa d'Azimacia qu'il a entièrement construite, à partir des fonda» tions, a élevé ce monument à lui et aux siens. Bonheur aux bons. > Si les indications habituelles des épitaphes, telles que l'âge, etc., manquent ici, c'est que probablement celui qui a fait. bâtir cette sépulture de son vivant n'y aura pas été déposé après sa mort, non plus que les siens. Ce mécompte arrivait nécessairement à ceux qui allaient mourir loin du monument de famille, ou dont le monument était détruit avant leur décès, dans les révoltes et les révolutions si fréquentes en Afrique.

Peut-être doit-on lire REC. à la 3e ligne et traduire: Amateur de la retraite qu'il s'est bâtie. »

- Chute du pont de Constantine. Le 18 mars dernier, à 7 heures et demie du matin, une des piles supérieures du pont (El Kantara) qui relie Constantine au Mansoura la plus rapprochée des murs s'est écroulée, entraînant dans sa chute les deux arceaux qu'elle supportait, ainsi que 22 mètres de la conduite d'eau qui alimente la ville.

Ce pont, d'origine romaine, est jeté sur le Reumel, rivière torrentueuse qui entoure Constantine dans la moitié de son enceinte à l'Est et au Nord, et qui s'est creusé, à une très-grande profondeur, un lit à travers les rochers où elle roule avec fracas. Ce pont est situé sur le bord amont de la plus longue des voûtes naturelles qui se trouvent sur le Reumel. Quelques détails donneront une idée de ses gigantesques proportions.

La clé de voûte de l'arcade naturelle sur laquelle s'assied le monument est à 41 mètres au-dessus de l'étiage de la rivière. L'épaisseur minima de la voûte est, en cet endroit, de 16 mètres. Le point le plus bas des fondations du pont se trouvait donc à 57 mètres au-dessus de l'étiage.

Ainsi posé sur cette voûte naturelle, le pont, dans son état actuel ou plutôt, avant l'accident, présentait aux regards deux rangées d'arches superposées. On reconnaît encore parfaitement les restes de l'ouvrage primitif, et l'ancien travail romain est facile à retracer.

Il se composait, à l'étage inférieur, de deux piles, de deux arches et de deux demi-arceaux s'appuyant, d'un côté, sur les piles de l'autre sur le rocher; l'étage supérieur était formé de six arches. On retrouve encore, comme appartenant à ces premières constructions, presque tout l'étage inférieur, et, à l'étage supérieur, la culée de gauche, la dernière pile de droite et la culée de la même rive.

Vers l'année 1793, ce pont avait été reconstruit par Salah Bey sous la direction de Don Bartolomeo, architecte de Mahon: ce travail devait être effectué avec des pierres apportées des Baléares; mais il n'arriva qu'un seul chargement à Stora, parce que le Bey trouva que les matériaux lui revenaient ainsi beaucoup trop cher, et se décida à en extraire sur place, auprès d'une ancienne fortification de campagne, connue sous le nom de batterie tunisienne. C'est donc par erreur que dans l'Annuaire de la Société archéologique (volume de 1853), on attribue cette réédification à un architecte génois. Les faits que nous venons de rapporter sont encore dans toutes les mémoires à Mahon (1). La partie romaine de ce monument est la base comme nous l'avons dit, et se distingue très-bien du travail moderne; mais cette partie même paraît avoir été remaniée, à l'époque byzantine, sans doute.

L'accident arrivé au pont de Constantine obligeait à le démolir entièrement : on y a procédé à coups de canon le 30 mars dernier. Nous lisons, à ce sujet, dans le journal l'Africain (no du 8 avril courant):

En démolissant la partie supérieure de la culéc droite du pont El-Kantara appartenant à la restauration Byzantine, on vient de mettre au jour deux blocs sur lesquels on lit les fragments suivants d'inscription :

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Les lettres de la ligne supérieure ont 0153 de hauteur; celles de la li

(1) Nous tenons ces renseignements de M. le Maréchal Clauzel, qui les avait recueillis à Mahon, en 1836.

gne inféricure 0-140 seulement. Elles ont été refouillées triangulairement dans la pierre et ciselées avec un soin tout particulier. Les parements des blocs parfaitement travaillés portent les traces d'une longue exposition à l'air.

Tout concourt à nous faire penser que ces fragments épigraphiques appartenaient à l'inscription dédicatoire de l'ancien pont romain.

Ce pont aurait donc été construit sous le règne d'Antonin le Pieux, de l'an 138 à l'an 161 après J.-C., et dédié par le proconsul d'Afrique à ce prince qui prenait quelquefois le titre de fils d'Adrien.

D'un autre côté, on a trouvé un assez grand nombre de médailles frappées au coin de Constantin dans les maçonneries que nous avions annoncées comme appartenant à une restauration exécutée au temps du premier Empire; une médaille porte l'effigie de Decentius.

Nos prévisions touchant les vicissitudes qu'a subies le pont El-Kantara se trouvent donc appuyées de preuves qui nous paraissent irréfragables.

- Le 14 février dernier, on a extrait des fondations de l'hôtel de la banque, à Constantine, un bloc de marbre sur lequel était gravée une inscription à Septime Sévère et à son fils Caracalla. La partie conservée de ce document épigraphique n'offre malheureusement que des formules auxquelles manquent non-seulement les premières et les dernières lignes mais le commencement et la fin des lignes qui subsistent. Aussi, nous n'aurions rien à ajouter à ce qui précède, si la restitution du texte donnée par M. Cherbonneau ne nous fournissait l'occasion de présenter une observation utile à l'adresse de nos correspondants.

Il y a dans toute inscription deux parties distinctes : les formules qui sont communes à certaines classes d'épigraphes et ce qui est particulier à chaque document épigraphique. Si cette dernière partie manque, il est presque toujours impossible de la suppléer; mais il n'en est pas de même pour l'autre. Ainsi, dans l'inscription dont nous venons de parler, dès qu'on avait reconnu qu'il s'agissait de Septime Sévère, il n'y avait plus qu'à ouvrir le Recueil épigraphique d'Orelli, au tome 1er, page 209, et l'on y trouvait le moyen de rétablir facilement tout ce qui était détruit dans l'inscription dont il s'agit.

Il ne faut donc pas dédaigner les documents épigraphiques qui paraissent le plus incomplets et s'abstenir de les communiquer dans la pensée qu'il est impossible d'en rétablir intégralement le texte. Tout doit être recueilli avec soin, car le fragment le plus maltraité peut acquérir une grande valeur entre les mains d'un épigraphiste habile.

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