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moitié. Le bey d'Oran (que Dieu le récompense) nous donna des bœufs, des chèvres, des troupeaux, des terres et des instruments pour cultiver.

⚫ Quatre années s'écoulèrent. Alors onze de nos frères dont voici les noms:

Abd Allah ben Kouchih mon père,

Et Tifouri,

Mohammed bel Bachir,

El Romerani ben Osman,

Yahya bel Hadj,

El Hadj Mohammed ben Abd es Sclam,

El Hadj ben Yahya,

Kaddour ben Abd es Selam,

Es Sadok ben Osman,

Hommou ben Abd er Rahman,

Mohammed ben Kouïder ben Rahmoun,

furent envoyés par nous vers le Pacha, à Alger, pour implorer sa clémence et lui demander de nous permettre de rentrer sur les terres de nos ancêtres. Le sultan repondit: Donnez-moi la liste des hommes des Rir'a, qui se sont répandus dans les diverses tribus; ils reviendront habiter vos montagnes et feront partie du makhzen (1). Quant à vous qui êtes dans le Rorb (l'Ouest), » dans quinze ans, vous serez libres de revenir aussi. »

D

Le sultan consigna cette promesse par écrit sur un registre et, quinze ans après, lorsque nous abordions à Cherchel pour regagner le Zakkar, les Français débarquaient à Sidi Feredj. Ils étaient maîtres de Blida, lorsque les Beldia de Miliana, gouvernés par le Hakem, El Hadj el Miliani, nous trahirent comme la première fois et nous firent éprouver quelques pertes (2).

Quoi qu'il en soit du récit de Ben Saïd, l'événement dont il rapporte quelques détails, à nui beaucoup à l'influence politique des Rir'a qui ont eu de la peine à se relever de ce rude échec.

(1) Je laisse au narrateur indigène la responsabilité de ce récit.

(2) On m'a rapporté dit M. le capitaine Javary que peu de temps avant la prise d'Alger, le Bey d'Oran, voyant l'abandon où les Beni Ameur laissaient leurs magnifiques terrains arrosés de Hadjar Roum et de Tallout avait juré de les leur retirer pour y établir la tribu des Rir'a de Miliana que la misère rendait dangereuse. »

Capitaine A. JAVARY, Études sur le Gouvernement militaire de l'Algérie, p. 146. N. de la R.

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Après que les Turcs eurent ainsi fait le vide dans le pays des insoumis, les terres furent vendues par le Beylik à des gens des Beni Menad, des Beni Menasser et de Miliana, à l'exception, toutefois, du Haouch Rir'a, qui était une terre de Zemoul, et sur laquelle existaient des portions appartenant à des Indigènes qui n'étaient pas compris dans la proscription. Ces enclaves furent respectées; el, ajoutant à son domaine tout le surplus, le gouvernement turc fit administrer ces terres, qui prirent le nom de Haouch Rir'a, par un Oukil spécial résidant au bordj dont les ruines existent encore aujourd'hui.

Quelques-uns des propriétaires des enclaves ou leurs héritiers ont encore, parmi les actes qu'ils conservent, des lettres d'investiture, délivrées par l'agha Yalia (1), les nommant spalis-kossourdji. Ces hommes jouissaient de tous les avantages attachés à la qualité de spahis simple, cultivaient des terres de Zmala et touchaient même la solde sans être astreints à aucun service.

Après quinze ans d'exil, les Rir'a, ainsi qu'il est dit plus haut, profitant du désordre qui dut suivre notre descente en Algérie, revinrent, vers 1830, dans leur patrie; et trouvant leur pays occupé, ils cherchèrent à le reconquérir par la force des armes ; mais, repoussés par les Beni Menad, les Beni Menasser, ils durent renoncer à l'emploi de la force et s'adressèrent alors à la justice.

Des medjelès furent jusqu'à sept fois convoqués pour décider de la question de propriété entre les Rir'a et les acquéreurs du Beylik turc.

Enfin ces luttes et difficultés finirent par une transaction amiable: les Rir'a remboursèrent aux détenteurs de leurs terres la moitié du prix payé par ceux-ci au Beylik (2).

Cependant l'haouch Rir'a fut dévasté; à la même époque, le bordj fut incendié, après avoir été mis au pillage, et les anciens propriétaires en reprirent possession de vive force.

Aujourd'hui, l'administration des Domaines a fait rentrer ce bien à l'État.

La tribu des Rir'a ne renferme, à vrai dire, qu'une seule famille de marabouts, les Oulad Sidi Mohammed ben Yahya dont les

(1) L'agha exerçait ses fonctions vers 1825.

(2) Nous appelons sur ces faits l'attention des personnes qui veulent étudier sérieusement la question de la propriété indigène qui est l'objet de tant d'assertions erronées. - N. de la R.

descendants exercent maintenant l'autorité. C'est pendant toutes les vicissitudes de l'exil que l'influence de cette famille, surtout de Si 'l Medjedoub, père du caïd Si 'l Mokhtar, ainsi qu'il en est fait mention ci-dessus, s'est fondée et a grandi.

Le pays des Rir'a est une véritable forteresse naturelle. Des montagnes difficiles ceignent, de toute part, ce territoire qui est on ne peut plus âpre et tourmenté. La tribu occupe les deux parties Nord et Sud d'une longue chalne abaissée qui porte le nom de Tafraout. Cette chaîne relie les montagnes de l'Ouombeur qui, plus loin, se rattache au Gontas et au système du Zəkkar.

Le Djebel Ouombeur renferme des mines de cuivre. Plusieurs permis d'exploitation ont été demandés et obtenus.

Une forêt de chênes considérable, située sur les versants Sud et Ouest du Zakkar, est, malgré les difficultés du terrain, exploitée par des Européens qui en tirent le bois de chauffage nécessaire à la ville de Miliana.

On ne connaît pas de ruines romaines chez les Rir'a, si ce n'est les débris d'une route, près d'Aïn et Teurki.

A l'époque où les Rir'a étaient en hostilité avec les tribus voisines, leurs lieux de refuge étaient soit dans le Djebel Ouombeur, soit derrière le col du Zakkar. C'est encore là qu'ils seraient obligés de se retirer; mais la nouvelle route muletière de Miliana à Cherchel rendrait évidemment cette retraite peu sûre pour la tribu insurgée. D'ailleurs, il est impossible de ne pas remarquer que sa proximité de la ville de Miliana a permis d'apporter à ses affaires et à ses intérêts un soin tout particulier qui a porté de bons fruits.Les Rir'a n'ont donné aucun sujet de plainte séricuse, depuis leur soumission en 1842.

JULIENNE.

CONQUÊTE DU SOUDAN PAR LES MAROCAINS,

EN L'AN 999 (1590-1 DE J.-C.).

Récit extrait de l'ouvrage d'un historien arabe.

INTRODUCTION.

En l'an 909 de l'hégire (1503-4 de J.-C.), une famille qui prétendait descendre de Mahomet, s'établit dans le Sous, pays qui forme encore l'extrémité méridionale de l'empire marocain. En J'an 915 (1509), Abou-'l-Abbas-Ahmed-El-Caïm, membre de cette famille, s'empara de l'autorité suprême dans une partie du Sous; en l'an 930 (1523), son fils et successeur, Abou 'l Abbas, El A'redj, devint mattre de la ville de Maroc. Leurs descendants marchèrent de conquête en conquête et renversèrent complètement les derniers débris de la dynastie mérinide. Après avoir détrôné les Beni Ouattas et soumis toutes les provinces de l'empire marocain, ils fondèrent une dynastie de chérifs que les historiens du pays nomment Ed-Doult-es-Saadia (la dynastie saadienne). Celleci fut remplacée par la dynastie de chérifs qui dure encore et que l'on désigne par le nom de la dynastie hacenide. Tous ces souverains portaient le titre de Moula, c'est-à-dire seigneur, patron.

En l'an 986 (1578), le sultan saadien, moula Abd-el-Melek (appelé par les Portugais Muley Moluch), mourut empoisonné par son chambellan turc, au moment même où son armée triomphait des Portugais. Dans cette bataille, qui eut lien auprès du Quadi-'lMakhazen, rivière qui coule entre Tanger et El-Casr-el-Kebir, le roi Don Sébastien succomba avec la plus grande partie de ses troupes. Le moula Abou-l-Abbas-Ahmed-el-Mansour, frère d'Abdel-Melek, monta alors sur le trône. Pendant les premiers temps de son règne, il recevait à sa cour une foule de députations et d'ambassades qui arrivaient de tous les côtés pour le féliciter de son heureux avénement. Parmi ces envoyés se trouva un ambassadeur qui était venu de la part du sultan de Constantinople.

A cette époque, les Turcs dominaient sur l'Algérie et se montraient voisins peu commodes de l'empire marocain. Ce fut là, peut-être, le motif qui porta El-Mansour à traiter avec une froideur extrême la mission que la Porte ottomane venait de lui envoyer. Il s'aperçut bientôt de son imprudence; et, s'étant em

pressé d'expédier à Constantinople un ambassadeur et de riches présents, il parvint à détourner l'orage qui allait éclater sur son pays.

Ces renseignements peuvent suffire comme introduction au récit de l'historien dont nous allons maintenant traduire les paroles.

El-Mansour, n'ayant plus rien à craindre de la part des Turcs, s'en retourna de Fez à Maroc, où il fixa son séjour. Ce fut alors qu'il conçut la pensée de soumettre les villes de Tigourarin (1) et de Touat, ainsi que les bourgades et les villages qui en dépendent. Sachant que les habitants de cette région étaient restés depuis longtemps dans un état d'indépendance et qu'ils se tenaient tout à fait en dehors de toute autorité souveraine, il forma le projet de les faire rentrer dans l'unité de l'empire musulman, dans la position que Dieu impose à ses serviteurs. En conséquence de cette résolution, il expédia contre eux une armée nombreuse, sous les ordres du caïd (général) Mohammed, fils de Bereka et du caïd Ahmed, fils d'El-Haddad. Soixante-dix journées après avoir quitté la ville de Maroc, ces troupes entrèrent dans le pays qu'elles avaient la tâche de conquérir. Les habitants, sommés de faire leur soumission et d'éviter ainsi les malheurs les plus redoutables, ne firent aucune attention à cet avertissement, et, se laissant égarer par les conseils du Satan, ils sortirent de leurs places fortes et se mirent en bataille dans la plaine. Après avoir livré plusieurs combats acharnés, ils succombèrent, par la volonté divine, et disparurent du monde, comme s'ils n'y avaient jamais existé, subissant ainsi la punition de leur désobéissance et de leur entêtement.

Cette victoire eut lieu en l'an 998 (1588-9 de J.-C.); elle donna la plus vive satisfaction à El Mansour et fournit aux poètes un beau sujet de chants de triomphe.

Après avoir achevé cette conquête, le sultan jeta les yeux sur le pays des Noirs, région qui avoisine les territoires de Touat et de Tigourarîn. S'étant décidé à l'occuper, il fit sommer les rois (Molouk) de ces contrées de faire leur soumission. S'ils obéissent,

(1) Le mot Tigourarin est un pluriel berber dont le singulier est Tigourart. La ville qui portait ce nom s'appelle maintenant Gourara; elle est située dans la partie orientale de l'oasis de Touat. Nous avons déjà fait observer ailleurs que le mot Touat paralt ètre la forme féminine berberisée du mot arabe ouah (oasis).

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